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Le mouvement « survivaliste » séduit la Silicon Valley

Le Vif

L’industrie « survivaliste », dont les adeptes se préparent pour la guerre civile, nucléaire, les calamités climatiques ou l’effondrement économique, prospère aux Etats-Unis, mais depuis l’élection du président Donald Trump, elle attire un public plus progressiste, particulièrement dans la Silicon Valley.

Le mouvement a décollé après les ravages des ouragans Katrina, Sandy, et de la crise financière de 2008. « J’ai commencé en 2010 et on est passé d’une foire annuelle avec 5.000 personnes à six par an avec 10.000 personnes à chaque fois », note Ron Douglas, fondateur de Self Reliance Expo, des conventions dédiées à tout ce qu’il faut savoir et posséder pour se préparer au pire.

De nombreuses émissions de téléréalité témoignent de cet engouement: « Naked and Afraid » où des candidats doivent survivre dans la jungle en tenue d’Eve, « Doomsday preppers », où un jury détermine qui est « le mieux préparé pour l’Armaggedon », « Survivorman », etc.

Sans parler de « The Walking Dead », série « survivaliste » ultime. Outre les désastres naturels (tornades, ouragans, tremblements de terre…) les « preppers » de droite ou de gauche craignent « des émeutes, l’effondrement du gouvernement, des invasions par la Russie ou la Chine ». Ils ont peur d’attaques nucléaires, de contamination des nappes phréatiques ou d’un piratage du réseau électrique, énumère Ron Douglas, interrogé par l’AFP.

Construire un bunker

Mais depuis l’élection de Donald Trump, les Républicains qui tremblaient sous l’administration Obama se détendent, tandis que les démocrates voient à leur tour la fin de la civilisation arriver. « On reçoit de plus en plus de questions depuis des régions fortement progressistes », comme « des gens de Berkeley en Californie qui veulent savoir comment construire un bunker souterrain ou s’inquiètent de retombées nucléaires », constate Ron Douglas.

Avant l’élection de Donald Trump, son public était composé à « 80% de conservateurs » – surtout des hommes blancs – « maintenant c’est moitié-moitié », estime-t-il, expliquant voir désormais dans ses rassemblements « des types en pantalons camouflage » et d’autres « en dreadlocks et en tongs ».

Signe de ces nouveaux « preppers », des pages Facebook comme « liberal vegan preppers (survivalistes libéraux et végétaliens) » ont fleuri.

Le mouvement a gagné de nombreux adeptes dans la Silicon Valley, notamment chez les cadres dirigeants de sociétés de high-tech, qui redoutent pour certains que l’automatisation de la société aggrave encore les inégalités et les conflits sociaux.

« Depuis 2008, il y a une hausse des mouvements populistes et les +1%+ les plus riches en sont bien conscients, l’écart entre les riches et les pauvres s’accroit et il y a beaucoup de colère », remarque Marvin Liao, un ex-cadre de Yahoo! aujourd’hui associé de la société « 500 Startups » à San Francisco.

« Si vous êtes milliardaire, vous avez probablement un endroit où vous cacher. Je connais des gens qui ont un abri au Canada ou en Amérique du sud, une île dans les Caraïbes. Et la Nouvelle-Zélande est très populaire », ajoute-t-il.

Peter Thiel, milliardaire iconoclaste de la Silicon Valley – partisan de Donald Trump – a selon la presse un abri dans ce pays. Antonio Garcia-Martinez, un ancien de Facebook, Twitter et Goldman Sachs, a lui un refuge suréquipé dans une île au large de Seattle.

Peurs exacerbées

Marvin Liao, qui se décrit comme un prepper « léger », dit que l’arrivée au pouvoir de Donald Trump a « exacerbé ses peurs ». Son ami Adam Taggart, lui aussi ex-employé de Yahoo!, a quitté il y a quelques années Menlo Park au coeur de la Silicon Valley pour vivre dans une vaste demeure de la région viticole de Sonoma, au nord de San Francisco.

Au-delà du locataire actuel de la Maison Blanche, il est persuadé que la société occidentale se dirige vers une crise systémique à cause du surendettement des grandes puissances, de l’hyperinflation boursière et de la surexploitation des ressources naturelles.

Co-créateur d’un site marchand prônant un mode d’existence « résilient », PeakProsperity.com, il vit en semi-autonomie, avec un verger, des poules, des cochons, des conserves et des réserves d’eau pour plusieurs mois qui le rendent « indépendant des livraisons de nourriture ».

Il a accumulé des armes (« pas un arsenal » nuance-t-il), trois sources d’énergies (gaz, bois et générateur), des lingots d’or et d’argent, un compteur Geiger, une gazinière de camping et des équipements de filtrage d’eau. Il s’est aussi fait opérer des yeux pour ne pas avoir besoin de lunettes.

Contrairement à certains qui envisagent leur plan de survie dans un véritable camp retranché, il s’est fait un groupe d’amis preppers qui se réunissent toutes les semaines. « Si les choses tournent mal on s’entraidera », conclut Adam: « c’est incroyablement difficile de survivre seul ».

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