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Le Kosovo et l’ami américain

Le Vif

Les Albanais de l’ex-province serbe célèbrent, le 17 février; les 5 ans de leur déclaration d’indépendance. L’occasion de rendre un nouvel hommage à leur ‘libérateur’.

Pristina, la capitale du Kosovo, est sans doute la seule ville du monde où un boulevard Bill-Clinton croise une rue George-Bush, puis une rue Robert-Dole, du nom du candidat républicain à la présidence, en 1996. Bill Clinton a sa statue, à deux pas d’une boutique de vêtements « Hillary », et les enfants sont nombreux à porter les patronymes de personnalités américaines. Flamur, un étudiant de 23 ans, connaît « au moins deux Hillary, un petit Bill et une Madeleine », ainsi nommée en hommage à Madeleine Albright, ancienne patronne du Département d’Etat. « Toute cette folie autour des prénoms, des noms de commerces ou même des drapeaux, c’est notre manière de les remercier, ajoute Flamur. On dit souvent que les Etats-Unis sont notre Dieu sur terre ! »

« Ils nous ont toujours aidés »

Les Albanais du Kosovo voient les Américains comme des libérateurs et des alliés dans leur lutte pour la liberté et l’indépendance, acquise il y a cinq ans. C’est sous l’impulsion de Bill Clinton – et grâce au travail des réseaux albanais, très efficaces outre-Atlantique – que l’Otan bombarda la Serbie, en 1999, afin d’obliger Belgrade à retirer ses troupes du Kosovo. « En 1918, déjà, le président Woodrow Wilson avait aidé le peuple albanais en évitant le démantèlement de l’Albanie, rappelle Sylejman Ahmetaj, économiste. Les Etats-Unis nous ont toujours aidés, jamais trahis. Je me sens redevable. »
Après l’indépendance, l’aide ne s’est pas arrêtée. « L’agence de développement américaine Usaid a lancé ici de nombreux programmes, souligne Ardi Shita, secrétaire général de la chambre de commerce américaine au Kosovo. Bien plus que dans d’autres pays, compte tenu du nombre d’habitants ! Sans oublier les entreprises privées qui investissent dans l’énergie, les télécommunications… »

Le projet du groupe Bechtel, l’un des plus importants, prévoit la construction d’une autoroute entre Pristina et Tirana, la capitale albanaise ; son coût est estimé à 900 millions d’euros. Madeleine Albright elle-même a répondu, via sa société Albright Capital Management, à un appel d’offres sur la privatisation des très lucratives télécommunications (PTK), avant de finalement renoncer il y a quelques semaines. Selon la banque centrale du Kosovo, les investissements directs américains, depuis 2007, s’élèvent à quelque 101,5 milliards d’euros. A Belgrade, certains ne peuvent s’empêcher de crier au complot, affirmant que l’intervention américaine en faveur du Kosovo était guidée par un intérêt économique et stratégique pour la région. La Serbie voisine refuse toujours de reconnaître l’indépendance de son ancienne province.

A Pristina, seules quelques voix dénoncent timidement l’ingérence de Washington : « Lors des dernières élections présidentielles, l’ambassadeur américain a fait pression sur nos députés pour faire élire ses candidats favoris, regrette un jeune diplômé en relations internationales qui préfère garder l’anonymat. On est indépendants, c’est vrai. Mais nous sommes encore trop vulnérables pour être tout à fait un Etat souverain… »

DE NOTRE CORRESPONDANTE SOPHIE GUESNÉ

Les chemins de la liberté 1389 Début de la domination ottomane, après la défaite des Serbes.

1913 Reprise du contrôle par les Serbes (à l’issue des guerres balkaniques).

1946 Le territoire est intégré à la Fédération yougoslave.

1989 Slobodan Milosevic, président, réduit l’autonomie du Kosovo.

1997 Intensification de la guérilla.

1999 Bombardements de l’Otan : Belgrade retire ses forces.

2008 Le 17 février, le Parlement proclame l’indépendance, reconnue depuis par 98 Etats.

2011 En mars, premières négociations « techniques »à Bruxelles entre Belgrade et Pristina.

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