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Le non-débat du PS français

Bilan mitigé pour le débat des 6 candidats à la primaire du PS en France, qui s’est tenu sur le plateau de France 2 hier soir. Dans une atmosphère très consensuelle, les rares escarmouches entre Hollande et Aubry ont égayé un débat trop policé.

Ils étaient réunis pour la première fois sur un plateau télé, hier soir : les six candidats à la primaire socialiste, dont le premier tour se tiendra le 9 octobre prochain. François Hollande, Ségolène Royal, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Martine Aubry et Jean-Michel Baylet se sont exprimés sur le plateau de ‘Des paroles et des actes’, la nouvelle émission politique de Pujadas, pendant près de trois heures.

Un débat beaucoup trop policé ?

Au lendemain du débat, les débriefings sont mitigés. Oui, les candidats se sont bien exprimés et ont pu insister sur le vote de la primaire, dont la signification du résultat dépendra beaucoup du nombre de personnes qui se déplaceront pour voter. Mais à part mettre le PS en avant, se sont-ils démarqués les uns des autres ? Pas vraiment, à en croire les commentaires qui, de tous les côtés, reconnaissent une certaine monotonie et un manque de confrontation.

En effet, les candidats sont restés plus que corrects entre eux, se lançant même des « Je soutiens tout à fait cela » ; « comme Arnaud l’a dit », etc. David Pujadas menait la danse avec ses questions, et les candidats n’ont pas vraiment semblé (ou très peu) se répondre les uns aux autres – excepté vers la fin, où ceux qui étaient encore devant leur écran ont été récompensés par quelques affrontements sur le sujet du nucléaire et de la légalisation du cannabis. Au final, un débat manquant de dynamisme et qui, du coup, tirait un peu en longueur..

Des avis partagés sur cette stratégie de débat

Certains jugeront que cette posture de sobriété des candidats fait montre d’une sorte de maturité au sein du parti, avec des candidats qui restent fair-play (même un peu trop) et ne passent pas la soirée à se tirer dans les pattes pour s’imposer. Une évolution dans un parti où les divisions internes ont été légion. Cela revient d’ailleurs dans tous les discours : tous ont assuré que quel que soit l’élu, ils se rangeraient derrière lui à 100%. Du coup, on a retrouvé un certain consensualisme des candidats, qui s’en sont largement tenus au programme du PS, exprimant par là une unité du parti.

De l’autre côté, on juge que le but d’un débat sur la primaire, c’est bien d’avoir une confrontation, que ce soit sur le fond du programme ou sur les personnalités des candidats. A l’inverse, les discours tenus par les candidats s’épaulaient les uns les autres. Le sentiment est alors que tout le monde a « abdiqué » : Hollande, dit « le favori », n’aurait pas été attaqué ou poussé dans ses retranchements. Ségolène Royal a paru bien absente des débats. Martine Aubry a adopté une posture plutôt patronale, en rebondissant sur ce que disaient les autres candidats et en rassemblant les arguments. Les candidats dont l’idéologie est la plus différenciée de celle du PS (Valls, à qui on reproche de ne pas être vraiment de gauche ; et Montebourg, qui lui l’est plus que le PS), se sont, eux, affirmés pendant leur temps d’antenne, mais sans se confronter aux autres. Enfin, Baylet (qui n’est pas au PS, mais président du Parti Radical de Gauche), qui s’est dit « content d’avoir été là », a pu donner un peu de visibilité à son parti, mais ne s’est pas posé en vrai présidentiable.

Enfin un peu d’agitation ?

Le seul extrait un peu pimenté s’est tenu vers la fin du débat. Martine Aubry et François Hollande ont fait quelques passes d’armes, affirmant là leur présence sur le plateau. Aubry a notamment qualifié son pronostic d’équilibre des comptes en 2017 d’ « irresponsable » et expliqué que son « contrat des générations » coutait extrêmement cher. Hollande a rétorqué en signalant qu’il avait annoncé sa candidature avant l’épisode DSK ; contrairement à Martine Aubry qui a posé la sienne après que DSK ait renoncé aux présidentielles. Quelques derniers affrontements ont clôturé la soirée sur le sujet de la drogue, où les deux plus jeunes candidats, Valls et Montebourg, étaient radicalement contre la dépénalisation du cannabis, alors que Baylet, doyen de l’assemblée, se prononçait pour.

La soirée semble quand même avoir été productive. Malgré la longueur, l’audience a dépassé celle de l’émission culinaire Masterchef, diffusée en même temps sur TF1 et qui se classe bien souvent en tête de l’audimat. 4,9 millions de téléspectateurs ont suivi le débat (5,6 millions dans la première demi-heure), ce qui reste très au-dessus de l’audience habituelle d’une émission politique sur France 2. Pour comparaison, l’édition de « Des paroles et des actes » qui avait accueilli Marine Le Pen avait fait 3,5 millions de téléspectateurs.

De plus, il faut noter que ce débat n’est que le premier de trois rencontres qui sont prévues entre les 6 candidats. Si la stratégie de cette première rencontre était d’insister sur la participation à la primaire en s’adressant à l’électorat de gauche, les deux éditions suivantes permettront peut-être aux candidats de se démarquer plus avant. On l’espère en tout cas.. Car pour les électeurs de gauche qui souhaitent faire un choix, ce débat n’aura pas apporté beaucoup d’informations neuves sur les différences des candidats.

Alix Hardy (stg.)

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