Enrique Pena Nieto © AFP

Le Mexique tourne la page du « beau » président entouré de scandales

Le Vif

Six ans après avoir séduit le Mexique avec son look de star télévisuelle et ses promesses de réformes, le président Enrique Peña Nieto laisse derrière lui un héritage marqué par la corruption, la violence et les violations des droits de l’homme.

Cet ancien avocat s’était présenté aux électeurs comme un jeune réformateur qui réinventerait son parti – le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) autrefois hégémonique – et le Mexique avec.

Le PRI a gouverné en parti unique le Mexique de 1929 à 2000, avant qu’il n’accepte d’organiser des élections.

Douze années plus tard, Peña Nieto, alors âgé de 45 ans, parvenait à faire ce qui semblait impensable: ramener le PRI au pouvoir, en promettant de restaurer la stabilité et d’inaugurer une nouvelle ère de démocratie, de transparence et de réforme.

Sur sa lancée, le jeune président aux cheveux noirs et lisses, ancien gouverneur de l’Etat de Mexico, marié à une actrice de telenovela, lançait des réformes ambitieuses dans l’énergie, l’éducation, les télécommunications et le travail notamment.

– ‘George Clooney de la politique’ –

Sur la scène internationale, Peña Nieto faisait sensation et l’on évoquait même un « Mexican moment », corroboré par le retour des investisseurs étrangers.

Le magazine The Economist exhortait Peña Nieto à « continuer comme ça », le Washington Post qualifiait le président de « beau » et « populaire », tandis que CBS News voyait en lui un « George Clooney de la politique ».

Six ans plus tard, alors que les Mexicains se préparent à élire son successeur le 1er juillet prochain –le mandat présidentiel de six ans est non renouvelable–, la popularité du président a chuté à 20%.

Son ancien ministre des Finances Jose Antonio Meade, candidat du PRI à la présidentielle, ne figure qu’en troisième position dans les intentions de vote, très loin derrière l’ardent candidat de gauche Andres Manuel Lopez Obrador, grand favori du scrutin, et même derrière le conservateur Ricardo Anaya.

Que s’est-il donc passé ?

– Les mauvais jours –

Il n’a pas fallu très longtemps pour que se fissure l’image moderne et télégénique du jeune président et que s’accumulent les indices rappelant que l’ancien PRI n’était pas mort.

Alors que l’encre séchait à peine sur les réformes de Peña Nieto, le président s’est ainsi retrouvé impliqué dans plusieurs scandales.

En 2014, des journalistes d’investigation révélaient que sa femme avait acquis une somptueuse villa d’une valeur de 7 millions de dollars dans un quartier huppé de Mexico, auprès d’une entreprise dirigée par un ami du président, bénéficiaire de contrats publics.

Puis vint la série de scandales de corruption impliquant une dizaine de gouverneurs du PRI, dont certains sont actuellement en prison ou en fuite.

Les maux de tête ont empiré lorsque le baron de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman s’est échappé de manière rocambolesque d’une prison de haute sécurité en 2015.

Bien que le puissant narcotrafiquant ait été arrêté l’année suivante puis extradé vers les États-Unis, le camouflet a été rude pour le gouvernement.

Enfin, l’an dernier, c’est le directeur de campagne de Peña Nieto, et ami proche du président, qui s’est trouvé impliqué dans le retentissant scandale Odebrecht, du nom du géant de BTP brésilien accusé d’avoir versé des pots de vins en échange de marchés publics.

– Etudiants disparus, meurtres –

L’épisode le plus sombre de la présidence restera cependant celui de la disparition de 43 étudiants dans l’État du Guerrero (sud) en septembre 2014.

Ces étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa, qui s’étaient emparés de cinq autobus pour aller manifester à Mexico, ont disparu après avoir été attaqués par des policiers municipaux à Iguala.

Les autorités mexicaines affirment que cette police corrompue les a livrés à un cartel de drogue qui les auraient ensuite assassinés puis incinérés dans une décharge.

Mais des experts indépendants de la Commission inter-américaine des droits de l’homme (CIDH) ont contesté cette version dans un rapport publié en 2015.

L’an dernier, le Mexique a enregistré le nombre record de 25.339 homicides.

En la matière de lutte contre l’insécurité, le gouvernement Peña Nieto a totalement échoué, estime l’universitaire Sergio Aguayo du Colegio de Mexico.

Prolongeant la guerre contre les cartels lancée par son prédecesseur, le gouvernement Nieto n’aura pas su enrayer l’augmentation constante des violences dans le pays.

« Les Mexicains n’arrivent à s’entendre sur rien, mais il y a un consensus sur un fait: la politique de sécurité d’Enrique Peña Nieto a été un échec » conclut Aguayo.

Les années Pena Nieto: réformes, scandales et « El Chapo »

Le président mexicain Enrique Peña Nieto est arrivé au pouvoir en 2012 avec une réputation de réformateur et un look de star de cinéma. Il s’apprête à quitter le pouvoir, laissant un héritage marqué par des réformes importantes, mais aussi des scandales de corruption et un chiffre record de violences dans le pays.

Avant les élections du 1er juillet qui verront les Mexicains choisir leur nouveau président, voici les moments-clés de la présidence Peña Nieto.

Les réformes

Peña Nieto, 51 ans, a durant les vingt premiers mois de sa présidence fait adopter une série de réformes historiques.

– Energie: Peña Nieto a ouvert le secteur pétrolier et gazier aux investisseurs étrangers après un monopole de 76 années, afin de relancer une production en baisse.

– Telecommunications: s’attaquant au quasi-monopole du milliardaire Carlos Slim et de sa compagnie, America Movil, Peña Nieto a ouvert le marché à la concurrence et ainsi fait baisser le prix des télécommunications au Mexique.

– Education: Peña Nieto a introduit un système d’évaluation des instituteurs et cherché à lutter contre la corruption, notamment les paiements très répandus à des enseignants « fantômes » et même à des « écoles fantômes ».

Les scandales

Il n’a toutefois pas fallu longtemps pour que plusieurs scandales viennent assombrir la réputation et la popularité du président.

– « Maison Blanche »: des journalistes d’investigation révèlent en 2014 que la femme du président, une actrice de telenovela, a acheté une luxueuse maison d’une valeur de 7 millions de dollars à un entrepreneur bénéficiant de contrats publics, suspectant un probable cas de conflit d’intérêts.

– Gouverneurs: une dizaine de gouverneurs du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), le parti du président, sont impliqués dans des cas de corruption. Plusieurs sont en fuite, en prison ou font l’objet d’investigations.

– Massacre: en juin 2014, des militaires sont suspectés d’avoir exécuté au moins 15 personnes dans un entrepôt de Tlatlaya, dans l’Etat de Mexico. Ils auraient ensuite maquillé la scène de crime pour donner à croire qu’il s’agissait d’un affrontement, selon des groupes de défense des droits de l’homme.

– Etudiants disparus: en septembre 2014, 43 élèves de l’école normale d’Ayotzinapa, dans l’Etat de Guerrero (sud), disparaissent après avoir été attaqués par une police corrompue. L’enquête est marquée par des cas de tortures de plusieurs témoins et les conclusions sont contestées par des experts étrangers. A ce jour, le cas n’est pas résolu.

‘El Chapo’

Peña Nieto a poursuivi la guerre contre les cartels lancée par son prédécesseur, Felipe Calderon.

– « El Chapo »: en juillet 2015, le baron de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman s’échappe d’une prison de haute-sécurité, près de Mexico, par un tunnel équipé de rails. Il sera capturé en janvier 2016, après six mois de cavale, infligeant au passage un sérieux camouflet au gouvernement.

– Violences: la guerre contre la drogue a fait exploser les violences dans le pays. En 2017, le Mexique a enregistré le chiffre record de 25.339 homicides.

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