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La Norvège veut en finir avec Breivik

Le procès d’Anders Breivik, jugé pour les tueries à Oslo et sur l’île d’Utoya commence ce lundi et durera pendant 10 semaines. Celui qui se dit « écrivain » a d’emblée adressé son salut d’extrême droite au public.

« Franchement, on en a assez de cette histoire », glisse Pia, une serveuse de café d’Oslo. « Tout a déjà été dit et raconté sur ces événements horribles, je ne vois pas ce qu’il y a à ajouter, si ce n’est d’en finir une bonne fois pour toutes ». Comme cette femme brune d’une trentaine d’années, nombreux sont les Norvégiens qui préfèreraient ne pas avoir à être, de nouveau, confrontés à la terrible journée du 22 juillet dernier. Il sera toutefois difficile d’y échapper en raison du procès d’Anders Behring Breivik qui débute aujourd’hui dans la capitale du royaume.

Dix semaines durant, le déroulement de cette journée sera décortiqué à la loupe et répercuté par les quelque 800 journalistes accrédités au tribunal d’Oslo. Des survivants de la bombe placée dans le quartier des ministères (huit morts et 98 blessés) et de la tuerie perpétrée sur l’île d’Utoya (69 morts et 60 blessés) viendront témoigner à la barre. Et surtout, le seul et unique prévenu, Breivik, un extrémiste de droite revendiquant les faits au nom d’une croisade contre l’islam et le multiculturalisme, aura amplement l’occasion de justifier ses actes. Le tribunal donnera la parole à cet homme de 33 ans à partir de mardi, et ce pendant quatre à cinq jours.

« Ce sera dur de l’entendre et de le voir pendant aussi longtemps », reconnaît Nikolaj Skjerping, un des jeunes adhérents du Parti travailliste qui ont survécu aux scènes d’horreur survenues sur Utoya, où ils étaient rassemblés en juillet dernier pour un camp d’été, à environ 40 km d’Oslo. « Mais c’est important pour nous que l’agresseur soit jugé. C’est une bonne chose que le procès puisse commencer et qu’on en termine une bonne fois pour toutes », ajoute ce blond fluet.

D’autres ont un point de vue plus radical. « J’aurais préféré qu’il n’ait pas été pris vivant. Peut-être qu’on aurait pu éviter tout ce cauchemar » qui poursuit les proches depuis et qui sera ravivé durant le procès, déclare au journal VG Lisbeth Royneland, mère d’une des victimes, Synne, 18 ans.

Que Breivik ait indiqué, la semaine dernière via son avocat, regretter de ne pas avoir tué plus de personnes ce jour-là laisse présager des moments très difficiles durant le procès. Beaucoup de survivants et de proches « redoutent d’avoir à revivre tout cela mais ils sont prêts et bien préparés », assure Jakob Inge Kristoffersen, du Centre de psychologie de crise.

Des psychologues seront d’ailleurs à la disposition des proches et des rescapés pendant les dix semaines que doit durer le procès.
La période s’annonce pénible mais il en faut passer par là, estime le premier ministre norvégien, le travailliste Jens Stoltenberg. « C’est la démocratie qui a été visée le 22 juillet (…) Il est donc encore plus important de démontrer que la démocratie et l’état de droit fonctionnent. Nous le ferons en organisant un procès durant lequel les actes les plus terribles seront traités dans le respect de nos lois et de nos règles. » Stoltenberg n’a toutefois pu s’empêcher de donner son avis sur le verdict vendredi : « Si le tribunal juge qu’il est responsable de ces actes -c’est à lui de le décider- je crois que nombreux sont ceux qui seront soulagés ». Une prise de position critiquée depuis par un avocat et un journal norvégien.

Par notre envoyé spécial à Oslo, Antoine Jacob

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