© Reuters

La vieille idée d’une Europe à « plusieurs vitesses »

Le Vif

L’idée d’une Europe à « plusieurs vitesses » n’est pas nouvelle, mais elle s’est imposée dans les débats sur l’avenir de l’UE, en pleine introspection sur sa destinée post-Brexit. Une idée qui réjouit Charles Michel.

Le scénario d’une Union européenne dont les membres qui le souhaitent avancent plus vite gagne du terrain au sein du Conseil européen, s’est réjoui vendredi midi le Premier ministre belge Charles Michel à l’issue d’un sommet européen informel consacré à la réflexion sur le futur de l’Europe.

Le débat, « assez intense et approfondi », a porté sur le type d’Union que les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 Etats membres – le Royaume-Uni mis à part – imaginent dans le futur. « Une Union totale à 27? Ou une Union maximale avec possibilité d’aller plus vite pour ceux qui le souhaitent? « , a résumé Charles Michel.

Et le second scénario gagne du terrain. « Je suis très content parce que j’étais un des premiers à faire ce plaidoyer, et ce débat approfondi à ce sujet ce matin, c’est une victoire », s’est réjoui le Premier ministre. La discussion à 27 a permis de dissiper plusieurs malentendus à propos de cette « Europe à plusieurs vitesses ».

« Certains craignaient que cela aboutisse à un changement rapide des Traités, ce ne sera pas le cas », assure Charles Michel. « D’autres ont exprimé la crainte qu’on arrive à une Europe avec des pays de second rang. Ce n’est pas le but que quelques pays décident à la place des autres. On est dans la logique inverse. »

La Déclaration de Rome, qui doit être adoptée le 25 mars prochain, devrait être « un message politique pour la population européenne », a estimé le Premier ministre. « Je suis optimiste sur le fait que cet engagement soit traduit dans la Déclaration », a souligné M. Michel.

Ce que cela signifie

A « plusieurs vitesses », à « géométrie variable », ou en « cercles concentriques »: ces différentes expressions renvoient au même principe. Il s’agit de permettre à plusieurs pays de collaborer dans certains domaines, sans que la participation de tous les Etats de l’UE ne soit nécessaire.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a présenté cette voie comme l’un des cinq scénarios possibles pour l’avenir du projet européen après le Brexit, à l’occasion de la publication de son Livre Blanc sur le futur de l’UE début mars.

Depuis, l’idée cristallise les débats entre dirigeants nationaux, divisés entre fervents promoteurs, observateurs circonspects et farouches opposants.

Ce qui existe déjà

En réalité, cette UE à « plusieurs vitesses » existe déjà: au fil des élargissements, la nécessité de permettre différents niveaux d’intégration est apparue comme indispensable et les traités ont notamment introduit les « coopérations renforcées ».

Cette procédure va notamment permettre le futur lancement d’un parquet européen, spécialisé dans les fraudes à la TVA transfrontalière et aux fonds structurels européens. Les Etats membres intéressés pourront y participer malgré l’opposition de plusieurs Etats membres, qui pourront eux se tenir à l’écart.

Cette procédure a déjà été utilisée dans le passé pour une harmonisation des régimes matrimoniaux ou encore du système de délivrance des brevets, mais elle reste peu fréquente.

Surtout, « il existe des coopérations renforcées qui ne disent pas leur nom », souligne un diplomate européen, citant notamment la zone euro (qui n’inclut que 19 Etats membres) ou encore l’espace Schengen de libre-circulation (qui n’inclut pleinement que 22 pays de l’UE).

Pourquoi faire plus

Pour la Commission européenne, évoquer ce scénario vise à pousser tous les Etats membres à dire clairement dans quels domaines ils veulent aller plus loin, ou au contraire garder le statu quo.

En ouvrant de nouveaux domaines aux « coopérations renforcées », l’UE ne serait plus bloquée lorsque quelques pays s’opposent à un projet commun. Mais le risque est aussi de créer des différences croissantes entre les droits des citoyens de l’UE et de rendre l’Europe encore plus difficile à comprendre, a souligné M. Juncker.

La Commission a cité une série de domaines possibles: l’harmonisation fiscale et sociale, la défense (avec des marchés publics conjoints par exemple) ou encore la sécurité (avec des échanges obligatoires de données pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée).

Qui est pour, qui est contre

Paris et Berlin font partie des partisans les plus convaincus, avec le soutien affiché de pays comme l’Espagne, l’Italie et donc la Belgique.

« L’unité n’est pas l’uniformité », plaide ainsi le président français François Hollande tandis que la chancelière allemande Angela Merkel pousse les Européens à « avoir le courage d’accepter que certains pays avancent plus rapidement que d’autres », sans que « ce soit fermé pour ceux qui ont pris du retard ».

Mais les pays de l’Est et d’Europe centrale craignent de leur côté que ces projets ne visent en fait à les exclure du « club », en raison de leur opposition récurrente aux projets de Bruxelles.

« Ceux qui contestent le plus fortement » l’Europe à plusieurs vitesses « sont ceux qui veulent que l’Europe soit réduite à un marché intérieur », analyse un diplomate européen.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire