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Le dialogue de sourds entre Barroso et des cinéastes européens

Le Vif

Une délégation de cinéastes européens interpellent le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pour lui redire la nécessité d’exclure l’audiovisuel et le cinéma du projet de mandat de négociation commerciale entre l’Europe et les Etats-Unis.

La Commission européenne met en péril l’exception culturelle européenne si elle persiste à inclure ce secteur dans les négociations commerciales avec les Etats-Unis, a accusé mardi une délégation de cinéastes européens composée de Lucas Belvaux, Costa Gavras, Daniele Luchetti, Dariusz Jablonski, Radu Mihaileanu, Cristian Mungiu accompagnés par l’actrice Bérénice Béjo, à l’issue d’une rencontre houleuse à Strasbourg avec José Manuel Barroso.

« Nous sortons de ce rendez-vous très très très déçus », a dit le réalisateur roumain Radu Mihaileanu, venu plaider avec ses collègues cinéastes pour que la culture et l’audiovisuel ne fassent pas partie des futures discussions en vue d’un accord de libre-échange transatlantique.

Le président de l’exécutif européen, José Manuel Barroso, « est un homme dangereux pour la culture européenne, il va tout aplatir », a renchéri le Français Costa-Gavras lors d’une conférence de presse organisée au Parlement européen après la rencontre avec M. Barroso.

Ce dernier n’a pas fait la même lecture de cette rencontre: dans un communiqué, il a indiqué qu’il avait « rassuré » les cinéastes. « Nos échanges aujourd’hui ont permis de constater qu’il y a en réalité peu de choses qui nous séparent -puisque nous sommes tous unis dans l’objectif de protéger notre culture! », a affirmé M. Barroso, proclamant que « l’exception culturelle n’est pas négociable » et que « il n’y aura pas de marchandage sur la culture ».

Mais « l’exclusion totale de l’audiovisuel du mandat de négociation n’est pas nécessaire pour atteindre nos objectifs », a fait valoir le président de la Commission, expliquant en substance que cette exclusion serait un handicap tactique pour entamer les discussions avec Washington.

C’est précisément ce que les réalisateurs lui reproche. »Pourquoi garder à l’intérieur des négociations quelque chose qu’il refusera de mettre sur la table? Il vaut mieux l’exclure complètement dès maintenant », a argumenté M. Mihaileanu.

« La culture n’est pas une marchandise »

« On ne peut pas la mettre sur la même table que des voitures, des lampes ou des boulons », a-t-il ajouté aux cotés des cinéastes belge Lucas Belvaux et italien Daniele Luchetti.

La Commission européenne a donné en mars son feu vert à l’ouverture de négociations pour un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, incluant le secteur audiovisuel dans le mandat de négociations.

Ce mandat doit encore être adopté par les Etats membres de l’UE qui l’examineront vendredi, au cours d’une réunion des ministres du Commerce à Luxembourg.

Les défenseurs de l’exception culturelle craignent qu’un accord qui inclurait ce secteur mette en danger la création, la diffusion et le financement des films européens. Comme il l’expliquedans le communiqué suivant:

« Le Président Barroso s’est obstiné dans son refus. Il s’est réfugié dans un discours qui n’apporte aucune garantie au respect de l’Exception culturelle, et qui compromet gravement l’avenir des politiques culturelles en Europe. »

« Ainsi, José Manuel Barroso ne veut pas entendre l’engagement de 7000 professionnels de la culture, parmi lesquels les plus grands cinéastes européens.  »

« José Manuel Barroso reste également sourd à la position du Parlement européen, seule instance démocratique élue, qui s’est exprimée à une écrasante majorité en faveur de l’exclusion des services culturels. Le Président Barroso valide ainsi les propos arrogants du Commissaire Karel de Gucht, qui avait balayé d’un revers de la main la résolution du Parlement européen. »

« José Manuel Barroso prend surtout le risque de mettre en péril l’avenir de la création, et la réduit à l’état de carte dans un jeu de poker très dangereux pour l’identité des peuples européens. Il remet ainsi profondément en cause les fondements même de l’Europe: celle défendue à travers nos oeuvres, celle qui parle de l’histoire des peuples, celle qui est le ciment d’une identité européenne, et la richesse de notre diversité. »

« Les cinéastes européens en appellent aux États membres afin d’enterrer ce projet extrêmement périlleux pour la culture européenne. »

La hache de guerre est déterrée.

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