La volteface du Newsweek sonne-t-elle le glas de la presse numérique ?

Muriel Lefevre

Il y a un peu plus d’un an , le magazine américain d’actualité Newsweek annonce qu’il passe au tout numérique. Il vient pourtant de faire machine arrière et retourne vers le modèle papier. L’aveu de faiblesse du Newsweek va-t-il devenir le symbole d’une presse qui n’est pas encore prête pour le tout numérique ? Réponse de Marc Lits Directeur de l’Observatoire du récit médiatique (UCL)

Le magazine américain d’actualité Newsweek devrait reparaître en édition papier au début de 2014, après un peu plus d’un an d’interruption et d’édition entièrement numérique, a rapporté mardi le quotidien New York Times. Le rédacteur en chef de Newsweek, Jim Impoco, a déclaré que l’hebdomadaire, dont le dernier numéro imprimé est daté de décembre 2012, visait à devenir un journal pour abonnés, semblable à The Economist plutôt qu’à son traditionnel concurrent Time Magazine.

Pas de recette magique

Pour Marc Lits, directeur de l’Observatoire du récit médiatique (UCL), le fait que le Newsweek ait choisi de revenir au papier et qui plus est sous la forme d’abonnés est bien la preuve qu’il n’existe pas encore de recette magique pour rendre la presse uniquement numérique viable d’un point de vue économique. « A moins d’être une presse de niche ou une presse qui a été conçue directement pour internet comme le Huffingtonpost, Médiapart ou Rue 89, le modèle internet n’est pour l’instant pas encore assez rentable pour subsister par lui-même. C’est bien simple la plupart des médias en sont encore à fonctionner par essai et erreur ». Et si les essais sont nombreux , les erreurs le sont tout autant précise Marc Lits. « France soir par exemple était aussi passé au tout numérique, mais il ne s’agissait là que du dernier soubresaut avant la fin. Le pari du Newsweek de ne fonctionner que sur abonnés est par ailleurs tout aussi risqué que de se lancer dans le tout numérique. Newsweek devra repartir de zéro et se créer une base d’abonné pour subsister. Or c’est un magazine généraliste qui malgré son nom très prestigieux n’aura probablement pas du contenu très spécifique à proposer. Ce qui rend le pari encore plus difficile. Il n’est donc pas impossible que cette tentative soit celle de la dernière chance avant de disparaître. »

Un parcours chaotique

Le retour de Newsweek à l’édition imprimée est un nouvel épisode dans les cinq dernières années agitées du titre, qui a été fondé en 1933 par un ancien journaliste du Time. Au début des années 1990, l’hebdomadaire était édité dans le monde entier et comptait 3,3 millions de lecteurs. Mais les ventes avaient décliné constamment pendant les deux décennies suivantes, pour finir à 1,5 million de lecteurs en 2010. Newsweek a été fusionné en 2010 avec le site d’informations The Daily Beast, après avoir été vendu la même année pour un dollar par le Washington Post au milliardaire californien Sidney Harman. Après la mort du milliardaire Harman en 2011, sa famille a retiré ses contributions à Newsweek. Sous sa forme numérique, le magazine a pris le nom de Newsweek Global et a été revendu en août à la firme de médias informatique IBT Media.

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