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Laurent Fabius, trente ans de carrière mouvementée

Le Vif

Il quitte le prestigieux ministère français des Affaires étrangères sur un succès, l’accord de l’ONU sur le climat. Une réussite diplomatique et personnelle qui permet d’éclipser d’autres grands dossiers internationaux sur lesquels Laurent Fabius n’a pu imprimer de marque déterminante.

Lors d’un de ses derniers rendez-vous au Quai d’Orsay cette semaine avec des journalistes, M. Fabius a évoqué les deux « grands succès » de ses presque quatre ans à la tête de la diplomatie française, dans un contexte de graves crises internationales: la COP 21 en décembre et l’accord sur le nucléaire iranien en juillet.

Et d’ajouter, à propos du ministère dont il va remettre les clés: « Je laisse une Rolls Royce ».

A 69 ans, Laurent Fabius doit devenir pour neuf ans président du Conseil constitutionnel, après plus de trente ans de carrière mouvementée.

Poids lourd de la vie politique française, il a été, selon la formule entrée dans les annales, « le plus jeune Premier ministre de la France » entre 1984 et 1986, lors du premier septennat du président socialiste François Mitterrand.

Il a alors 37 ans et déjà derrière lui dix années de bain politique (militant, élu local, député, ministre du Budget en 1981). Au cours de sa carrière, Laurent Fabius passe quasiment par tous les postes, à l’exception de la magistrature suprême, qu’il n’a jamais pu briguer.

Son parcours reste marqué par un épisode dramatique: l’affaire du sang contaminé, l’un des plus graves scandales sanitaires de l’histoire contemporaine en France (la distribution à partir de 1985 par le Centre national de transfusion sanguine de lots contaminés par le virus VIH). Laurent Fabius est alors Premier ministre. Mis en cause par la justice, il est relaxé en 1999.

Autre revers, purement politique celui-là, son « non » au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, en contradiction avec la ligne définie par le Parti socialiste, lui vaut d’être exclu du secrétariat national du parti. L’épisode exacerbe l’hostilité avec… François Hollande, alors patron du Parti socialiste et aujourd’hui président de la République.

‘Ministère des crises’

Si les deux hommes se sont ouvertement détestés pendant des années, il n’y a plus eu un mot de travers depuis l’accession de François Hollande à la tête de l’Etat et de Laurent Fabius au poste de numéro 2 du gouvernement.

Alors novice en politique étrangère, il est tout de suite plongé dans une accumulation de crises. Syrie, Libye, Proche-Orient, Mali, Centrafrique, Ukraine… et tente de faire entendre la voix de la France, mais avec des résultats mitigés.

La diplomatie française sur la Syrie, partie en 2011 du postulat que le régime du président Bachar al-Assad allait s’effondrer rapidement, a dû évoluer, voire changer du tout au tout, sous la pression des événements.

Au Proche-Orient, Laurent Fabius, sincèrement partisan de la solution à deux Etats, tente de pousser des initiatives françaises qui font long feu.

L’Afrique a été laissée au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, qui a noué des relations personnelles avec plusieurs dirigeants du continent et lancé les opérations militaires Serval, Sangaris et Barkhane.

Reste le dossier du nucléaire iranien, essentiellement piloté par Washington et Téhéran, sur lequel la France revendique un rôle d’aiguillon ayant permis la conclusion d’un accord « robuste ».

Le passage au Quai d’Orsay de Laurent Fabius est également marqué par une reprise en main et une valse de diplomates ou de conseillers débarqués du jour au lendemain sans autre forme de procès. Et en avril 2014, à la faveur d’un remaniement gouvernemental, il s’empare du Commerce extérieur et du Tourisme, pour mettre en oeuvre sa « diplomatie économique », l’un de ses leitmotivs.

Né le 20 août 1946 à Paris, Laurent Fabius est passé par les établissements d’élite en France comme l’Ecole normale supérieure ou l’Ecole nationale d’administration.

Issu d’une famille d’antiquaires, grand amateur d’art, perfide avec ses adversaires, l’homme reste discret sur sa vie privée. Il n’a pas commenté les frasques de son fils Thomas, passionné de casinos et inculpé récemment pour faux et usage de faux.

Et tourne en dérision les rumeurs récurrentes sur son état de santé, notamment sur une maladie de Parkinson. « Je ne l’avais pas encore entendue, celle-là. Vous avez l’impression que je tremble ? » avait-il lancé l’été dernier au journal Le Monde.

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