« Le grand écart des chrétiens-démocrates européens à propos de Viktor Orban est inacceptable »

S’il faut énumérer les domaines dans lesquels la politique européenne excelle, « faire la morale » se situe en haut de la liste. Pour la facilité, on montre du doigt Erdogan, Poutine et Trump. En revanche, quand il s’agit de mener une véritable politique, nous sommes beaucoup moins bons.

Nous avons délégué la crise des réfugiés à ce même Erdogan. Poutine et Trump n’ont qu’à résoudre la guerre civile en Syrie pour nous. Nous, nous restons sur la touche et crions s’ils ont tort ou raison.

Cette situation est encore plus gênante depuis l’apparition de certains personnages au sein de l’Union européenne qui présentent une ressemblance inquiétante avec le trio susmentionné. Jaroslaw Kaczynski et Viktor Orban détiennent le pouvoir en Pologne et en Hongrie et sont particulièrement efficaces dans la réalisation de leur grand rêve : « l’état illibéral ».

Kaczynski a décroché le gros lot. Son gouvernement a rogné les ailes à la Cour constitutionnelle polonaise de sorte que les nouvelles lois, qui visent notamment les médias et la société civile, ne peuvent plus être confrontées à la Constitution. Très facile et tout à fait contraire à la démocratie libérale.

La stratégie de Viktor Orban est plus éclectique, mais pas moins efficace pour autant. Il intimide la société civile en exécutant régulièrement des raids sur les ONG. Les médias aimables à son égard bénéficient de réductions de taxes. Les médias critiques – vous l’aurez deviné – sont tellement imposés qu’ils sont obligés de se taire ou de plier bagage.

Son dernier fait d’armes est la fermeture de l’Université d’Europe centrale (CEU) fondée par l’investisseur hongro-américain Georges Soros et dirigée par l’ancien dirigeant canadien de l’opposition Michael Ignatieff.

Conformément à sa stratégie, Orban applique la loi sur l’enseignement supérieur de façon à plonger la CEU dans les problèmes. Dans la plus pure tradition autocrate, il a sorti une vague histoire d’argent étranger – comprenez juif – destiné à financer l’université qui la rendrait « non hongroise ». On dirait la pratique d’une lointaine république bananière, mais il s’agit bel et bien d’un pays européen qui a dû répondre à tous les critères de démocratie et d’état de droit pour entrer dans l’Union européenne.

Et le problème est là. Une fois qu’un pays est entré dans l’Union, il est impossible de l’en déloger contre sa volonté. Le commissaire européen Frans Timmermans a beau déclencher les « procédures d’infraction », Orban les néglige avec une satisfaction diabolique. Mercredi, il a fait savoir au recteur de la CEU que pour lui, l’affaire était close et que l’université doit fermer dans le mois.

La seule option qui nous reste, c’est d’activer l’article 7 du Traité européen. Si Orban continue à ignorer royalement les recommandations européennes, son attitude peut entraîner la suspension du droit de vote de la Hongrie au Conseil (le Conseil européen se compose de leaders des états membres de l’UE et détermine le cap politique général et les priorités de l’UE, NDLR).

Ce n’est pas une « option nucléaire » comme le prétendent certains, mais une conséquence logique de l’atteinte sérielle aux droits fondamentaux de l’UE par le gouvernement hongrois. Mercredi dernier – après une troisième tentative de notre fraction libérale – le parlement européen a finalement approuvé la résolution qui initie l’exécution de l’article 7.

Le parlement européen devra mener sa propre enquête sur la situation hongroise. Pour nous, les choses peuvent aller vite. Tous les faits sont connus, et largement documentés par la Commission européenne.

Le parlement européen devra approuver ce rapport avec une majorité des deux tiers avant d’envoyer le dossier au Conseil. Les dirigeants d’état et de gouvernement ne pourront pas simplement ignorer ce vote, mais avant cela, il faut une majorité des deux tiers et pour cela on a besoin des chrétiens-démocrates du Parti populaire européen (PPE) (NLDR : le Cd&V et le cdH sont les deux partis belges du PPE).

Leurs votes ont été très partagés, mais ils se sont targués de convaincre Orban d’annuler la loi sur l’enseignement supérieur et de laisser la CEU tranquille, ce qu’ils n’ont pas réussi.

Cet écart des chrétiens-démocrates européens est devenu inacceptable. Le Parti populaire européen, le CD&V et le cdH compris, doit comprendre que le Premier ministre hongrois est impossible à gérer, et qu’il est encore moins possible d’élaborer un projet politique à l’échelle européenne.

L’attitude ambiguë de l’Europe à l’égard d’Erdogan, de Trump et de Poutine est mauvaise pour notre crédibilité, mais à terme, l’indécision à l’égard d’Orban est mortelle

L’attitude ambiguë de l’Europe à l’égard d’Erdogan, de Trump et de Poutine est mauvaise pour notre crédibilité, mais à terme, l’indécision à l’égard d’Orban est mortelle.

Aux grands maux les grands remèdes. L’Europe est plus qu’un marché interne. L’Europe, c’est aussi la victoire sur le communisme et l’expulsion des dictateurs d’Europe du Sud Franco, Salazar et les colonels grecs. Il n’y a pas de places dans l’Union européenne pour des types comme Orban et Kacynski.

Il faut approuver l’article 7 le plus rapidement possible et à une large majorité.

Ensuite, ce sera au tour de la Pologne.

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