Arnaud Beltrame. © Capture d'écran YouTube

Le gendarme qui s’était volontairement échangé contre des otages est décédé

L’officier de gendarmerie qui s’était livré en échange de la libération d’otages lors d’attaques vendredi dans le sud-ouest de la France au nom du groupe Etat islamique est mort, a annoncé samedi le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb.

Les enquêteurs tentaient samedi de déterminer les circonstances de l’attentat jihadiste perpétré la veille dans le sud-ouest de la France par un assaillant qui a été abattu après des attaques ayant fait quatre morts, dont un gendarme célébré en héros pour avoir pris la place d’otages.

Le décès des suites de ses blessures du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, 45 ans, marié, sans enfant, a été annoncé tôt samedi.

« Il est tombé en héros », a salué le président Emmanuel Macron dans un communiqué, soulignant qu’il a fait « preuve d’un courage et d’une abnégation exceptionnels ».

« Mort pour la patrie. Jamais la France n’oubliera son héroïsme, sa bravoure, son sacrifice », avait tweeté peu avant le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb.

Selon son frère, Cédric Beltrame, « il a donné sa vie pour quelqu’un d’autre. Il savait certainement qu’il n’avait pratiquement aucune chance », a-t-il témoigné sur RTL.

L’ensemble des drapeaux et étendards de la gendarmerie sera mis en berne samedi, a tweeté la gendarmerie nationale. En début de matinée, une rose blanche était accrochée au portail de la caserne de gendarmerie de Carcassonne (sud-ouest).

Anne-Marie Bonnet, qui habite non loin, est venue déposer un bouquet au pied du portail: « On le remercie pour ce qu’il a fait (…) c’est un geste héroïque et je préfère que l’on parle de lui plutôt que de l’autre ».

Le gendarme « héros »

Agé de 45 ans, Arnaud Beltrame était sorti major de la prestigieuse Ecole militaire de Saint-Cyr en 1999, où ses supérieurs avaient décelé un militaire « qui se bat jusqu’au bout et n’abandonne jamais », selon l’Elysée. Il était sorti également major de l’école des officiers de la gendarmerie en 2001 avant d’être retenu en 2003 avec six autres gendarmes sur 80 candidats pour intégrer l’actuel GIGN, l’unité d’intervention de la gendarmerie. Déployé en Irak, puis affecté pendant quatre ans à la sécurité de l’Elysée au sein de la Garde Républicaine, l’officier avait également été commandant de la compagnie d’Avranches (ouest) jusqu’en 2014, avant de devenir conseiller auprès du secrétaire général du ministère de l’Écologie. Marié, sans enfants, Beltrame, qui devait se marier religieusement cette année dans l’église de la cité médiévale de Carcassonne, venait d’arriver l’an dernier dans le sud de la France comme officier adjoint du groupement de gendarmerie du département de l’Aude. Pour sa famille, l’acte de bravoure de Beltrame était toutefois une évidence, vu les convictions chevillées au corps de l’officier. « Il me dirait, je fais mon travail maman, c’est tout », a confié sa mère samedi matin au micro de la radio RTL. « Ça ne m’étonne pas de lui (…) Il a toujours été comme ça, c’est quelqu’un qui, depuis qu’il est né, fait tout pour la patrie (…). Pour lui, c’est sa raison de vivre, défendre la patrie. C’est Arnaud ça, voilà, défendre les autres », a-t-elle ajouté. « Il est parti en héros »: il « savait certainement qu’il n’avait pratiquement aucune chance » et « il n’a pas hésité une seconde », a souligné de son côté son frère Cédric Beltrame, toujours sur RTL.

– Brusque passage à l’acte –

Les enquêteurs tentent désormais de comprendre les raisons du passage à l’acte de l’assaillant, Radouane Lakdim, 25 ans, alors qu’il ne semblait plus être une menace aux yeux des autorités. Avant d’être abattu par les forces de l’ordre, il s’était présenté comme « un soldat » du groupe jihadiste Etat islamique (EI) qui a peu après revendiqué les attaques.

La dernière attaque en France, ciblée depuis 2015 à de nombreuses reprises, avait eu lieu il y a plus de cinq mois et fait deux morts, le 1er octobre 2017, à la gare Saint-Charles de Marseille (sud-est).

« Nous avions suivi » Radouane Lakdim « et nous pensions qu’il n’y avait pas de radicalisation », mais « il est passé à l’acte brusquement », a concédé M. Collomb.

Né au Maroc le 11 avril 1992, cet homme vivait à Carcassonne. A partir de 2014, il a été suivi par les services de renseignements et fiché « S » (pour sûreté de l’Etat) « en raison de ses liens avec la mouvance salafiste », selon le procureur de Paris, François Molins.

Mais il a ensuite semblé changer de registre. En août 2016, il a fait un mois de prison après des condamnations pour « port d’arme prohibé », « usage de stupéfiants » et « refus d’obtempérer ».

En 2016 et 2017 il a de nouveau été suivi par les services de renseignement, qui n’ont décelé aucun « signe précurseur pouvant laissent présager un passage à l’acte terroriste », selon M. Molins. Sa surveillance est alors arrêtée.

Les investigations se poursuivent pour établir la provenance de l’arme qu’il a utilisée et déterminer s’il a pu bénéficier de complicités. Une « proche qui partageait sa vie » a été placée en garde à vue vendredi soir, après une perquisition dans son quartier de Carcassonne, selon M. Molins.

Lors de ses attaques, il a demandé « la libération de frères » dont, selon une source proche du dossier, celui de Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des attentats jihadistes du 13 novembre 2015 (130 morts), emprisonné à Paris.

– ‘Très excité’ –

Radouane Lakdim a entamé son équipée meurtrière peu après 10H00 (09H00 GMT) vendredi en volant à Carcassonne une voiture dont il tue le passager et blesse grièvement le conducteur.

Il se dirige ensuite vers une caserne de parachutistes où il patiente « quelques minutes vraisemblablement afin d’attendre des militaires », puis fait demi-tour et se dirige vers une caserne de policiers où il tire sur quatre d’entre eux rentrant d’un footing, blessant l’un, avant de prendre la fuite.

Vers 10H15 GMT, il entre dans un supermarché Super U de la localité voisine de Trèbes, « en criant Allah Akbar » et « en se présentant comme un soldat de l’EI » prêt à « mourir pour la Syrie », selon M. Molins. Il y tue deux autres personnes, un employé et un client.

« J’ai vu un individu très excité qui avait une arme de poing, un couteau et qui criait Allah Akbar », a raconté à l’AFP Christian Guibbert, ex-policier, qui faisait ses courses et qui a mis plusieurs clients à l’abri « dans un frigo de boucher ».

« On a fait sortir des collègues et des clients par la porte de secours à l’arrière », a confirmé Jacky, collègue de travail d’une des victimes à la boucherie du supermarché. « Il a été tué d’une balle dans la tête à bout portant », a-t-il ajouté.

Dépêché sur les lieux, le lieutenant-colonel Beltrame, se propose en échange de la libération des clients ou employés du magasin qui n’avaient pas réussi à s’enfuir.

Vers 13H20 GMT, le jihadiste ouvre le feu sur le gendarme, déclenchant l’assaut des policiers, selon M. Molins.

La France vit sous la menace terroriste depuis la vague d’attentats jihadistes sans précédent qui avant ces attaques ont fait 241 morts depuis 2015.

Malgré ses déroutes militaires en Irak et en Syrie, l’EI reste une menace par ses attaques à distance ou menées en son nom par des individus plus ou moins isolés.

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