Travailleurs migrants en plein récolte de pommes, Stocks Farm à Suckley, en Grande-Bretagne, octobre 2016 © Reuters

Le Brexit inquiète, des hôpitaux aux champs

Le Vif

« On ne pourrait pas fonctionner sans les immigrés européens », tranche Nick Ottewell, producteur de salades dans le Kent. Au Royaume-Uni, le Brexit inquiète des secteurs clé de l’économie comme l’agriculture, la santé, la restauration ou le bâtiment.

Particulièrement dépendants de la main d’oeuvre étrangère, les hôpitaux et les exploitations agricoles redoutent un tarissement du flot de travailleurs issus de l’Union européenne.

Le gouvernement britannique, qui a officiellement lancé mercredi la procédure de divorce avec Bruxelles, tente de les rassurer. En visite en Estonie en février, le ministre du Brexit David Davis a souligné qu’il faudra « de longues années avant que des citoyens britanniques puissent occuper ces emplois ».

Mais en attendant les hôpitaux britanniques peinent déjà à recruter. Selon les chiffres du Conseil des infirmiers et des sages-femmes britanniques (NMC) publiés fin janvier, le nombre d’infirmières et infirmiers européens postulant au système de santé public NHS a chuté de 90% depuis le référendum du 23 juin.

Autre chiffre frappant: plus de la moitié des médecins européens installés au Royaume-Uni songent à quitter le pays, d’après une étude de l’Ordre des médecins britanniques (GMC) publiée fin février.

Si le Brexit sonne la fin de la libre circulation des Européens au Royaume-Uni, « nous ferons alors face à de sérieuses pénuries de personnels, qui renforceront encore davantage la pression sur le NHS », déjà en proie à une crise inédite, a prévenu Charlie Massey, directeur général du GMC.

Saisonniers

Pour Janet Davies, directrice du Royal College of Nursing, le syndicat des infirmiers britanniques, le NHS, « avec 24.000 postes d’infirmiers vacants, ne peut fonctionner sans les infirmiers européens ».

Chris Ottewell tient le même discours depuis sa ferme près de Maidstone dans le Kent (sud-est de l’Angleterre). Ici, on a voté à près de 60% pour le Brexit mais ce dirigeant d’une exploitation agricole qui produit jusqu’à 9.000 tonnes de salades par an ne pourrait « pas fonctionner sans les immigrés européens ».

L’intégralité de ses 150 travailleurs saisonniers et plus de la moitié de la trentaine d’employés à plein temps sont étrangers, essentiellement des Roumains.

« Il y a trois ou quatre ans, Pôle emploi m’a demandé de prendre dix Britanniques. Un seul s’est pointé et j’ai fini par avoir des problèmes avec lui », affirme-t-il.

Venue de Roumanie il y a plus de dix ans, Gabriela Szomoru, 31 ans, a commencé par ramasser des fraises. Au fil des promotions, elle travaille aujourd’hui à la ferme derrière un ordinateur comme assistante.

Elle dit recevoir de nombreux courriels de candidats à l’expatriation qui s’interrogent sur les conséquences du Brexit.

‘On a besoin de nous’

Saisonnier sur la ferme depuis deux ans, Nico n’est, lui, pas inquiet. « On sait qu’on a besoin de nous », dit ce Roumain de 25 ans en plantant des laitues.

Plus au nord, dans le Norfolk, Joan Pons est nettement moins rassuré. Infirmier espagnol dans le NHS, il est installé depuis 17 ans au Royaume-Uni. Depuis le Brexit, ses trois enfants, nés en Grande-Bretagne, « ont peur qu’on parte en vacances en Espagne et qu’on ne revienne jamais », soupire-t-il.

Militant à « the3million », un groupe de pression, Joan Pons réclame « des garanties » au gouvernement de Theresa May pour maintenir les droits des trois millions d’Européens installés au Royaume-Uni.

La Première ministre, qui refuse pour l’instant de s’engager à quoi que ce soit, a assuré mercredi vouloir faire de leur sort une « priorité » des négociations avec Bruxelles.

Pour certains, il est cependant déjà trop tard. « Nous envisageons de déménager en Australie », confie à l’AFP une infirmière barcelonaise, mariée à un médecin lui aussi espagnol.

La quadragénaire, qui souhaite conserver l’anonymat, vit au Royaume-Uni depuis trois ans. Mais ces derniers mois, « la vie a changé », dit-elle. Elle ne voit plus aujourd’hui que les mauvais côtés du pays. « Le mauvais temps m’épuise, alors que je m’en fichais jusqu’ici ».

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