Le pape François à Madison Square Garden, New York. © AFP/Don Emmert

Le pape, lueur d’humanité dans l’enfer carcéral américain

Le Vif

En visitant dimanche une prison de Philadelphie, le pape François va offrir aux caméras du monde entier une percée dans l’univers carcéral américain, décrié notamment pour sa surpopulation et ses interminables réclusions à l’isolement.

Ce déplacement sous haute sécurité du souverain pontife fera aussi souffler une brise d’humanité sur un système rassemblant des criminels, mais aussi les plus pauvres et les plus exclus de la société américaine. Un microcosme où les Noirs et les Hispaniques sont surreprésentés.

Le site retenu est la maison d’arrêt Curran-Fromhold, du nom de deux gardiens mortellement poignardés en service en 1973. D’une superficie de dix hectares, c’est la plus grande prison de Philadelphie (est).

Inaugurée en 1995, elle affiche de l’extérieur une modernité proprette avec ses bâtiments peints en rose, ses espaces gazonnés et son parking entouré de petits arbres.

Mais à l’intérieur des murs surmontés de fils barbelés, l’institution offre un condensé de dureté et de tension, illustré par une récente vidéo montrant un gardien frappant brutalement un détenu, un acte non sanctionné.

A Curran-Fromhold, le pape rencontrera une centaine de prisonniers des deux sexes, soigneusement sélectionnés par l’administration pénitentiaire, après avis de l’aumônerie et des services sociaux.

« Ceux qui ont été choisis ont exprimé leur envie de rencontrer notre +invité particulier+, ils se sont bien comportés durant leur détention, sans commettre d’infraction, et ont régulièrement participé aux offices religieux », a expliqué à l’AFP Shawn Hawes, porte-parole de l’établissement.

Fauteuil made in prison

François s’assiéra dans un fauteuil fabriqué par des détenus et discutera avec leurs familles.

Mais aucune visite de la prison n’est prévue, même si les témoignages abondent, depuis des années, dénonçant des conditions d’incarcération dégradantes, notamment sur le plan sanitaire. Une situation qui a conduit des avocats à poursuivre en justice la municipalité de Philadelphie.

Dans l’une de ces plaintes, consultée par l’AFP, est notamment décrit comment le confinement des détenus, à trois dans une cellule de deux, oblige le dernier arrivé à dormir dans une coque de plastique bleu, posée à même le sol, quasiment en contact avec la cuvette des WC.

« En cas de surpopulation, le passage à trois par cellule est nécessaire », justifie Mme Hawes. « Mais leur durée de séjour dans une cellule à trois est limitée: on les fait passer par rotation dans une cellule de deux, au bout de 60 jours ».

La responsable affirme toutefois que la prison, officiellement, ne compte actuellement que 2.863 détenus, pour une capacité dépassant 3.000.

Maison d’arrêt et non centrale pénitentiaire, Curran-Fromhold abrite 78% de personnes en attente de leur procès. Présumés innocents, beaucoup de ces détenus n’ont pas les moyens de verser une caution libératoire, parfois de seulement quelques centaines de dollars.

Un exemple parmi d’autres de l’absurdité d’un système carcéral ultra-coûteux qui, avec ses 2,2 millions de prisonniers, donne aux Etats-Unis un taux d’incarcération record au sein des pays développés.

En juillet dernier, Barack Obama était devenu le premier président américain en exercice à visiter une prison américaine, dans l’Oklahoma. Il avait ce même mois dénoncé la « longue histoire d’inégalités dans le système judiciaire américain ».

Opposant déclaré des réclusions sans espoir de sortie, le souverain pontife n’en est lui pas à sa première visite de prison.

A Philadelphie, il est particulièrement attendu par tous les partisans des réformes d’un univers carcéral critiqué, notamment pour ses couloirs de la mort devenus le symbole des failles du système.

Le pays est actuellement aussi agité par des remises en cause des peines de réclusion à l’isolement perpétuel, assimilées à de la torture dans de nombreux pays.

Enchaîner les détenues enceintes, y compris au moment où elles accouchent, reste la norme dans 28 Etats américains, un acte que le New York Times a qualifié mercredi dans un éditorial de « cruauté absolue » et d' »humiliation inutile ».

Le discours jeudi du pape François devant le Congrès a en tout cas gonflé d’espoir les militants contre la peine capitale.

« Il l’a dit très clairement, à un moment où les choses bougent en faveur d’une abolition de la peine de mort, et il faut espérer que cela va avoir des conséquences positives », a confié à l’AFP Marie Dennis, coprésidente de l’organisation Pax Christi International.

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