Etienne de Callataÿ

Le « non » grec confronte l’Europe à des questions de fond, que le « oui » aurait permis d’escamoter

Etienne de Callataÿ Economiste, cofondateur d'Orcadia Asset Management

Le verdict du référendum grec a l’apparence de la clarté : le non l’a emporté, et de manière nette. Si le résultat est limpide, ses conséquences sont particulièrement incertaines.

Le pays aurait pu espérer voir une orientation se dessiner. Il n’en est rien, l’incertitude augmente encore. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer une quelconque normalisation de la vie économique, et notamment une réouverture des banques. En effet, comme le référendum augmente la probabilité d’un Grexit, ou sortie de l’Union monétaire, les Grecs se précipiteraient encore plus pour retirer des euros avant que leurs dépôts ne soient transformés en une drachme dépréciée. Les premières victimes de la crise grecque sont les Grecs. Les premières victimes du non-accord de refinancement de la Grèce sont les Grecs.

L’incertitude va contaminer les esprits des consommateurs et des entrepreneurs dans le reste de l’Union monétaire. Toutefois, cet effet-là en soi ne devrait pas être vraiment significatif. Cela affecterait l’amélioration en cours des indicateurs économiques mais ne devrait pas ramener la zone euro en récession. Il est cependant un risque pour l’ensemble de la zone euro, à savoir celui d’une contagion à d’autres pays dont la dette publique apparaîtrait soudainement comme non-soutenable. Ne nous trompons pas, on a beaucoup parlé des mesures d’austérité et d’ajustement demandées à la Grèce par les institutions internationales mais le débat des prochains jours et prochaines semaines devra aborder de front la question de la restructuration de la dette publique.

Bien sûr, l’Europe a fait des progrès économiques, financiers et institutionnels ces dernières années mais le risque de contagion par les marchés obligataires ne peut être écarté. Au lendemain de l’annonce du référendum, il y a eu un petit frisson sur les marchés, mais limité et fugace. Pourtant, l’Europe n’est pas vraiment prête à se montrer beaucoup plus solidaire du Portugal qu’elle ne l’a été de la Grèce, alors que la dette portugaise n’est pas si différente de la dette grecque. Bien sûr, l’économie portugaise semble aller mieux … mais l’économie grecque semblait sur la bonne voie en 2014. Par ailleurs, on ne peut écarter la possibilité de voir augmenter le soutien pour Podemos au sein de l’opinion publique espagnole. Plus largement, on ne peut exclure une aspiration dans l’une ou l’autre pays, et plus encore dans un environnement de faible croissance, de faible inflation et de rigueur budgétaire, à restructurer la dette publique nationale. Ceci ne pourrait qu’inquiéter les créanciers et faire remonter les taux d’intérêt. La Banque centrale européenne est puissante mais elle ne peut pas tout.

Ces incertitudes sont néfastes, pour les gens, pour l’économie, pour les marchés. Bien entendu, il y a aussi du positif dans les événements récents. D’abord, et même si cela s’est fait dans de mauvaises circonstances, permettre aux citoyens de s’exprimer sur une question fondamentale est salutaire. L’Europe doit être moins technocratique et redevenir une aspiration collective. Même si cela génère de l’instabilité. Ensuite, il y a eu des erreurs de nature, de timing et de forme, dans les efforts demandés à la Grèce. Le non au référendum peut aider à en faire prendre conscience. Il peut y avoir une certaine sagesse dans la foule. Enfin, le « non » confronte l’Europe à des questions de fond, qu’une victoire du « oui » aurait permis d’escamoter. Il faudra parler de la soutenabilité des dettes publiques et, plus fondamentalement, de l’avenir du projet européen, avec les abandons de souveraineté que le fédéralisme européen exige.

Il ne faut ni sur-interpréter, ni dramatiser le non. Ce non n’est pas une demande de sortie de l’Union monétaire. Il y a de l’espace pour la négociation. Bien sûr, les attitudes des uns et des autres ne facilitent pas les choses. Ici, après cette « victoire » politique de Syriza, il faut éviter tant l’arrogance des gagnants que la réaction d’humeur auprès des négociateurs internationaux. C’est loin d’être acquis. En même temps, comme le compromis, élargi à une restructuration de la dette, reste la meilleure des solutions, tant pour les Grecs que pour le reste de l’Europe, ainsi d’ailleurs que pour les Américains qui donnent un poids important aux questions géostratégiques, il faut considérer cela comme le scénario de référence.

Texte initialement publié sur le blog de la Banque Degroof

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