Bilan mitigé pour le "M20" : en obtenant certains succès, il s'est aussi condamné à mourir. © LUIS SINCO/GETTY IMAGES

Le 20 février 2011, le jour où le Printemps marocain est né

Chaque mouvement a ses mythes fondateurs. Ces événements qui pourraient être banals mais qui deviennent mythiques. Ces épisodes où l’histoire bascule, s’accélère, se transforme. Ces moments dans lesquels on ira puiser, se ressourcer, s’inspirer à l’heure de poursuivre le combat. Au Maroc, ce fut cette manifestation.

Ce dimanche-là, plus d’une centaine de milliers de personnes sont dans la rue. Ce dimanche-là, un 20 février, ils fondent une nouvelle vague. Ainsi qu’un nouveau mouvement.

Evidemment, il y avait un terreau favorable. Sans doute le Maroc de Mohamed VI n’était-il pas la Tunisie de Ben Ali. Il n’empêche, ce n’était pas un havre de démocratie. Ni un pays de cocagne. Depuis des années, des organisations diverses réclamaient des emplois et du pain, mais aussi une pleine liberté de conscience et davantage de droits. Les noms de ces mouvements étaient d’ailleurs évocateurs. Ils s’appelaient  » Collectif des diplômés chômeurs « ,  » Coordination contre la vie chère « ,  » Association marocaine des droits humains  » ou encore  » Mouvement alternatif pour les libertés individuelles « .

Et puis, il y avait un contexte international. En ce mois de février, le printemps souffle sur le monde arabe. Dès décembre 2010, en s’immolant par le feu, un contestataire tunisien allumait la mèche d’un mouvement de grande ampleur. Le mois suivant, les présidents tunisien et égyptien sont chassés du pouvoir. Sur les réseaux sociaux, la grogne monte. Au Maroc, un groupe Facebook voit le jour :  » Liberté et démocratie maintenant « . Il sera un outil puissant de mobilisation.

Arrive le 20 février. A Casablanca, Tanger, Rabat et ailleurs, ça vibre. Et ça gronde : cette fois, on réclame carrément un changement de régime. Le lendemain, le  » Mouvement du 20 février  » est né. Pluriel, il rassemble islamistes, hommes de gauche, acteurs du monde associatif et cyberactivistes. Certes, la force est fragile. Mais le moment est important. Car pour la première fois depuis longtemps, les Marocains manifestent un intérêt particulier pour la gestion de leur Etat. En se réappropriant l’espace public, ils condamnent aussi les autorités publiques à réagir.

Ce qu’elles font aussitôt. Dès le 9 mars, le roi se montre malin. En reconnaissant le  » M20  » et en proposant des réformes, il répond aux attentes de larges couches de la population. Tout en fragilisant la menace. Très vite, de nombreux manifestants décident de répondre à l’invitation royale. En inscrivant leur action dans le cadre politique classique, ils s’éloignent aussi du Mouvement. Restent les autres. Qui en veulent plus. Qui se radicalisent. Qui sont poursuivis en justice. Et qui perdent le moral. Imperceptiblement, l’étoile du Mouvement pâlit.

Le bilan ? Encore aujourd’hui, le Maroc semble apparaître comme une relative exception. En réagissant vite, en renforçant le rôle du Parlement, en améliorant la reconnaissance des droits de l’homme, Mohamed VI a visé juste. Pour le Mouvement du 20 février, le bilan est mitigé. Car en obtenant certains succès, il s’est aussi condamné à mourir.

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