Mario Centeno © Reuters

Le Portugais Mario Centeno élu président de l’Eurogroupe

Le Vif

Les ministres des Finances des 19 pays ayant adopté la monnaie unique, l’Eurogroupe, ont élu lundi à leur tête le Portugais Mario Centeno, membre d’un gouvernement socialiste, qui sera chargé de mener à bien le lourd chantier de la réforme de la zone euro.

M. Centeno, qui faisait figure de favori, a été élu par ses pairs au deuxième tour de scrutin face au libéral luxembourgeois Pierre Gramegna.

Les deux autres prétendants, la Lettonne de centre-droit Dana Reizniece-Ozola et le social-démocrate slovaque Peter Kazimir se sont désistés à l’issue du premier tour.

Elu pour deux ans et demi, le chef de l’Eurogroupe préside les réunions mensuelles des ministres, dont l’objectif principal est d’assurer la coordination des politiques économiques nationales.

Il fait partie de ceux dont la voix compte à Bruxelles, aux côtés des présidents de trois grandes institutions de l’UE: Jean-Claude Juncker (Commission), Donald Tusk (Conseil), Antonio Tajani (Parlement) et de la cheffe de la diplomatie Federica Mogherini.

Lapsus

Le Portugais Mario Centeno, qui s’est présenté lundi en « candidat du consensus », était le grand favori pour succéder au président actuel, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, contraint de céder la place après deux mandats, à cause de la débâcle de son parti aux dernières élections législatives aux Pays-Bas.

M. Dijsselbloem a d’ailleurs vendu la mèche avant le vote lundi, déclarant apparemment involontairement que M. Centeno lui succéderait à l’issue de son mandat le 13 janvier, avant de se reprendre tout sourire: « J’ai dit Centeno ? Alors j’ai fait un lapsus. Bien sûr, je n’en sais rien, mais apparemment c’est dans ma tête ».

Le Portugais bénéficiait du soutien de l’Espagne (« affinité ibérique »), de l’Italie et de la Grèce, le Premier ministre de gauche Alexis Tsipras ayant jugé ce week-end cette candidature « pleine d’espoir ».

Le chef du gouvernement portugais Antonio Costa semblait confiant avant le vote: « Au cours de nos contacts préalables, nous avons pu confirmer que la candidature portugaise est considérée comme adéquate par des gouvernements de différentes régions d’Europe et de différentes familles politiques ».

Novice en politique lors de son entrée au gouvernement socialiste du Portugal en 2015, M. Centeno, un professeur d’économie de 50 ans sans étiquette et parfois décrit comme un centriste ou un libéral, est vite devenu un des poids lourds de l’exécutif portugais.

Les socialistes avaient clairement revendiqué le poste de président de l’Eurogroupe afin de maintenir un équilibre entre la gauche et la droite à la tête des principales institutions européennes.

‘Premier rendez-vous’

Le Slovaque Peter Kazimir, un social-démocrate de 49 ans, bénéficiait du même atout. Mais son anglais pas toujours parfait, son inflexibilité au moment de la crise grecque et « l’impression mitigée » laissée lorsque son pays a présidé l’Union européenne au deuxième semestre 2016 pourraient avoir joué en sa défaveur.

Ce vote, « c’est comme aller à un premier rendez-vous avec une vieille amie sans savoir si on va l’embrasser ou rester amis », a-t-il twitté dans l’après-midi. Il est donc resté seulement ami.

La Lettonne Dana Reizniece-Ozola, 36 ans, une joueuse d’échecs de haut-niveau apparentée à un parti populiste de centre-droit, était peu connue à Bruxelles

Quant au Luxembourgeois Pierre Gramegna, un ancien diplomate issu d’un parti libéral, ses réticences à une plus grande intégration fiscale dans l’UE l’ont sans doute handicapé.

« J’espère qu’il n’y aura pas de calculs politiques entre le PPE (la droite, qui n’a pas présenté de candidat, ndlr) et les camarades (socialistes) », avait ironisé lundi à Bruxelles son Premier ministre Xavier Bettel.

M. Centeno devra conduire les travaux pour la réforme de la zone euro, sur laquelle les Etats membres se penchent depuis plusieurs mois.

Une discussion, qui associera l’ensemble des ministres des Finances de l’UE, à l’exception du Royaume-Uni, est d’ailleurs programmée dès lundi soir après l’élection.

Achèvement de l’Union bancaire, « capacité budgétaire » pour la zone euro ou encore simplification des règles budgétaires européennes: les ministres feront un nouveau point sur ces questions qui les divisent avant un sommet de l’UE à Bruxelles le 15 décembre.

Mario Centeno, un « Ronaldo de la finance » devenu capitaine de l’Eurogroupe

Le Portugais Mario Centeno, élu lundi président de l’Eurogroupe seulement deux ans après ses débuts en politique, a fait ses preuves au sein d’un gouvernement socialiste qui se targue d’avoir su concilier croissance et discipline budgétaire.

Les qualités de ce professeur d’économie de 50 ans, un homme « culturellement de gauche » mais souvent taxé de « libéral », ont été saluées y compris par l’ancien ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, chantre de l’orthodoxie financière européenne, qui le décrivait en mai comme « le Cristiano Ronaldo de l’Ecofin », le conseil pour les Affaires économiques et financières de l’UE.

L’anecdote, abondamment relayée par les médias, contribue à en faire le visage du redressement du Portugal, un des maillons faibles de la zone euro ayant dû recourir à un plan d’aide internationale pour surmonter la crise de la dette.

Deux ans après l’arrivée au pouvoir des socialistes, grâce une alliance inédite avec la gauche radicale, le pays affiche un déficit public au plus bas en 43 ans de régime démocratique, une croissance au plus haut depuis l’année 2000 et un taux de chômage redescendu à des niveaux d’avant crise.

« L’expérience récente du Portugal montre qu’il est possible en Europe de concilier des objectifs de redressement budgétaire et de croissance », a fait valoir M. Centeno la semaine dernière, en annonçant sa candidature à la succession du Néerlandais Jeroen Dijsselbloem.

‘Contribuer au consensus’

Son objectif, a-t-il ajouté, est de « contribuer à la formation des consensus nécessaires pour compléter l’Union économique et monétaire » et faire de l’euro « un instrument de promotion de convergence économique et sociale ».

Fils d’un employé de banque et d’une fonctionnaire de la Poste, cet amateur de rugby et de cuisine a grandi dans la région de l’Algarve (sud) avant de partir à Lisbonne à l’âge de 15 ans pour faire ses études.

Diplômé de la prestigieuse université de Harvard, cet homme aux cheveux poivre et sel et aux yeux cernés dit avoir été marqué par ces années de formation, pendant lesquelles il s’est intéressé à la microéconomie.

« Je suis devenu beaucoup plus sensible aux liens entre l’économie et les personnes, explique-t-il. Parfois, la macroéconomie oublie qu’il y a des gens de l’autre côté ».

De retour à Lisbonne avec son épouse et ses trois enfants, il entre à la Banque du Portugal comme économiste, puis devient directeur adjoint du département des études économiques.

« C’était un jeune homme calme, affable, intelligent et techniquement bien préparé », se rappelle Luis Campos e Cunha, ancien vice-gouverneur de la banque centrale.

Idéologie ‘de fusion’

Rien ne le prédestinait à une carrière politique jusqu’au moment où l’actuel Premier ministre Antonio Costa lui demande d’écrire le programme économique du Parti socialiste et de se présenter aux législatives de 2015, ce qu’il fait sans renoncer à son étiquette d’indépendant.

Totalement inconnu du grand public lors de son entrée au gouvernement, il était décrit dans les cercles académiques comme un libéral, en raison de ses prises de position en faveur d’une plus grande souplesse du marché du travail.

Refusant de se ranger selon les clivages idéologiques traditionnels, il prône une pensée économique « de fusion ».

« La seule chose qui me définit, c’est ma famille et le Benfica », club de football lisboète, le plus populaire au Portugal, plaisante-t-il.

Conciliant et pragmatique, M. Centeno a par exemple vite laissé tombé l’idée d’un contrat unique, une des mesures phare qu’il préconisait pour combattre la précarité de l’emploi, afin de ne pas froisser les partis de la gauche antilibérale dont dépend la survie du gouvernement.

Capable de combler rapidement son manque d’expérience politique, il est devenu l’un des piliers du gouvernement en se montrant capable de réduire les déficits tout en « tournant la page » de l’austérité mise en oeuvre par le précédent gouvernement de droite.

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