William Butler Yeats © Wikipedia

La mystérieuse sépulture de William Butler Yeats

Le Vif

Le poète et prix Nobel irlandais William Butler Yeats, mort en 1939, est-il bien enterré dans son pays ? Ou bien ses restes reposent-ils en France ? Le mystère vieux de 70 ans est relancé après la récente découverte de documents d’époque.

Considéré comme l’un des plus grands dramaturges irlandais, Yeats s’est éteint, à l’âge de 73 ans, le 28 janvier 1939 à l’hôtel Idéal Séjour de Roquebrune-Cap-Martin, commune des Alpes-Maritimes située au bord de la Méditerranée, près de la frontière italienne.

Il est enterré dans une fosse commune et ses restes ne sont exhumés qu’en 1946, puis placés dans un ossuaire. Il faut attendre 1948 avant qu’un cercueil, censé contenir sa dépouille, ne soit rapatrié en Irlande. Le corps est alors inhumé à Drumcliffe, dans le nord-ouest de l’Irlande, où le poète avait de la famille. Sa tombe – sur laquelle est gravée l’un de ses vers aux airs d’épitaphe: « Jette un regard froid sur la vie, sur la mort, cavalier, et passe ton chemin » – devient un lieu de pèlerinage attirant des milliers de personnes chaque année. Pourtant, la dépouille de Yeats pourrait n’avoir jamais quitté Roquebrune-Cap-Martin et de vieilles interrogations quant à sa dernière demeure ont ressurgi avec la découverte de documents par Daniel Paris, fils d’un grand diplomate français, dans le coffre d’un château de famille.

Découverte au fond d’un coffre

Remarquant des références au nom du poète, M. Paris décide en juin dernier de remettre ces documents à l’ambassade d’Irlande en France, selon la porte-parole de la représentation irlandaise. L’ambassade les transmet à son tour au ministère des Affaires étrangères français, qui les authentifie et les dépose dans son centre d’archives, accessibles à tous à La Courneuve, près de Paris. Parmi ces écrits figure un rapport d’enquête réalisé par un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères français en 1948 pour déterminer la faisabilité du rapatriement de la dépouille de Yeats.

Ce document, publié par le journal The Irish Times, note que les restes du poète présents dans l’ossuaire sont « mélangés pêle-mêle avec d’autres ossements », et conclut qu’il est « impossible de restituer les restes complets et authentiques de M. Yeats ». Dans ces conditions, les ossements enterrés à Drumcliffe sont-ils véritablement ceux de Yeats ? Y a-t-il un inconnu dans la tombe du poète ?

« Aux historiens de recouper ces documents avec ce qu’on savait déjà, il n’appartient pas à l’ambassade de se prononcer sur leur contenu », a déclaré la porte-parole.

‘Son âme’ est en Irlande

Pour la sénatrice irlandaise Susan O’Keefe, cette découverte confirme certes des années et des années de doutes quant à « la provenance des ossements », mais ne saurait justifier une exhumation.

« Si ça ne tenait qu’à moi, je n’en ferais rien », dit-elle. « Pour moi, il est au bon endroit. Parce qu’il voulait être ici. Et d’une certaine manière, son âme est ici ». Yeats, un des quatre lauréats irlandais d’un Nobel de littérature avec Seamus Heaney, Samuel Beckett et George Bernard Shaw, est en effet une véritable légende dans le comté de Sligo, où se trouve la commune de Drumcliffe. Un club local de football gaélique a même pris comme surnom « Comté de Yeats ».

« Drumcliffe était l’endroit où il voulait être célébré », explique Stella Mew, ancienne présidente de la Yeats Society, qui promeut l’oeuvre du dramaturge, en regrettant que ce nouveau rebondissement survienne l’année du 150e anniversaire de la naissance du poète. « Ca jette comme une ombre », reconnaît-elle. Pour d’autres en revanche, les documents d’époque n’en rendent Yeats que plus intéressant. « Ça devient plus excitant, plus international et mystérieux », s’enthousiasme la dessinatrice Annie West, tout en replongeant dans les années où elle travaillait comme gardienne à l’Eglise de Drumcliffe. « Je m’amusais à me glisser derrière les touristes qui venaient voir la tombe (de Yeats) pour leur dire: +vous savez, il n’est pas vraiment enterré ici+ ».

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