Le mini-nucléaire est-il en train de prendre son envol?

Le Vif

Le nucléaire est sans doute appelé à évoluer vers des formes plus simples, plus compactes et surtout moins chères. Ce qui sonne le réveil des petits et moyens réacteurs.

Les petits réacteurs rappellent le temps des pionniers de ce qu’on appelait alors l’énergie atomique. Dans les années 1950, ils étaient forcément de petite taille. Pour les jeunes chercheurs idéalistes de cette époque, il s’agissait littéralement de transformer les épées en socs de charrue. Révélée par les bombes qui avaient, en août 1945, détruit Hiroshima et Nagasaki et mis fin de façon abrupte à la Deuxième Guerre mondiale, cette énergie d’une puissance fantastique pouvait être domestiquée au bénéfice de l’humanité.

Les petits réacteurs ont été développés à l’origine pour la recherche scientifique, la production de radio-éléments d’usage médical ou la propulsion de sous-marins, de porte-avions ou de brise-glaces. Ils commencent à être conçus désormais pour produire de l’électricité à destination du réseau.

On croyait pourtant le secteur électronucléaire orienté définitivement vers le « toujours plus gros ». Mais les mésaventures de l’EPR français d’AREVA ont visiblement incurvé cette évolution. Cet EPR (European Pressurized Reactor) est le réacteur le plus puissant du monde : il affiche une capacité de 1650 mégawatts électriques (MWe) et quatre exemplaires sont en construction. Le premier, mis en chantier en 2005 à Okiluoto, en Finlande, a accumulé les retards et les contretemps. Le deuxième, entrepris en 2007 sur le site normand de Flamanville, est en train de subir un calvaire comparable ; EDF, qui épaule désormais AREVA, a dû annoncer récemment un délai supplémentaire de deux ans pour la fin de chantier, initialement prévue en 2012.

Les SMR affichent une puissance électrique située entre 10 et 350 MWe.
Les SMR affichent une puissance électrique située entre 10 et 350 MWe.© LUO XIAOGUANG/BELGAIMAGE

Si les prévisions révisées se confirment, les unités d’Okiluoto et Flamanville ne pourront donc être terminées qu’en 2018. Et les deux autre EPR en cours de construction à Taishan, en Chine, depuis 2008 seront donc, selon toute vraisemblance, les premiers à entrer en opération. Détail fâcheux : le prix de ces réacteurs sophistiqués de 3e génération, a pratiquement triplé en dix ans. Le coût de Flamanville, estimé au départ à 3,3 milliards d’euros, affichera plus que probablement une facture finale supérieure à 10 milliards. Okiluoto devrait se chiffrer à la même hauteur, mais les deux réacteurs chinois, moins contrariés par le sort – parce qu’ils ont bénéficié du retour d’expérience des deux chantiers européens – devraient revenir moins cher.

Il est probable que l’explosion des coûts sera compensée par les performances attendues de cette machine inédite : un moindre consommation d’uranium, une maintenance qui pourra être opérée sans arrêter le réacteur, une sûreté et une sécurité considérablement améliorées et une espérance de vie d’au moins 60 ans. Si toutes ces qualités se confirment à l’usage, les surcoûts des EPR seront comblés par leur exploitation. Ce risque financier a d’ailleurs été visiblement intégré dans le contrat qui gouvernera la construction des deux prochains EPR, à Hinkley Point, en Angleterre. Ils devraient assurer à eux seuls 7% de la consommation d’électricité au Royaume-Uni, à un prix d’ores et déjà fixé par contrat à un peu moins de 11 eurocents/kWh, ce qui n’est pas bon marché.

Il n’empêche : les gros réacteurs nucléaires ont peut-être une partie de leur avenir derrière eux. Même si le retour sur investissement paraît garanti, tout le monde ne peut pas s’offrir un bijou de technologie à 10 milliards d’euros. Du coup, les solutions plus modestes proposées par les petits et moyens réacteurs ont de quoi séduire de nombreuses compagnies électriques, notamment dans les économies émergentes. Ce n’est pas un hasard si les pays les plus avancés en la matière sont la Russie, la Chine, l’Inde et l’Argentine.

par Jean-Luc Léonard

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