Discours d'anniversaire de Bhumibol Adulyadej, du roi de Thaïlande depuis 1946, pour ses 84 ans en 2011. © Reuters

La longévité politique des monarques dans le monde

Le Vif

Elizabeth II battra le 9 septembre le record de longévité politique de son aïeule, la reine Victoria, soit 63 ans et 216 jours sur le trône britannique, mais ne détrônera pas le roi de Thaïlande qui a célébré en juin ses 69 ans de règne.

Depuis la mort d’Abdallah, roi d’Arabie saoudite, le 23 janvier 2015 à l’âge de 90 ans, la reine Elizabeth, 89 ans, s’impose comme la doyenne des monarques du monde entier.

Voici une liste de pays dont les monarques connaissent la plus grande longévité (par ordre décroissant):

THAILANDE: le roi Bhumibol Adulyadej, 87 ans, a accédé au trône le 9 juin 1946 après la mort de son frère dans des conditions mystérieuses et a été couronné en 1950 sous le nom dynastique de Rama IX. Monarque constitutionnel, il est considéré comme une force morale bienveillante dans un pays marqué par une forte instabilité politique – une junte militaire est au pouvoir depuis mai 2014. Le roi, de santé fragile, a été hospitalisé plusieurs mois cette année.

ROYAUME-UNI: la reine Elizabeth, née le 21 avril 1926, a accédé au trône le 8 février 1952 à la mort de son père, George VI. Le 9 septembre, elle battra le record de longévité sur le trône jusque-là détenu par son arrière-arrière-grand-mère, la reine Victoria, qui régna de 1837 à 1901. Elle est actuellement le souverain le plus âgé en exercice.

– BRUNEI: le sultan Hassanal Bolkiah, 69 ans, considéré comme l’un des hommes les plus riches de la planète, règne depuis l’abdication de son père, en octobre 1967, sur ce petit pays enclavé en Malaisie, sur la côte nord de Bornéo, au sous-sol riche en hydrocarbures.

OMAN: le sultan Qabous, 74 ans, a accédé au trône le 23 juillet 1970 en renversant son père qu’il jugeait trop conservateur. Artisan de la modernisation de ce petit pays qui contrôle, avec l’Iran, le détroit d’Ormuz, il est actuellement malade et sans héritier désigné.

DANEMARK: la reine Margrethe II, 75 ans, a accédé au trône de la plus ancienne monarchie européenne le 14 janvier 1972, à la mort de son père.

SUEDE: le roi Carl XVI Gustaf, 69 ans, a succédé à son grand-père en septembre 1973, quelques mois à peine après l’accession au trône de sa cousine germaine, la reine Margrethe du Danemark.

Le précédent record de longévité de l’histoire contemporaine pour un monarque a été longtemps détenu par l’empereur japonais Hirohito, mort en janvier 1989 à l’âge de 87 ans après un règne de 62 ans.

En Europe, le règne de la reine Victoria avait été dépassé par ceux du roi de France Louis XIV (72 ans de règne entre 1643 et 1715) et de l’empereur François-Joseph d’Autriche (67 ans de règne entre 1848 et 1916).

Le cas britannique

Comme Elizabeth II, qui égalera mercredi son record de longévité sur le trône britannique, la reine-impératrice Victoria a commencé son règne très jeune pour ensuite s’inscrire dans la durée, dans un monde en pleine mutation.

Lorsque Alexandrina Victoria est née le 24 mai 1819 au palais de Kensington à Londres, il était peu probable qu’elle accède un jour au trône. Cinquième dans l’ordre de succession, elle a été couronnée le 20 juin 1837, à peine âgée de 18 ans, après la mort de son père, le prince Edouard Auguste de Kent, et des trois frères aînés de celui-ci qui n’avaient pas d’héritiers légitimes.

Malgré son jeune âge et son modeste mètre cinquante, Victoria a profondément changé les manières et la réputation de la cour, entachée par les écarts de conduite et les scandales à répétition provoqués par ses oncles.

A plus long terme, elle aura laissé une empreinte indélébile, donnant jusqu’à son nom à une époque d’inventions et de découvertes, mais aussi de pudibonderie et de moralisme au sein d’un empire britannique alors au zénith.

Aujourd’hui, des Etats, des villes, des montagnes, des lacs et des centaines de monuments et de squares continuent de porter son nom à travers le monde.

La manière de régner d’Elizabeth II, reine à 25 ans, trouve indiscutablement ses racines chez sa trisaïeule, selon Andrew Gimson, auteur de « Gimson’s Kings and Queens: Brief Lives of the Monarchs since 1066 ».

« Leur grande similitude est d’être exceptionnellement consciencieuses, ce sont deux femmes résolues, déterminées à se comporter de manière aussi parfaite que possible », explique ce spécialiste de la monarchie à l’AFP.

Victoria a été élevée par une mère très protectrice, la princesse d’origine allemande Victoria de Saxe-Cobourg-Saalfeld, qui institua le « système de Kensington », un ensemble de règles extrêmement strictes. Elle a grandi à l’écart des autres enfants, isolée et sous surveillance constante.

Grand-mère de l’Europe

En dépit de cette éducation sous couveuse, elle a fait preuve d’un fort caractère lorsqu’elle est montée sur le trône. « La réputation de la monarchie était alors au plus bas. Victoria l’a réhabilitée en imposant le moralisme strict qui a commencé à émerger dans les années 1830 », souligne Andrew Gimson.

Cornaquée par le Premier ministre Viscount Melbourne, s’émancipant de sa mère étouffante, Victoria a épousé son cousin, le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, dont elle était follement éprise, en 1840. Ensemble, ils ont eu neuf enfants et 42 petits-enfants, s’alliant à tellement de familles royales sur le continent qu’elle a hérité du surnom de « grand-mère de l’Europe ».

La mort d’Albert en 1861 l’a laissée dévastée. En deuil, portant le noir jusqu’à son dernier jour, elle s’est alors retirée de la vie publique, permettant au républicanisme de s’épanouir jusqu’à son retour sur la scène politique vers la fin de sa vie.

Ses jubilés d’or en 1887 et de diamant en 1897 ont été célébrés avec faste à travers l’empire, Victoria personnifiant alors la grandeur britannique.

Alors que Victoria est morte à 81 ans, le 22 janvier 1901 sur l’île de Wight, Elizabeth II continue à régner à l’âge de 89 ans, avec le soutien indéfectible du prince Philip, 94 ans, soit 52 de plus que l’époux de Victoria au moment de sa mort.

Même si elle a tendance à déléguer les voyages lointains à son fils Charles et son petit-fils William, Elizabeth II continue à sillonner le Royaume-Uni en profitant, partout où elle passe, d’une popularité inédite.

« On a pris l’habitude de voir la reine faire des choses. Victoria recevait des chefs d’Etat et s’occupait de la diplomatie royale mais était beaucoup plus statique », explique Judith Rowbotham, chercheuse à l’Université de Plymouth.

« Mais », ajoute-t-elle, « nous allons entrer dans une période où les similitudes entre les deux souveraines deviendront de nouveau plus fortes », lorsque Elizabeth II, bientôt nonagénaire, ralentira le rythme de ses activités.

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