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Le meurtre de masse, une pratique quotidienne aux USA

Le Vif

En 2015, il y a eu plus de meurtres de masse aux USA que de jours dans l’année. Les armes causent la mort de plus de 30.000 personnes par an au pays de l’Oncle Sam. Mais il en faut plus pour dégoûter les Américains qui se sont jetés en masse cette année sur les armes lors du black Friday. Plongée dans une contradiction américaine.

Le site Reddit comptabilise tous les meurtres de masse qui ont lieu aux USA. Pour rentrer dans cette peu enviable catégorie, il faut qu’il y ait au moins quatre morts, l’auteur des faits compris, lors d’une même fusillade. Depuis le 1er janvier 2015, il y a eu 351 fusillades de masse pour 334 jours. Ces chiffres sont terrifiants, mais il ne semble pas suffisant pour faire régresser l’amour que les Américains portent aux armes. Pour preuve, la véritable ruée lors du Black Friday

Record de vente d’armes durant le Black Friday

Une augmentation des ventes d’armes aurait été enregistrée durant le Black Friday. Aux Etats-Unis, le Black Friday marque le coup d’envoi de la période des achats de fin d’année. Beaucoup de commerçants en profitent pour faire des soldes conséquentes sur leurs produits et ce jour est traditionnellement consacré à la chasse aux bonnes affaires. Selon l’agence de presse AP, l’un des principaux indicateurs de vente (le nombre de vérifications d’antécédents par le FBI), est en nette hausse en cette année 2015: + 5%. L’agence fédérale a en effet comptabilisé un record de plus de 180 000 vérifications dans son système de contrôle des armuriers agréés. Le climat de tension et d’anxiété est la cause principale de cette augmentation des ventes. Mais les discours du président américain Barack Obama sur les possibles durcissements des conditions de vente des armes auraient également un impact à la hausse sur ces achats. 40% des transactions concernant les armes aux Etats- Unis se font dans l’illégalité, ce qui n’améliore certainement pas la situation.

Non, ce n’est pas la faute des terroristes

Ces achats compulsifs d’armes pourraient donc s’expliquer par une peur grandissant des « étrangers/réfugiés » suite aux différentes attaques terroristes dans le monde. La semaine dernière, pour rassurer ses électeurs, la Chambre des Représentants a fait passer une loi qui gèle l’installation des réfugiés syriens et durcit la procédure. Désormais la décision est prise au cas par cas par le FBI.

Une telle peur n’a pourtant rien de rationnel, comme l’explique le site Vox. 80% des attaques terroristes commises sur le sol américain depuis le 11 septembre sont l’oeuvre d’Américains. 64 % des personnes arrêtées pour terrorisme sont même nés aux États-Unis. En fait, depuis quatorze ans, pas une seule attaque terroriste « domestique » ou « intérieur » n’a été perpétrée par une organisation étrangère et seuls 10 réfugiés ont été arrêtés pour terrorisme (sur un total de 320 personnes).

A contrario, il y a eu pas moins de 26 attaques mortelles perpétrées par des natifs du pays. Des attaques qui n’avaient pas de contexte idéologique. Seul sept pouvant être relié à l’islam. Les 19 autres étant l’oeuvre d’extrémiste de droite. Cette réalité se remarque peu dans les chiffres, puisque si l’on regarde les statistiques des arrestations, on constate qu’il y a 314 arrestations pour « terrorisme djihadiste » et seulement 183 pour « terrorisme d’extrême droite ». Cette différence pourrait néanmoins s’expliquer par le fait que les attaques d’extrême droite sont souvent cataloguées d’attaque violente et non de terroriste.

Plus de 30.000 morts par an

Ces actes de terrorisme qui ont fait 74 morts depuis le 11 septembre ne sont pourtant qu’une goutte d’eau si l’on les compare aux chiffres des morts par balle aux États-Unis. Même si la violence baisse depuis les années 1980, elle est aux Etats-Unis encore trois fois plus élevée que dans 23 autres pays dits développés précise Slate. Selon la directrice de l’ONG Doctors for America, le docteur Alice Chen, « La violence par arme à feu est un problème de santé publique qui tue 90 Américains par jour ». Le Violence Policy Center, une association pour le contrôle des armes, estime pour sa part que 30.000 personnes seraient tuées chaque année par une arme à feu aux États-Unis. Une lettre ouverte de 50 démocrates va même plus loin: « Nous consacrons 240 millions de dollars, soit 227 millions d’euros, par an à la sécurité alimentaire et 331 millions aux effets du tabagisme. Et pratiquement rien sur les armes, qui tuent 33 000 Américains chaque année. »

Encore quelques chiffres :

39 529 incidents impliquant des armes à feu ont été recensés depuis le 1er janvier 2015 aux États-Unis. Au 2 octobre, le bilan s’élevait à 9 956 morts et 20 269 blessés. Il y aurait aussi plus d’armes à feu que d’habitants. Soit 357 millions d’armes pour 317 millions d’habitants.

Une hécatombe et des coûts pharaoniques, mais pas de recherches publiques sur le sujet

Plus surprenant encore, les conséquences de la violence par arme à feu ne fait pas l’objet de recherches publiques aux États-Unis. Et pour cause, elle y est interdite, suite à l’amendement Dickey. De l’aveu même de l’auteur de cet amendement, celui-ci a été introduit sous la pression du lobby des armes à feu, la célèbre National Rifle Association (NRA).

Pourtant la société américaine ferait bien se pencher sur le sujet, puisqu’au-delà d’une épidémie meurtrière, les armes coûtent une véritable fortune à la société américaine. Une enquête menée par Mother Jones en collaboration avec le Pacific Institute for Research and Evaluation, un think-tank californien, s’est penchée sur les coûts et conséquences économiques liés à la violence par arme à feu. La note pour chaque américain s’élèverait à 660 euros. Selon cette étude 11.000 personnes sont tuées chaque année et 20.000 se suicident par arme à feu. Un meurtre coûte en moyenne 441.000 dollars (415.000 euros), soit un total de 8,7 milliards de dollars (8,2 milliards d’euros) par an. Et il ne s’agit ici que des coûts directs. Si on ajoute les coûts indirects, la note grimpe à 229 milliards de dollars, soit 215 milliards d’euros.

En attendant, Obama s’époumone en répétant inlassablement les mêmes discours.

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