Image d'illustration. Un marine américain en Afghanistan (province de l'Helmand). © REUTERS/Omar Sobhani

La stratégie américaine en Afghanistan minée par les désaccords

Le Vif

Le président Donald Trump n’a toujours pas dévoilé sa nouvelle stratégie pour l’Afghanistan dont l’annonce est retardée par des divergences et des tergiversations au sein de son administration sur la guerre la plus longue de l’histoire des Etats-Unis.

Les incertitudes sont telles -envoyer des milliers de soldats supplémentaires dans un conflit de près de 16 ans, ou bien se retirer complètement- que Donald Trump aurait même suggéré de limoger le général en charge de l’Afghanistan, selon la chaîne de télévision NBC. « Nous ne gagnons pas… nous perdons », s’est plaint le président américain en réprimandant ses conseillers militaires lors d’une réunion de la Maison Blanche, le mois dernier, a rapporté NBC.

Les généraux américains parlent du conflit afghan comme d’une « impasse », et même après des années de soutien intensif des États-Unis et de l’OTAN, les forces de sécurité afghanes peinent à contenir les talibans. La question des effectifs américains en Afghanistan, dont les responsables militaires sur le terrain souhaitent depuis plusieurs mois une augmentation, est centrale. Mais elle reste à ce stade en suspens.

Donald Trump a d’abord donné carte blanche à son ministre de la Défense, Jim Mattis, pour décider du niveau des troupes américaines en Afghanistan et ailleurs. Mais après plusieurs mois, le nombre de troupes reste bloqué à environ 8.400 Américains et 5.000 soldats de l’OTAN.

Jim Mattis attend de la Maison Blanche une stratégie cohérente non seulement pour l’Afghanistan, mais aussi pour l’ensemble de la région, notamment le Pakistan et sa gestion des groupes terroristes, avant de s’engager sur des ajustements de troupes. Le chef du Pentagone avait assuré aux élus du Congrès qu’il présenterait un plan détaillé pour l’Afghanistan d’ici la mi-juillet, mais la date n’a pas été respectée. « C’est un travail difficile et vous devez le faire correctement. C’est tout. Nous travaillons à le faire correctement », a déclaré Jim Mattis aux journalistes le 21 juillet.

Selon NBC, la veille, Donald Trump avait dit à Jim Mattis et au général Joe Dunford, chef d’état-major inter-armées américain, qu’il fallait remplacer le général John Nicholson, qui dirige les forces américaines et de l’OTAN en Afghanistan. La Maison Blanche s’est refusée à tout commentaire et la porte-parole du Pentagone, Dana White a simplement indiqué que « le général Nicholson a toute la confiance du ministre Mattis ». Deux semaines après cette réunion, le général Nicholson est encore en poste et plusieurs élus ont pris jeudi sa défense.

Pendant ce temps, la situation en Afghanistan ne fait qu’empirer. Plus de 2.500 policiers et soldats afghans ont été tués entre le 1er janvier et le 8 mai. Les forces américaines, supposées ne pas participer aux combats, subissent également des pertes. Neuf militaires ont été tués cette année, dont deux à Kandahar mercredi. Le niveau des pertes américaines pour 2017 est déjà équivalent à celui de l’ensemble de l’année 2016.

« Pas de stratégie pour réussir »

Cette impression d’hésitations et d’approximations est accentuée par la valse des responsables au sein des équipes de sécurité de la Maison Blanche. Le conseiller à la Sécurité nationale, le général HR McMaster, qui participe à l’élaboration d’une nouvelle stratégie en Afghanistan, a limogé mercredi son directeur du renseignement, Ezra Cohen-Watnick. Ce départ suit celui du conseiller pour le Moyen-Orient, Derek Harvey, au mois de juillet.

Selon des responsables du Pentagone, Jim Mattis envisage d’envoyer un peu moins de 4.000 soldats supplémentaires en Afghanistan, avec pour mission d’assister et de former les forces afghanes. Selon le New York Times, le conseiller stratégique du président, Steve Bannon, et le beau-fils de Donald Trump, Jared Kushner, ont avancé l’idée de confier les tâches de sécurité en Afghanistan à des entrepreneurs privés plutôt qu’à des soldats américains.

Un responsable du gouvernement afghan cité mercredi par le Military Times affirme qu’Eric Prince, l’ancien chef de la société de sécurité privée Blackwater à la réputation sulfureuse durant la guerre en Irak, a même proposé de fournir une force aérienne privée.

Le sénateur républicain John McCain a fait part cette semaine de son exaspération face à l’absence de politique afghane de Donald Trump. Le sénateur de l’Arizona a indiqué que si une nouvelle stratégie n’était pas dévoilée d’ici le mois de septembre, il donnerait la sienne, basée sur « les conseils de certains de nos meilleurs chefs militaires ». « Il n’y a toujours pas de stratégie pour réussir en Afghanistan », a regretté John McCain.

Au cours d’une visite au Pentagone le mois dernier, Donald Trump s’est vu demander s’il comptait envoyer davantage de troupes en Afghanistan. « On verra », a répondu le président américain avant de changer de sujet.

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