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La présidence tournante de l’UE, une institution de plus en plus marginale

La présidence tournante de l’Union européenne reste un honneur pour les Etats, mais elle se révèle aussi être une tâche de plus en plus ingrate et marginale depuis la nomination d’un président permanent et la montée en puissance de la zone euro. Chypre, qui a assuré la présidence au cours des six derniers mois de l’année, passera le relais le 1er janvier à l’Irlande.

La présidence tournante avait initialement pour objectif d’offrir à chaque pays membre, à tour de rôle, la chance de présider les débats européens, de déterminer ses priorités et de se donner de la visibilité en accueillant à domicile les sommets européens.

A la faveur du traité de Lisbonne, fin 2009, « la présidence tournante de l’UE a été décapitée », relève Yann-Sven Rittelmeyer, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Le traité a instauré un président permanent du conseil de l’Union européenne, en charge de l’organisation et du bon déroulement des sommets européens. Le poste a été confié à l’ancien Premier ministre Herman Van Rompuy. « La présidence tournante se charge de tous les préparatifs dans les groupes de travail, mais dès que ça devient sérieux et chaud, c’est Van Rompuy qui règle ça avec les dirigeants européens », remarque un diplomate européen.

Le traité de Lisbonne a également créé le poste de Haute représentante de l’UE aux Affaires étrangères. L’actuelle titulaire, la Britannique Catherine Ashton, préside les réunions des ministres des Affaires étrangères et représente la diplomatie européenne aussi bien devant le Parlement européen qu’en dehors de l’UE.

Mme Ashton délègue souvent certains rendez-vous à la présidence tournante. « Il lui arrive de demander à un ministre de se rendre à Bruxelles pour une réunion de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, tout ça pour parler 25 minutes devant les députés. C’est humiliant », commente un diplomate.

La présidence tournante reste en charge de tous les autres sujets, comme l’économie et les finances, les affaires intérieures et la justice, l’agriculture ou encore l’environnement. Mais là aussi, son rôle a été affaibli par les réformes de la zone euro et la montée en puissance, au sein de l’UE, de l’Eurogroupe, relève M. Rittelmeyer.

Si la présidence tournante représente toujours une lourde charge, particulièrement pour les petits pays, ces derniers savent souvent se glisser dans le rôle du médiateur impartial, souligne Yann-Sven Rittelmeyer. Chypre peut ainsi se targuer d’avoir mis un terme à trente ans de querelle autour du brevet européen et d’avoir arraché un accord sur la supervision bancaire, malgré l’échec cuisant des négociations sur le budget 2014-2020.

La Belgique, alors en pleine crise politique, avait elle aussi plutôt bien tiré son épingle du jeu en 2010 grâce au savoir-faire de ses diplomates, souligne le chercheur.

Même affaiblie, les Etats ne voudront jamais abandonner la présidence tournante, juge un diplomate. Elle constitue « le meilleur moyen de comprendre les rapports de force en coulisse » sur les grands dossiers européens, souligne-t-il. Une connaissance ensuite « très utile pour faire valoir ses intérêts nationaux ».

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