Des soldats turcs observent la ville syrienne de Kobané. © Belga

La Turquie presse ses alliés d’intervenir sur le sol syrien

Le Vif

La Turquie a pressé mardi ses alliés d’engager une intervention militaire terrestre pour dénouer la crise en Syrie, un appel qui rend un peu plus improbable la trêve censée débuter cette semaine et ravive le spectre d’une confrontation avec la Russie.

Dans un climat de vives tensions nourri par les bombardements turcs sur les Kurdes de Syrie, un haut responsable d’Ankara a plaidé pour l’envoi de troupes alliées sur le sol syrien, jugeant « impossible » d’arrêter les combats par un autre moyen. « Nous voulons une opération terrestre avec nos alliés internationaux », a déclaré sous couvert de l’anonymat à la presse ce responsable, précisant qu’il n’y aurait pas « d’opération militaire unilatérale de la Turquie ».

Une telle intervention doit viser « tous les groupes terroristes en Syrie », a-t-il ajouté, citant le groupe Etat islamique (EI) mais aussi les forces du régime de Damas et les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG).

Jusqu’à présent, la coalition internationale antijihadiste dirigée par Washington s’est contentée de mener des frappes aériennes contre l’EI en Syrie et en Irak.

La Turquie a déjà rallié à sa position un autre pays farouchement hostile au président syrien Bachar al-Assad, l’Arabie saoudite, qui s’est déclarée prête à envoyer des soldats sur le sol turc pour lutter contre le groupe Etat islamique.

L’Iran, le dernier soutien du régime de Damas avec la Russie, a averti mardi que le déploiement de troupes saoudiennes violerait « le droit international ». « Ces discussions autour d’une intervention au sol ne sont que la répétition d’une politique défendue de longue date par la Turquie », a expliqué à l’AFP Aaron Stein, analyste au centre Rafic Hariri de l’Atlantic Council. « Il est très improbable que la Turquie déploie ses soldats en Syrie », s’est-il empressé de tempérer.

Frappes ‘barbares

Même très incertaine, la demande de la Turquie a relancé le spectre d’une confrontation directe entre ce membre de l’Otan et la Russie, soutien du président Assad.

Depuis la destruction d’un bombardier russe par la chasse turque fin novembre, les relations entre Ankara et Moscou sont particulièrement tendues et compliquent la perspective d’une solution politique à la crise. Après avoir comparé son comportement à une « organisation terroriste », le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a dénoncé mardi les bombardements « barbares » et « lâches » de la Russie en Syrie.

L’Observatoire syrien pour les droits de l’Homme (OSDH) a fait état lundi de bombardements « probablement russes » dans le nord du pays qui ont fait, selon l’ONU, près de 50 morts civils dont des enfants. Au moins cinq établissements médicaux et deux écoles ont été visés dans les provinces d’Alep et d’Idleb, selon un porte-parole de l’ONU.

Ces frappes ont également été condamnées le président du Conseil européen Donald Tusk, qui a estimé mardi qu’elles laissaient « peu d’espoir » pour la paix en Syrie.

Pour tenter de mettre un terme à un conflit qui entre bientôt dans sa sixième année, les États-Unis et la Russie s’étaient mis d’accord vendredi dernier sur une « cessation des hostilités » dans un délai d’une semaine.

Lundi, le président Assad avait toutefois estimé « difficile » d’envisager un tel cessez-le-feu avec les groupes rebelles qu’il qualifie de « terroristes ».

Sur le terrain, la Turquie, qui accuse les milices armées kurdes d’être des groupes « terroristes », a poursuivi mardi, pour la quatrième journée consécutive, ses bombardements contre leurs positions au nord d’Alep.

Convoi humanitaire ‘test’

Son artillerie a bombardé Tall Rifaat, bastion rebelle tombé la veille aux mains des forces kurdes, rapporte l’OSDH.

Les Unités de protection du peuple (YPG) kurde ont récemment avancé dans la province d’Alep, profitant de l’affaiblissement des rebelles face à l’offensive d’envergure que l’armée a lancée le 1er février au nord d’Alep.

Elles négociaient en outre mardi pour pénétrer sans combat à Marea, l’un deux derniers bastions encore aux mains des insurgés dans la province d’Alep, selon l’OSDH. L’offensive du régime à Alep et au nord de la ville a poussé des dizaines de milliers de Syriens à fuir les combats, et se sont réfugiés tout près de la frontière turque qui leur reste cependant fermée. Alors que les combats ne connaissent aucun répit et que la situation humanitaire devient chaque jour plus préoccupante, l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura a rencontré mardi à Damas le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem.

Au terme de ses entretiens, il a annoncé l’envoi mercredi d’un convoi vers plusieurs villes assiégées par le régime ou des rebelles afin de « tester » la volonté des acteurs de la guerre de laisser passer l’aide humanitaire.

Selon l’ONU, plus d’un million de personnes sont confrontées à « un risque accru de décès » par manque de nourriture, d’électricité et d’eau courante.

La Syrie est ravagée depuis près de cinq ans par une guerre qui a fait plus de 260.000 morts, poussé des millions de personnes à l’exil et entraîné le morcellement du pays.

Des discussions de paix à l’initiative de l’ONU, avec la participation de représentants du régime et de l’opposition, ont débuté début février à Genève mais ont vite été suspendues, et M. de Mistura espère encore pouvoir les reprendre le 25 février.

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