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Le patrimoine culturel italien aux mains des privés

Les acteurs privés gèrent de plus en plus le patrimoine artistique et culturel de l’Italie. Austérité et crise économique ne laissent pas le choix aux administrations locales, presque obligées de louer les bâtiments historiques en échange de leur restauration.

Le patrimoine culturel italien (47 sites référencés à l’UNESCO) serait en train de disparaître. Les vestiges de Pompéi qui s’écroulent, les énormes dommages à Modena suite au tremblement de terre de fin mai, les bâtiments de Rome qui sont à l’agonie…La rigueur budgétaire mise en place par le gouvernent de Mario Monti frappe surtout le secteur culturel.

Le pays est donc obligé à solliciter les privés par la vente de droits d’usage voire la vente de monuments, comme précise le journal Libération dans son site. Selon le journal Il Fatto Quotidiano, en trois ans (entre 2008 et 2011) le budget du ministère de la Culture a été réduit d’un tiers (1,42 milliard d’euros).

Les dépenses pour l’instruction et la culture sont au-dessous de la moyenne européenne et le massacre économique des Institutions locales a donné le coup de grâce. Pourtant, l’Italie est le seul pays dans lequel la préservation du patrimoine historique et artistique est l’un des principes fondamentaux de la Constitution (article 9).

Pour régler le problème, les gouvernements locaux ont donc décidé de recourir aux sponsors et aux dons privés. Aujourd’hui il est donc possible de voir les monuments historiques de Venise, Rome et Milan défigurés par la publicité des grandes firmes comme Coca-Cola ou H&M. Les privés acceptent de prendre en charge les travaux nécessaires, mais, en échange, les villes permettent aux annonceurs de recouvrir la façade du bâtiment (jusqu’à 50 %) d’un panneau publicitaire géant pendant la durée de la restauration.

Pour Francesco Bandarin, directeur de la culture à l’UNESCO, la vente de publicité est une « mesure acceptable » pour financer les efforts de conservation à un moment de difficulté financière. Mais selon lui, « il y a eu plusieurs cas d’excès ».

Le Musée Offices à disposition de la mode italienne

Et à propos d’excès, Le Fatto quotidiano dénonce la décision de louer l’un des musées les plus connus à Florence au styliste Stefano Ricci pour un défilé. Tout ça pour le chiffre ridicule de 30.000 euros. De plus, il y a quelques semaines, la pop star Madonna a pu louer la totalité du bâtiment pour une visite privée. Le musée devient ainsi une ostentation et une célébration du luxe.

Selon l’historien de l’art, Tommaso Montanari « le patrimoine historique et artistique de l’Italie est l’un des outils que la République a à disposition afin de rendre effective et réelle la liberté et l’égalité des citoyens. Avec cette interférence des privés, qui est nécessaire à cause de la crise, la valeur civile des musées est annulée. Toutefois, selon l’article 3 de la Constitution italienne la République doit éliminer les obstacles d’ordre économique et social qui limitent la liberté des citoyens de participer à l’organisation économique, politique et sociale du pays ».

En février 2012, toujours Il Fatto Quotidiano déplore le fait que Venise est en train de se transformer en une sorte de « Disneyland », en montrant le Campanile de Saint-Marc habillé par une projection géante de la marque Hard Rock Café. Encore aujourd’hui, les touristes peuvent « admirer » sur la façade de la bibliothèque en face du palais des Doges un immense placard publicitaire.

Une décision presque obligée

Mais quand les gouvernements locaux ne peuvent plus faire face aux coûts des travaux et que les dons privés ne suffisent plus, la vente reste souvent la seule option. C’est particulièrement le cas à Venise, comme reporte le site de Libération. La ville a multiplié les ventes de bâtiments historiques ces dernières années. En 2008, Benetton achète pour 55 millions d’euros il Fondaco dei Tedeschi, un bâtiment construit en 1505, ancien siège des commerçants allemands, pour le transformer en centre commercial.

Un an plus tard, François Pinault – le fondateur du groupe PPR – transforme la Punta della Dogana, un édifice du XVIIe siècle situé à l’emplacement de la pointe du Grand Canal, en une salle d’exposition pour ses collections.

Le Washington Post rapporte que selon Fausta Bressani, directeur des affaires culturelles de la région vénitienne, la décision de vendre a été l’un des derniers recours, alors que la région a demandé de l’aide au gouvernement, à la Commission européenne et à d’autres sources possible de financement. « Nous sommes confrontés à une crise majeure, et l’avenir est encore incertain […] Mais je ne pense pas qu’il soit impossible de trouver des sponsors privés qui respectent les bâtiments comme des produits culturels ».

Le Vif.be

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