Novitchok © iStock

Le « Novitchok », arme chimique russe dangereuse et mal connue

Le Vif

L’agent innervant « Novitchok », qui a plongé deux Britanniques dans un état critique quatre mois après l’empoisonnement d’un ex-agent russe et de sa fille, est un toxique russe mal connu et particulièrement dangereux.

Sa conception par des scientifiques soviétiques remonte aux années 1970-1980, les dernières décennies de la Guerre froide Est-Ouest. Les experts occidentaux en savent peu sur ces armes chimiques redoutables.

Ces substances, qui agissent sur le système nerveux, font que les muscles ne sont plus contrôlés, aboutissant à des spasmes, puis à la paralysie et éventuellement à la mort par suffocation ou arrêt cardiaque.

Les deux nouvelles victimes, identifiées par un ami comme étant Charlie Rowley et Dawn Sturgess, ont été retrouvées samedi dans une habitation d’un quartier résidentiel d’Amesbury, une ville du sud-ouest de l’Angleterre.

La police a annoncé mercredi qu’elles avaient été exposées au Novitchok, déjà utilisé pour empoisonner l’ex-espion Sergueï Skripal et sa fille Ioulia en mars, à une quinzaine de kilomètres de là. Tous deux avaient finalement été tirés d’affaire après un lourd traitement médical.

« Le fait qu’il s’agisse du même produit que celui qui a empoisonné les Skripal confirme beaucoup de choses qu’on subodorait sur la famille des agents innervants Novitchok », affirme le professeur Andrea Sella, chimiste à l’université londonienne UCL, cité par le Science Media Centre.

« Ils sont faits pour persister dans l’environnement et ne pas s’évaporer ni se décomposer rapidement. Cela veut dire que si un contenant ou une surface a été contaminé, il peut rester dangereux longtemps », poursuit-il.

Selon lui, « il est donc vital de retracer les déplacements de ce couple pour savoir où ils ont pu entrer en contact » avec le poison.

– « Séquelles neurologiques » –

Le couple est hospitalisé dans un état critique à l’hôpital de Salisbury, où l’ex-espion russe et sa fille avaient eux-mêmes été traités pendant plusieurs semaines.

Les deux Britanniques « sont soignés dans le seul établissement où on a réussi à traiter avec succès des patients exposés à ces substances, donc il y a toutes les raisons de penser que l’issue peut être favorable pour eux », juge le docteur Chris Morris, toxicologue à l’Université de Newcastle.

« Il faut toutefois garder en tête que les victimes de ce genre de produits organophosphorés peuvent garder à vie des séquelles neurologiques, même si elles se remettent des effets aigus de l’empoisonnement », avertit le professeur Sella.

Le Novitchok est un agent innervant, comme d’autres poisons plus connus, le sarin et le VX.

Ces substances ciblent une enzyme appelée acétylcholinestérase, dont le rôle est crucial: c’est elle qui détruit l’acétylcholine, une molécule qui agit sur la contraction des muscles. Lorsque l’agent innervant bloque cette enzyme, l’acétylcholine s’accumule, ce qui détraque le système nerveux.

Selon les experts, la procédure de soins classique dans le cas d’un empoisonnement avec un agent innervant est de stabiliser les fonctions vitales du corps (respiration, battements du coeur). Parallèlement, il faut administrer au patient de l’atropine, médicament de base utilisé pour combattre les symptômes des agents innervants.

L’atropine bloque les récepteurs de l’acétylcholine pour empêcher son accumulation dans le système nerveux. Le temps, si le traitement fonctionne, de permettre au corps d’évacuer l’agent innervant et de produire à nouveau l’enzyme qu’il ciblait.

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