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« Le cadeau de Noël de Jean-Claude Juncker à l’industrie automobile »

La Commission européenne a dévoilé mercredi sa stratégie pour doper l’industrie des voitures propres dans l’UE, y compris en imposant de nouvelles limites de rejet de CO2, à la fois pour répondre à ses objectifs climatiques et faire face à la concurrence asiatique. Certain trouve que le plan est beaucoup trop laxiste.

La mesure phare est la définition de nouveaux seuils d’émissions de CO2 pour les voitures et utilitaires légers produites entre 2021 et 2030.

La Commission veut que la moyenne des émissions de CO2 recule de 30% d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de -15% en 2025. Ces propositions doivent encore être négociées par les Etats membres et le Parlement européen avant d’être adoptées.

Fini donc les 95 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, selon la législation en cours depuis 2015.

En pourcentage, les objectifs font davantage écho à ceux que l’UE s’est fixée dans le cadre de l’accord de Paris: -40% d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990. La proposition doit permettre d’économiser l’équivalent des rejets annuels de l’Autriche et la Grèce combinés.

« L’UE a réduit ses émissions de 23% depuis 1990 tandis que les émissions liées au transport routier ont augmenté d’environ 20%. Cela va clairement l’encontre de nos objectifs climatiques liés à l’accord de Paris », a noté Miguel Arias Canete, commissaire européen à l’Action pour le Climat.

Le transport routier est à lui seul responsable de 22% des émissions de gaz à effet de serre de l’Union.

Maros Sefcovic, vice-président de la Commission, prédit de son côté pour 2030 « un parc automobile propre, alimenté par de l’énergie propre ».

-Pas de quotas-

Ecartant l’idée de quotas, la Commission a préféré un système basé sur « l’incitation », « inspiré par ce qui se fait en Californie », selon M. Sefcovic. Les constructeurs qui dépassent les références « idéales » fixées par l’UE dans la production de véhicules propres pourront obtenir une augmentation des limites d’émissions de CO2 de leur flotte roulant en moteur à combustion.

« L’industrie doit avoir le temps de s’adapter », souligne Maros Sefcovic, qui veut donner aux consommateurs le temps de « l’acceptation » et le choix le plus large possible.

Actuellement, déplore la Commission, seuls 6 modèles de voitures électriques sont disponibles dans l’UE, contre plus de 400 en Asie.

Selon l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), le parc automobile européen ne comptait en 2015 que 0,1% de voitures électriques et 0,4% d’hybrides.

Les chiffres des ventes de voitures neuves sont à peine plus encourageants: sur un an, au 2e trimestre 2017, les nouvelles immatriculations de voitures hybrides (+61,1%) et électriques (+45,8%) ont certes explosé, mais ne représentent toujours qu’une infime portion des ventes.

Il faudra aussi développer les infrastructures, prévient la Commission qui a dévoilé un plan d’action de 800 millions d’euros pour accélérer leur développement, en particulier pour démultiplier les bornes de recharge.

Depuis le scandale du Dieselgate, les révélations se sont enchaînées sur le fossé entre les émissions de gaz polluants déclarées par les constructeurs et celles effectivement produites sur les routes.

-‘Cadeau de Noël’-

Plusieurs métropoles européennes ont annoncé leur volonté d’éliminer les moteurs à combustion, à l’image de Paris, qui veut en être libérée à l’horizon 2030.

Londres, plus grande ville d’Europe, a instauré fin octobre une nouvelle taxe pour les conducteurs des voitures les plus polluantes.

Mais l’ONG Transport & Environnement a immédiatement dénoncé « le cadeau de Noël de Jean-Claude Juncker à l’industrie automobile », en l’absence de pénalités.

« Supprimer les sanctions pour avoir échoué à remplir les objectifs de voitures (propres), c’est marquer un but contre son camp », a observé Greg Archer, chargé des véhicules propres pour T&E, estimant que cela n’allait pas aider à faire face à la concurrence.

Car pour l’UE, il s’agit aussi de s’organiser pour ne pas rater la mutation du marché automobile vers des véhicules « zéro émission carbone » ou « à faibles taux d’émission ».

Dans la capitale de l’Union européenne, les taxis « verts » roulent… dans des voitures chinoises, regrettait récemment Maros Sefcovic.

« La course a déjà commencé », a asséné celui qui s’est fait le héraut de la batterie électrique, qu’il voit comme le secteur clé à conquérir dans une économie mondiale de plus en plus connectée via des appareils intelligents (téléphones, tablettes, appareils électro-ménagers ou voitures).

Les autres mesures du paquet de la Commission visent à développer la diversité des modes de transport ou encore les bus passagers sur longue distance.

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