Donald Trump © Reuters

Le navire Trump prend l’eau de toute part: florilège des tensions

Le Vif

La présidence de Donald Trump prend l’eau de toute part. Le milliardaire a essuyé un échec humiliant sur la réforme de la santé, les rivalités qui déchirent sa garde rapprochée s’étalent au grand jour et l’affaire russe empoisonne son mandat.

Il aura suffi de trois sénateurs du parti présidentiel pour torpiller des mois d’efforts et sept ans de promesses des républicains de mettre bas l’Obamacare honnie.

Vers 01H30 vendredi, c’est John McCain, le vieux sénateur, héros de la guerre du Vietnam atteint d’un cancer du cerveau, qui a tué les derniers espoirs des républicains d’abroger et de remplacer rapidement la réforme phare de Barack Obama.

Une heure plus tard, Donald Trump, qui avait pourtant promis de régler l’affaire en deux temps trois mouvements en arrivant à la Maison Blanche, semblait se distancier du désastre. « Trois Républicains et 48 Démocrates laissent tomber le peuple américain. Comme je l’ai dit depuis le début, laissez l’Obamacare imploser, puis négociez », a-t-il tweeté.

Le président – et les dirigeants du parti – ont été incapables de conclure l’affaire et de réconcilier les positions de l’aile la plus conservatrice et des modérés.

Les premiers voulaient une suppression pure et simple d’Obamacare et les seconds refusent de lâcher la proie pour l’ombre et craignent pour leurs administrés dont une vingtaine de millions risquaient de se retrouver sans couverture santé, selon les projections officielles.

Personne ne semblait savoir vendredi comment avancer.

Schizophrène paranoïaque

Mais les manoeuvres politiques au Congrès et les énormes enjeux humains et économiques liés à la réforme du système de santé ont dû céder la place jeudi après-midi à un extraordinaire déballage des querelles intestines qui déchirent la Maison Blanche.

Le nouveau directeur de la communication de la Maison Blanche Anthony Scaramucci s’en est pris avec une extrême vulgarité à ses collaborateurs de la présidence, dont son rival le secrétaire général Reince Priebus, qualifié de « putain de schizophrène paranoïaque ».

Le tout Washington avait du mal à en croire ses yeux en dévorant l’interview au New Yorker de celui qui devait incarner le nouveau visage de la présidence après le départ de Sean Spicer, le porte-parole de la Maison Blanche, dont les maladresses avaient lassé le président.

M. Scaramucci, furieux du tweet d’un reporter du magazine, l’a appelé et a déversé une bordée d’injures sur ses collègues sans prendre la précaution élémentaire de demander à ce que la conversation reste confidentielle.

Il s’en est pris aussi à Steve Bannon, proche conseiller du président et personnage controversé de l’extrême droite américaine, dans un vocabulaire à caractère sexuel extrêmement grossier.

Pourtant, lors de son arrivée il y a tout juste une semaine, Anthony « the Mooch » Scarramucci – comme il aime à s’appeler – avait séduit la presse avec sa success story à l’américaine.

Né à Long Island dans l’Etat de New York, dans une famille d’immigrés italiens de la classe moyenne, diplômé d’Harvard, passé par Goldman Sachs, il a fait fortune en gérant celle de ses clients.

Charmant, éloquent, tiré à quatre épingle, il laissait espérer un nouveau départ pour une communication présidentielle plus chaotique qu’à son tour, parfois à cause des tweets intempestifs de Donald Trump lui-même.

Devant le tollé, M. Scaramucci a semblé faire amende honorable: « Je m’exprime parfois avec un langage fleuri. Je m’abstiendrai dans ce cadre mais je ne renoncerai pas à mon combat passionné pour le programme de @realDonaldTrump », a tweeté le financier.

Moscou riposte

Pour compliquer un peu plus la vie de Donald Trump, le Sénat a adopté jeudi, à la quasi unanimité, des sanctions contre la Russie pour la punir de s’être ingérée dans l’élection présidentielle.

Le président – qui tente depuis son élection d’améliorer les relations avec la Russie au grand dam de nombre d’élus qui voient dans Moscou un adversaire plus qu’un partenaire – peut apposer son veto mais ce serait une solution de courte durée, le Congrès pouvant le contourner.

En général, les présidents s’épargnent cette humiliation en apportant un soutien tardif à la législation.

Et vendredi, la Russie a riposté. Moscou demande à Washington de réduire, à partir du 1er septembre, à 455 le personnel de son ambassade et de ses consulats en Russie, et suspend l’utilisation par l’ambassade américaine d’une résidence en périphérie de la capitale russe et d’entrepôts.

Vladimir Poutine, le président russe, avait promis une réponse à « l’insolence » des Etats-Unis.

La Maison Blanche pour l’heure est muette.

Florilège des tensions

Disputes et injures publiques entre conseillers, ministres déstabilisés ou en souffrance: l’administration de Donald Trump donne l’image d’une équipe désunie, consumée par les rivalités et les doutes. Plusieurs conseillers ou ministres sont aujourd’hui en difficultés, en disgrâce ou affaiblis par des rumeurs de renvoi ou de démission:

REINCE PRIEBUS, ANTHONY SCARAMUCCI, STEVE BANNON

Reince Priebus et Anthony Scaramucci sont engagés dans une rivalité publique impitoyable. Le premier, cacique du parti républicain, a été recruté dès le début du mandat Trump pour être secrétaire général de la Maison Blanche, l’homme chargé de donner cohérence à l’action gouvernementale. Le second, financier à succès, est depuis le 21 juillet le directeur de la communication de la présidence avec pour mission de redonner de l’élan à l’action de Donald Trump.

Scaramucci, 53 ans, reproche à Priebus, 45 ans, d’orchestrer des fuites vers la presse. Il a sérieusement dérapé mercredi soir lors d’une conversation avec un journaliste du New Yorker. Priebus est un « putain de schizophrène paranoïaque », a-t-il dit avant de se laisser aller à des grossièretés à caractère sexuel visant Steve Bannon, le conseiller stratégique de Donald Trump, proche de l’extrême droite. Ce dernier se retrouve ainsi embarqué dans cette querelle publique.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE JEFF SESSIONS

Soutien de la première heure de Donald Trump, cet ancien élu très conservateur de l’Alabama fut le premier sénateur à se rallier à la candidature de l’homme d’affaires, alors outsider de la course.

Mais il est violemment tombé en disgrâce au début de la semaine dernière, le président lui reprochant publiquement de s’être récusé de la supervision de l’enquête sur l’ingérence alléguée de la Russie dans l’élection américaine. Donald Trump estime que son ministre de la Justice n’est plus en mesure de le protéger.

« C’est extrêmement injuste, et je pèse mes mots, pour le président », a dit Donald Trump.

Il a ces derniers jours multiplié les attaques contre le ministre de la Justice, bousculant une fois de plus les codes politiques et alimentant les spéculations sur son limogeage ou sa démission.

Sessions s’accroche pour l’instant à son poste, mais il juge les propos présidentiels « blessants ».

LE SECRETAIRE D’ETAT REX TILLERSON

Rex Tillerson, ex-patron expérimenté du géant pétrolier ExxonMobil, doit diriger la diplomatie américaine tout en sachant qu’il peut à tout moment être court-circuité par un tweet présidentiel. Et il trouve que la tâche est pour le moins complexe, selon divers récits.

Exemple le plus récent, Tillerson, 65 ans, s’est trouvé en porte-à-faux avec la Maison Blanche sur la crise du Golfe opposant le Qatar aux monarchies voisines. Il s’est placé dans une position de médiateur alors que Donald Trump prenait le parti des Saoudiens.

Rex Tillerson a dû démentir cette semaine les rumeurs de démission à cause de frictions avec la Maison Blanche où le gendre du président, Jared Kushner, semble avoir la haute main sur plusieurs dossiers de politique étrangère.

« Je ne vais nulle part », a assuré le très discret chef de la diplomatie, affirmant qu’il resterait en poste « jusqu’à ce que le président le lui permette ».

LE SECRETAIRE A LA DEFENSE JIM MATTIS

Le très respecté général des Marines à la retraite était en vacances lorsque Donald Trump a annoncé cette semaine, sans crier gare, que les personnes transgenres seraient désormais bannies de l’armée.

Selon le New York Times, le chef de Pentagone, 66 ans, a été tenu à l’écart de cette décision et prévenu seulement la veille de l’annonce faite dans une série de tweets.

Le journal, qui cite des proches du ministre de la Défense, affirme que Jim Mattis est « atterré » qu’une telle annonce ait pu être faite sur Twitter.

C’est à Jim Mattis aussi qu’il est revenu de rassurer les alliés de l’Amérique, inquiets des critiques de Donald Trump contre l’Otan.

LE PORTE-PAROLE DE LA MAISON BLANCHE SEAN SPICER

Après six mois très mouvementés, Sean Spicer, 45 ans, a décidé de partir, ne supportant pas l’arrivée d’Anthony Scaramucci à la tête de la communication de la Maison Blanche.

Ses débuts avaient été difficiles. Il avait été contraint de défendre les affirmations notoirement fausses selon lesquelles la foule rassemblée pour l’investiture de Donald Trump était la plus nombreuse de l’histoire.

Les conférences de presse quotidiennes du porte-parole de la Maison Blanche se sont souvent apparentées à des chemins de croix, et il était devenu l’une des cibles favorites des humoristes des télévisions américaines.

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