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La justice espagnole lève l’interdiction des corridas en Catalogne

Le Vif

La Cour constitutionnelle espagnole a annulé jeudi l’interdiction des corridas en vigueur depuis quatre ans en Catalogne, une décision sans précédent suscitant la colère de militants de la cause animale et des indépendantistes catalans.

La Cour estime qu’en règlementant ces spectacles la Catalogne « a porté atteinte à la compétence de l’Etat en matière de préservation du patrimoine culturel commun dont font partie les corridas de taureaux », a expliqué son service de presse dans un communiqué.

Trois des douze membres de la Cour ont refusé de suivre la majorité jugée conservatrice des magistrats qui la composent.

Le tribunal – qui avait été saisi par des élus conservateurs du Parti populaire (PP), au pouvoir en Espagne – explique que l’Etat détient une compétence exclusive en matière de défense du patrimoine culturel et artistique du pays.

Or la corrida fait partie de « patrimoine culturel immatériel » de l’Espagne depuis 2015.

La présidente du PP en Catalogne, Alicia Sanchez Camacho, s’est aussitôt félicitée de cette décision en annonçant : « nous continuerons à défendre la liberté et la fête nationale ».

« La campagne… ayant pour but d’en finir avec la tauromachie continuera », a au contraire réagi une représentante du Parti animaliste contre la maltraitance des animaux (Pacma), Ana Bayle, jointe par l’AFP, qui voit dans cette décision « un grand malheur ».

L’interdiction des corridas avait été décidée le 28 juillet 2010 par le Parlement catalan, après une initiative législative populaire qui avait recueilli 180.000 signatures, et était entrée en vigueur le 1er janvier 2012.

« Dans l’Etat espagnol, interdire la torture et l’assassinat d’un animal en public est anticonstitutionnel. Tout est dit », a réagi le député Gabriel Rufian, du parti indépendantiste Gauche républicaine de Catalogne (ERC).

« La Cour constitutionnelle annule le XXIème siècle », a aussi lancé avec ironie un membre de l’exécutif indépendantiste catalan, Raul Romeva.

Culture et souffrance

En 2010, la Cour avait déjà annulé une partie du nouveau « statut » de la Catalogne adopté en 2006, qui lui conférait une autonomie élargie. Depuis la fièvre indépendantiste n’a cessé de monter dans cette région qui compte 7,5 millions d’habitants.

Le débat sur la tauromachie a divisé et passionné la Catalogne et bien au-delà.

En 2010, le Parlement catalan avait même fait entendre la voix d’un scientifique, Jorge Wagensberg, sur la réalité de « la souffrance du taureau ». Tel un expert judiciaire dans un procès pour meurtre, il avait exhibé devant les députés chacun des instruments utilisés par le matador pour la mise à mort…

En 2013 le romancier sud-africain et prix Nobel de littérature J.M. Coetzee avait, lui, écrit aux députés espagnols pour condamner les corridas, en disant : « Torturer et assassiner des taureaux pour le simple spectacle appartient à l’Age sombre et non à l’Espagne du XXI siècle ».

Cette cause ne cesse de gagner du terrain. Les villes de Madrid, La Corogne (nord-ouest) et Valladolid (centre-ouest) ont supprimé des subventions à la tauromachie ou déprogrammé des corridas après avoir basculé à gauche en 2015.

Arènes pleines à craquer

La dernière corrida en Catalogne, le 25 septembre 2011 à Barcelone, s’était cependant tenue dans des arènes pleines à craquer : les toreros Juan Mora, José Tomas et Serafin Marin avaient été applaudis par 18.000 aficionados.

Sur les 17 régions d’Espagne, l’archipel des Canaries est la seule autre région à avoir interdit les corridas. Et la résistance s’organise, dans un pays qui magnifie depuis des siècles l’art d’affronter le taureau.

Une fondation pour la défense des taureaux de combat – secteur qui emploie directement ou indirectement quelque 200.000 personnes – s’est créé en 2015.

Et le Français Simon Casas, nouveau directeur des arènes de Madrid, s’est aussitôt « réjoui » de la décision de la Cour : « La tauromachie est une culture, une histoire, un art qui fait partie de l’identité de certains peuples et il était totalement aberrant qu’une institution politique, le gouvernement catalan, ait pu l’interdire », a-t-il déclaré à l’AFP.

« Le tribunal a utilisé les animaux dans une guerre politique », a rétorqué la porte-parole de Pacma.

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