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La relation décomplexée de Sarkozy avec le FN

Si les relations entre Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy sont très fraîches, Jean-Marie, lui, n’a pas toujours été aussi opposé au chef de l’Etat. Récit d’une relation ambiguë, qui dure depuis une dizaine d’années.

« Cette France du ‘non’ existe toujours. Je veux m’adresser à elle pour lui dire que j’ai compris cet appel et que je suis prêt à lui apporter des réponses. Moi, je parle à tous les Français sans aucune exception. Mais je ne veux pas de Jean-Marie Le Pen. » Cinq ans plus tard, Nicolas Sarkozy pourrait prononcer la même phrase à la seule différence du prénom.

Avec le FN, Nicolas Sarkozy a toujours eu la même attitude: aucun accord électoral. En 1998, alors que quelques barons locaux se compromettent dans cette liaison dangereuse, il fait partie de ceux qui s’y opposent au sein du RPR. Ce qui ne signifie pas, loin de là, qu’il ait contribué à mettre en place un cordon sanitaire entre les deux formations de la droite.

Contrairement à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité lorsqu’il a fallu débattre avec Jean-Marie Le Pen. Un an et demi après le choc du 21 avril 2002, il affronte en prime-time le président du FN sur son propre terrain, l’immigration. Le ministre de l’Intérieur de l’époque remporte la joute et se sent alors pousser des ailes.

Dans sa logique de conquête du pouvoir, il estime très tôt qu’il faut siphonner les voix frontistes, plutôt que d’ignorer cet électorat. En septembre 2004, il devient la deuxième personnalité préférée des supporters du FN avec une cote de 77% d’opinions positives. Juste derrière Jean-Marie Le Pen, et devant Marine.

A cette époque, le président du parti d’extrême droite, lui-même, rend hommage à Nicolas Sarkozy. En novembre 2004, il juge, dans Le Parisien que Sarkozy « agit, bouge, parle » et que « sans lui, la droite serait en coma dépassé ». Une manière, il est vrai, d’enfoncer son vieil ennemi, Jacques Chirac.

« M. Sarkozy a du charme »

A l’approche de la présidentielle, les relations entre les deux hommes ne subissent aucun coup de froid. Bien au contraire. Début mars 2007, le ministre de l’Intérieur et candidat à la présidentielle appelle les élus français à aider Jean-Marie Le Pen dans sa quête des 500 signatures. Et les porte-parole de l’UMP, Luc Chatel et Valérie Pécresse, demandent officiellement aux maires non membres de formations politiques (soit les deux tiers d’entre eux) d’apporter leurs parrainages aux candidats en difficulté.

Le 22 avril, le FN s’écroule, ne totalisant que 10,44% des suffrages. Nicolas Sarkozy a réussi son pari de détourner les électeurs de Jean-Marie Le Pen. Etonnamment, ce dernier continue d’alterner les attaques les plus violentes et les compliments les plus mielleux. Le 27 mai, il le félicite pour sa campagne, « qu’on pourra étudier plus tard à Sciences-Po ». Et raconte ses entretiens avec le ministre de l’Intérieur de l’époque: « Dans les contacts personnels (…) je témoigne que l’homme a du charme. Et qu’il le développe naturellement. »
Le 7 août, il poursuit la sérénade : « Il a passé la première phase de sa lune de miel avec je crois assez d’efficacité », juge-t-il sur RTL, ajoutant: « Je crois que chacune de ses actions est mûrement réfléchie, pesée, très bien informée et jusqu’ici assez bien réalisée, il faut le dire. »

« M. Le Pen, venez quand vous le souhaitez »

Si Nicolas Sarkozy n’a lui jamais marqué un tel rapprochement avec les leaders du Front, que ce soit Jean-Marie ou Marine, il n’a en tout cas jamais ostracisé le parti d’extrême droite. L’illustration la plus significative de cet entre-deux dans lequel s’est placé l’actuel chef de l’Etat s’est jouée le 20 juin 2007. Un mois après sa prise de fonction, il invite à l’Elysée l’ensemble des partis politiques dans le cadre de consultations sur le futur traité européen. Parmi les invités, Jean-Marie Le Pen. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un membre du FN entre à l’Elysée.

Et plutôt qu’un accueil au mieux glacial, au pire neutre, Nicolas Sarkozy parade avec le président frontiste. Dans Le Testament du diable, le journaliste Azzeddine Ahmed-Chaouch raconte cet entretien « cordial et agréable ». Le chef de l’Etat aurait même dit à son interlocuteur: « Venez quand vous le souhaitez. » A la fin de l’entretien, les deux hommes sortent du bureau et tombent sur les ministres prêts pour le conseil du mercredi. Nicolas Sarkozy saisit par le bras Jean-Marie Le Pen et lui lance, sourire aux lèvres: « Je ne vous présente pas, vous devez déjà connaître tout le monde. »

Matthieu Deprieck, L’Express.fr

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