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Le FN dans le viseur de Christiane Taubira ? Ou l’inverse… ?

Stagiaire Le Vif

Le tribunal de Cayenne a prononcé une peine lourde à l’encontre d’Anne Sophie Leclere, ex-candidate FN à Rhetel. Au FN, on crie à l’injustice, partout on s’interroge sur la sévérité de la condamnation. Et si tout ceci n’était, au final, qu’un stratagème politique ?

Une sanction disproportionnée pour Anne Sophie Leclere et deux poids deux mesures pour les élus du FN. En effet, Louis Alliot (FN) joue la carte de la diabolisation de son parti en mettant en balance la comparaison avec d’autres affaires du même type. Il rappelle, par exemple, l’affaire Monsieur Bourdouleix, député maire de Cholet (ex-UDI) qui, après avoir déclaré sur les Roms « qu’Hitler n’en avait pas tué assez », avait écopé de seulement 3000 euros d’amende. Les sympathisants FN, comme les simples observateurs suivent le mouvement en publiant sur les réseaux sociaux des condamnations plus clémentes pour des délits tout aussi graves (juridiquement) voire pires.

Marine Le Pen, dénonce un piège triangulaire, car le juge fait partie du syndicat de la Magistrature (donc plutôt à gauche comme la ministre), la partie plaignante est le parti Walwari qui est un parti créé par Christiane Taubira et enfin la victime est aussi cette dernière. La ministre de la Justice serait juge et partie, donc clairement derrière ce verdict selon la présidente du FN.

Anne Sophie Leclere ne s’est pas présentée au tribunal

Seulement voilà, il est important de prendre en compte le fait que la justice à Cayenne a rendu un jugement réputé contradictoire. C’est-à-dire qu’Anne Sophie Leclere (ou son avocat) ne s’est pas présentée à l’audience alors qu’elle avait été assignée en personne par un huissier. Selon le pénaliste maître Loïc Guerin, avocat au barreau de Paris, cette attitude peut témoigner d’un manque de respect envers le tribunal qui risque fort de ne pas être clément. « Il est statistiquement vrai que si, le jour de l’audience, vous n’êtes ni présent physiquement, ni représenté par un avocat, votre peine sera gonflée. » Précise maitre Guerin. « Tous les pénalistes savent cela. » Surenchérit-il. Dès lors, il ne faut pas chercher plus loin les raisons qui motivent la lourdeur de la peine.

On peut donc légitimement se demander pourquoi, n’y avait-il personne pour défendre Madame Leclere et son ex-parti à Cayenne, puisque les risques étaient connus. « Le Front national a tenté de trouver à Cayenne un avocat susceptible de le défendre. Il n’y est pas parvenu. Mme Leclere, compte tenu de son très petit niveau de vie, ne s’y est même pas essayée…« précise un communiqué du FN.

Seulement, cette explication semble ne pas tenir la route. Primo, la citation en justice a dû être envoyée minimum six semaines avant la date de l’audience. Cela laisse suffisamment de temps pour s’organiser. Si le délai est jugé trop court, les parties citées peuvent plaider la remise d’audience, c’est-à-dire qu’ils pouvaient dépêcher n’importe quel avocat sur place pour demander le report de l’audience à date ultérieure. Pas besoin donc de trouver un ténor du barreau, puisque s’ils n’avaient vraiment trouvé personne là-bas, en dernier recours, cette remise pouvait être plaidée par l’avocat de la partie adverse pour peu qu’on lui ait demandé de le faire. « En général, sauf exception, c’est toujours accepté » appuie Me Guerin. Tout ça est prévu par la loi. Ce qui aurait in fine permis aux prévenus d’organiser le voyage pour Cayenne (+- 1000€). Avec le nombre de juristes que compte le parti de Marine Le Pen, il est difficile d’imaginer que personne ne soit au courant de ces règles juridiques. Secundo, ils devaient savoir que, quoi qu’il arrive, en première instance ou en appel, l’affaire serait plaidée…à Cayenne. Donc dans tous les cas de figure, le déplacement est inévitable.

Aucune chance de passer le moindre jour en prison

On peut supposer qu’après avoir interjeté appel, Anne Sophie Leclere irait en cassation si l’appel confirme la décision de première instance. Ces recours sont suspensifs, c’est-à-dire que tant que la procédure est en cours, elle ne va pas en prison. Deuxièmement, même après avoir éventuellement épuisé tous les recours possibles, la peine d’un tribunal correctionnel doit être assortie de ce que l’on appelle un mandat de dépôt pour que la personne aille en prison directement après le verdict. Ce cas est très rare au correctionnel. Donc dans le cas de l’ex-candidate FN, il n’y aura pas de mandat de dépôt. En cas de condamnation, elle sera donc convoquée ultérieurement chez un juge d’application des peines. Ce dernier aura la possibilité d’aménager sa peine et, lorsque celle-ci n’excède pas deux ans de prison, c’est très souvent le cas.

Encore une fois, il y a fort à parier que Madame Leclere soit au courant de tout cela depuis l’instant où elle a été citée en justice même si elle semble surprise aujourd’hui : « J’ai été très choquée d’apprendre ce jugement. Les criminels sont condamnés et ont un bracelet et moi on me donne de la prison ferme. » Pourtant les magistrats n’ont fait qu’appliquer loi de 1881:  » Ceux qui […] auront provoqué à la discrimination (…) à l’égard d’une personne (…) à raison de son origine (…) seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».

Le FN en « gentille victime »

En résumé, depuis l’annonce du verdict, nous avons d’un côté des élus FN qui crient au règlement de compte politique invoquant une peine disproportionnée, exemples à l’appui. De l’autre côté, une condamnée qui se dit traitée plus sévèrement par la justice que le sont les criminels sous le mandat de Christiane Taubira (elle est une fervente défenseure du bracelet électronique). Le résultat ? Le FN est une victime aux yeux de plus en plus de monde. La population se pose des questions, des intellectuels condamnent la décision et même certains adversaires politiques font de même. De là à penser que tout cela a été minutieusement prémédité, il n’y a qu’un pas.

Lubukayi E. (st.)

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