Le féminisme, cette soupe tiède

L’article casse-gueule par excellence. Celui qui interroge le féminisme, là, aujourd’hui en 2016. Que les murs des ghettos s’érigent toujours plus hauts et fassent en sorte que plus personne ne dialogue, c’est bien ça que l’on veut éviter, n’est-ce pas ? L’idée ici n’est pas de confronter, mais de touiller quelques consensus fades.

Femmes, comme le chante l’ex-à-Carla, je vous aime. Et de tout coeur, je suis avec vous. Des intellectuelles comme Zahra Ali, Maboula Soumahoro et même la youtubeuse Solange sont mes nouvelles héroïnes. Depuis toujours, je vibre pour Ellen O’Neil, Arlette Laguiller, et la rappeuse Casey. Je suis prêt à tout faire pour que rayonne l’égalité parfaite dans notre société. L’osmose même. Chaque jour un peu plus, je réalise à quel point je suis un gros balourd, issu d’un héritage patriarcal vicié de façon pernicieuse au plus profond de mon ADN de mâle. Ma femme, ma fille, ma soeur, ma mère, ma bonne-maman, mes copines, ma cheffe m’ouvrent chaque jour un peu plus de nouveaux horizons. Et comme un jeune chiot face aux quatre intervalles qui crucifient ce monde, je glapis. Et vous, homologues, où allez-vous ?

De Badinter à Despentes

Où vous situez-vous vis- à-vis de l’héritage de vos aïeules flambeuses de soutifs ? Certes, il n’existe pas une femme-type. De la même manière qu’il n’existe pas une forme de militantisme. Quand bien même au nom de l’émancipation, difficile de trouver une cohérence entre une Badinter allergique au voile, une Despentes qui nous dit que la masculinité c’est le droit de tuer faute d’enfanter, en passant par une Femen ou un mannequin cartilagineux qui chaque semaine témoigne d’ô combien elle souffre de préjugés sexistes, entre deux poses lascives pour vendre un saucisson. Sans compter les débats passionnants au quotidien entre hommes et femmes. Alors c’est quoi aujourd’hui le féminisme ? Beaucoup d’entre vous confessent qu’elles le ressentent, mais n’arrivent pas à le définir. Les combats sont peut-être plus subtils aujourd’hui. À l’inverse, quelques-unes semblent attendre le grand soir. Comme Marx et le capitalisme, comme Soral et le sionisme, il n’y a qu’un ennemi. À craindre que beaucoup ne défilent en horde dans les rues, pénis à la main en guise de trophée. Plus rarement, le féminisme raisonne en termes citoyens.

Un combat bourgeois ?

Les batailles sont encore trop nombreuses. Nous devons bâtir ensemble un monde qui ne doit plus faire peur. Qui ne doit plus vous faire peur. Il y a encore beaucoup de notions à défricher pour faire progresser la faune virile sur ses préjugés. Mais on assiste à peu de remugles sur la consommatrice. À ce niveau-là, la femme occidentale de 2016 se regarde-t-elle vraiment en face ? Le mouvement se fait de façon très mono-déterministe. Pourtant, il doit se mener ensemble. Peu importe le sexe et la classe sociale. Est-ce le cas ? Aujourd’hui, les idéaux sont trop exclusifs aux milieux bourgeois-intellos. Le féminisme mainstream transcende-t-il l’équilibre des classes ? L’émancipation par la seule valeur du salariat, au sein d’une société impitoyable et marchande, c’est ça la finalité ? Une maman précaire au foyer, n’est-elle pas trop vite taxée de victime, soumise au regard normé et condescendant très petit(e) bourgeois(e).

Grande / Mince / Fragile / Puissante / Sexy… Elle est géniale la féminité version conso. Elle pense pour vous

Ce point est capital. La libération de la femme est massivement récupérée par les lois arides du néo-libéralisme. Du mari patriarcal, au patron oppresseur, on est passé au marché complice. Cette démocratie de consommateurs vous dit gentiment que vous êtes du bétail à désirer. Et vous l’écoutez en masse. Que les choses soient claires, vous n’avez ni à vous battre, ni à vous concurrencer, ni à consommer et encore moins à souffrir pour inspirer un quelconque désir. Faites-vous les choix qui vous rendent libres ? Grande / Mince / Fragile / Puissante / Sexy… Elle est géniale la féminité version conso. Elle pense pour vous. D’où vient cette servitude ? De vos nombreux faux-amis. Ceux qui vous disent comment vous habiller, comment vous exprimer et pire encore : ceux qui vous fâchent avec votre corps. Tout en vous disant que vous êtes libres. Libres de claquer vos biftons pour ressembler à l’idéal de 99 % des marques.

La fraternité entre femmes

Ce corps justement. Si vous arrêtiez de lui en vouloir. Vous êtes en proie à une sacrée dualité. Ces régimes dangereux, cette chirurgie charcutière. Une amie a subi pas moins de 7 opérations avant ses 25 ans, jusqu’à se faire enlever des bouts de côte pour affiner sa taille. Disposez réellement de ce corps plutôt que de parfaire l’image stéréotypée du moment. 80 % d’entre vous le détestent. Ce n’est pas la toute-puissance masculine qui a laissé les tigh-gap et consorts l’emporter. Emancipez-le, réinvestissez-le. Rien d’autre que le diktat individuel ne fait tourner ces business, c’est vous qui écrivez les règles. Le ticket Ratp dans le slip, c’est une révolution discutable. Autre point soulevé plus haut, votre univers impitoyable. En un mot, votre rivalité. Un cliché ? Les femmes se révèlent souvent plus misogynes que les hommes, d’autant plus avec l’avènement des réseaux sociaux qui ouvrent grand les vannes fielleuses. Un rempart fondamental à dépasser. Plus de solidarité entre les femmes, elle passe d’abord par-là l’égalité. Mettez-la en pratique. Vous ne pouvez pas militer pour plus d’équité sans faire cesser cette concurrence. On dirait un symbole de l’économie. La loi du marché. Chacune pour soi et le féminisme pour toutes.

Elle est très select la fraternité entre femmes. Trouvons-lui un mot féminin d’ailleurs. L’amitié « fraternelle » entre filles, ça ne me parle pas. Balayons les lionnes libérales en talons aiguilles qui se scannent avec une curiosité de challengeuse. Pourquoi ne pas réellement apprendre à vous aimer les unes les autres ? Même s’il était loin d’être féministe, visons Spinoza. Chérissons son principe de déploiement maximal de la puissance individuelle d’être et d’agir à l’intérieur des contraintes. C’est plus concret que d’employer cette connerie de terme « genre » qui donne envie de rendre. Le Droit des femmes, c’est le désir d’un monde plus juste. Une volonté d’harmoniser la société. Pas une ségrégation. Nous sommes la première génération d’hommes, de maris, d’amants, de pères à goûter la mesure de ce changement. Nous nous sommes affranchis de beaucoup de présupposés et la route est longue. Nous devons voir à travers vos yeux pour mieux avancer. Cette vision doit être multiple. Pas fade, pas floue, pas dictée. Je fais partie de ceux qui vous refilent les clefs de la boutique bien volontiers. Prenez-en la responsabilité. Dirigez-nous. Conduisez-nous avec justesse. Vous êtes l’espoir de l’Homme. Mais soyez objectives. Soyez libres. Soyez humaines. Pas de panique, vous ne pourrez pas faire pire que nous.

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