Alexis Tsipras, premier ministre grec. © REUTERS

Le non massif des Grecs au référendum entraîne la confusion en Europe

Les Grecs ont nettement rejeté, lors du référendum de dimanche, le plan des créanciers de leur pays, précipitant Athènes dans l’incertitude sur son maintien dans la zone euro.

Selon les résultats complets au référendum, le non l’emportait à 61,31%, tandis que Berlin d’un côté, Paris et Rome de l’autre, ne semblaient pas en phase sur la réaction à apporter, et qu’Athènes faisait mine de ne voir aucun problème à son retour dès lundi à la table des négociations.

La chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande étaient néanmoins « d’accord » pour dire qu’il fallait « respecter le vote » des Grecs, et pour appeler à un sommet de la zone euro, qui aura lieu mardi à 16h00 GMT à Bruxelles. La Commission européenne disait aussi « respecter le résultat » du référendum.

Alors que les partisans du non manifestaient bruyamment leur joie à Athènes, Berlin a cependant réagi durement, le ministre allemand de l’Economie Sigmar Gabriel jugeant « difficilement imaginables » de nouvelles négociations avec Athènes dans ces circonstances.

Sigmar Gabriel a même considéré que le Premier ministre grec de gauche radicale Alexis Tsipras avait « coupé les derniers ponts » entre son pays et l’Europe, dans un entretien au quotidien Tagesspiegel à paraître lundi.

Moscou, commentateur intéressé des évènements, s’était déjà fait également son opinion : « On ne peut pas ne pas comprendre » qu’il s’agit d’un « pas vers la sortie de la zone euro », a déclaré le vice-ministre russe de l’Economie, Alexeï Likhatchev.

Le ministre slovaque des Finances Peter Kazimir jugeait pour sa part que, désormais, un Grexit, sortie de la Grèce de la zone euro, était « un scénario raisonnable ».

Grexit ou main tendue

Mais au même moment, Alexis Tsipras, assurait à ses compatriotes que le résultat du référendum ne marquait pas du tout « une rupture avec l’Europe », mais au contraire « un renforcement du pouvoir de négociation » des Grecs, et déclarait même que « cette fois la dette serait sur la table » de ces négociations.

Le ministre des Finances Yanis Varoufakis qualifiait pour sa part le scrutin « d’outil pour tendre la main à nos partenaires ».

Difficile de comprendre qui disait vrai et qui se berçait d’illusions dans cette affaire. Dimanche matin néanmoins, deux autres grandes capitales, Paris et Rome, avaient envisagé la reprise des négociations même en cas de non, par les voix du président du Conseil italien Mattéo Renzi et du ministre français de l’Economie Emmanuel Macron.

François Hollande s’est entretenu dimanche soir avec Alexis Tsipras, et devait recevoir lundi soir à Paris la chancelière allemande Angela Merkel « pour évaluer les conséquences du référendum en Grèce », avant le sommet.

L’euro pâtissait de cette condition, cédant 0,90% par rapport à vendredi soir face au dollar, à 1,1014 dollar à 20h00 GMT.

La confusion sur la suite des évènements était totale. La Grèce n’a plus d’argent, ses banques sont fermées depuis une semaine, et fragilisées par les retraits massifs récents de Grecs anxieux de toute cette situation.

Selon le porte-parole du gouvernement, Gabriel Sakellaridis, la Banque de Grèce devait envoyer dès dimanche soir une demande à la BCE, car il y a selon lui « des arguments solides pour faire remonter (le plafond de) l’ELA », l’aide d’urgence aux banques grecques.

Le conseil des gouverneurs doit se réunir lundi, avait annoncé dès vendredi dans la presse autrichienne le gouverneur de la Banque d’Autriche Ewald Nowotny. Mais sans perspective d’accord d’Athènes avec ses créanciers, « la BCE n’a pas de base pour continuer à envoyer des euros à Athènes », estimait Holger Schmieding, économiste de Berenberg.

Dans cette situation périlleuse, le Premier ministre de gauche radicale Syriza pouvait au moins se féliciter d’avoir remporté le pari du référendum, cinq mois après sa victoire confortable aux législatives de janvier.

Il a envoyé un message d’union à ses compatriotes dimanche soir, notant que, quel que soit leur choix dimanche, « nous ne faisons qu’un ». Le raz de marée du non a emporté avec lui l’ex-Premier ministre et leader du parti conservateur Nouvelle-Démocratie, Antonis Samaras, qui a démissionné de ses fonctions.

L’affaire semblait au départ loin d’être gagnée pourtant, pour le jeune Premier ministre qui aura 41 ans ce mois-ci.

La vie sera différente

D’une question simple posée aux Grecs, en substance, « approuvez-vous la proposition de réformes mise sur la table le 25 juin par les créanciers du pays (FMI, UE, BCE)? », ces derniers avaient fait un plébiscite pour ou contre un euro auquel les Grecs sont très attachés, à 74%.

Pour parachever la dramatisation de ce scrutin, ils avaient refusé, la semaine dernière, de poursuivre le programme d’aide en vigueur depuis 2012, laissant la Grèce -qui n’a plus reçu d’aide depuis août 2014- manquer un paiement de 1,5 milliard au FMI, évènement financier rarissime.

Mais les Grecs ont semblé dépasser leur anxiété, pour dire le « grand non » espéré par Alexis Tsipras aux créanciers, qui exigent des réformes très dures de la Grèce depuis 2010, en échange de 240 milliards d’euros de prêts ou promesses de prêts, qui ont porté la dette grecque à près de 180% du PIB.

Sur la place Syntagma, des milliers de personnes se sont rassemblées pour manifester leur joie, malgré les incertitudes. Certains chantaient, dansaient, agitaient des drapeaux et scandaient « Oxi » (Non en grec), leurs visages rayonnants. Des stands vendant drapeaux grecs et sifflets se sont montés un peu partout.

George Kotsakis, 55 ans, vêtu d’un jogging au motif des jeux Olympiques d’Athènes 2004, tenait un drapeau grec à la main: « Je suis ravi, c’est merveilleux, la vie sera différente à partir de maintenant », espérait-il.

Dans les autres pays d’Europe, l’inquiétude était de mise dimanche soir. De source proche du ministère italien des Finances, on disait croire que la zone euro serait « en mesure de faire face » à la réaction des marchés, lundi.

Le PS portugais mettait en garde contre les effets possibles d’un « séisme grec » sur le Portugal. En Espagne, un conseil interministériel urgent devait se réunir lundi à Madrid.

Les directeurs du Trésor de la zone euro devaient aussi se réunir lundi.

Sans surprise, le chef du parti antilibéral espagnol Podemos Pablo Iglesias jubilait: « Aujourd’hui en Grèce la démocratie l’a emporté », twittait-il. Le succès du gouvernement grec a aussi entraîné les félicitations des eurosceptiques, la française Marine le Pen et le Britannique Nigel Farage en tête.

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