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La Hongrie selon Viktor Orban

La nouvelle Constitution hongroise, promue par le Premier ministre et entrée en vigueur ce dimanche, entraîne le pays dans une direction encore un peu plus autoritaire.

La nouvelle Constitution hongroise voulue par Viktor Orban est entrée en vigueur ce dimanche. Les accents très nationalistes de ce texte, où l’appellation « République de Hongrie » disparaît au profit de la seule « Hongrie » et qui fait explicitement référence à Dieu, ne surprendront pas. Car cela fait 18 mois que le Premier ministre a entrepris de remodeler le pays à son image et de lui faire prendre une direction de plus en plus autoritaire.

Il a déjà instauré des réformes très controversées de la Banque centrale, de la justice et de la loi électorale. Dénoncé par l’opposition de gauche et écologique et par de nombreux mouvements de la société civile comme « un autocrate », faisant fi des critiques de l’UE quant à la compatibilité de ces lois avec le droit communautaire et des inquiétudes de Washington sur « la démocratie » dans son pays, Viktor Orban fait front.

Un Etat aux mains du Fidesz

Cette Constitution est le « cheval de Troie d’un système politique plus autoritaire fondé sur la perpétuation du pouvoir d’un seul parti », estime Verhofstadt, président des Libéraux au Parlement européen. En effet, une série de lois gagne une valeur constitutionnelle, elles ne pourront être modifiées que par une majorité des deux tiers des députés… Soit la majorité actuelle du parti conservateur de Viktor Orban. Or, il est peu probable à l’avenir qu’un gouvernement issu de l’opposition dispose d’une telle majorité.

Sans oublier l’installation à tous les postes de responsabilité de l’appareil d’Etat, notamment dans les secteurs de l’économie, de la police, de la justice et de l’armée, de proches de Viktor Orban, dont beaucoup disposent d’un mandat de neuf ou douze ans. Un futur gouvernement d’une autre couleur politique sera par conséquent confronté à un appareil d’Etat hostile, entièrement aux mains du Fidesz.

La France a souligné ce lundi la nécessité pour la Hongrie de respecter le droit européen protégeant les libertés, en apportant son soutien à la Commission européenne qui s’est dite « préoccupée » par des dispositions de la nouvelle Constitution hongroise et leur compatibilité (ou non) avec les textes européens. Et ce alors que Viktor Orban a déjà clairement établi que l’UE ne lui « dicterait » jamais rien…

Manifestation contre la nouvelle constitution

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté ce lundi à Budapest contre la nouvelle constitution, jugeant qu’elle porte atteinte à la démocratie, tandis que le gouvernement célébrait l’entrée en vigueur de celle-ci lors d’une cérémonie.

Les organisateurs de la manifestation, intitulée « Il y aura de nouveau une république », ont indiqué que près de 100.000 personnes se sont rassemblées en fin d’après-midi sur l’une des principales artères de la capitale hongroise. Le nom de l’événement faisait référence à l’une des dispositions de la nouvelle constitution, entrée en vigueur au 1er janvier, qui remplace la « République de Hongrie » par la simple « Hongrie ».

Le parti socialiste MSZP, le parti écologiste de gauche LMP et le nouveau parti DK de l’ancien Premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany ont participé au rassemblement.

Les manifestants ont crié des slogans contre le gouvernement du Premier ministre Viktor Orban et brandissaient des pancartes indiquant « Assez! « , « Dictature d’Orban », « Orbanistan », alors que les membres du gouvernement et le président Pal Schmitt arrivaient pour une cérémonie à l’Opéra de Budapest pour l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution.

Ce que couvrent les lois Orban

Voici les principales lois entrées en vigueur avec cette nouvelle Constitution le 1er janvier ou à l’occasion de précédentes réformes promues par Viktor Orban, dont certaines ne pourront à l’avenir être modifiées qu’à la majorité des deux tiers au Parlement:

Général

L’appellation « République de Hongrie » disparaît au profit de la seule « Hongrie ».

– La Constitution rend rétroactivement « responsables des crimes communistes » commis jusqu’en 1989 les dirigeants de l’actuel Parti socialiste (ex-communiste).

Religion

– Introduction d’une référence explicite à « Dieu » dans la Constitution: « Dieu bénisse les Hongrois ». Les communautés religieuses bénéficiant de subventions publiques sont réduites de 300 à 14.

Loi électorale

– La nouvelle loi prévoit l’élection à un seul tour, au scrutin de circonscription et au scrutin proportionnel de liste, avec 199 députés au lieu de 386. Les petits partis ne pourront plus négocier leur désistement en vue d’un second tour. Les reports de voix de candidats non élus au scrutin de liste profiteront à la liste arrivée en tête. Le droit de vote est reconnu aux Hongrois d’origine vivant à l’étranger. Les pays voisins ne cachent pas leur inquiétude.
Nominations

– Le mandat des titulaires de postes importants de l’appareil d’Etat : économie, justice, police et armée, est porté à neuf ou douze ans. Un futur gouvernement d’une autre couleur politique sera en conséquence confronté à un appareil d’Etat hostile, aux mains de fidèles de Viktor Orban.

Economie et finances

– La loi de « stabilité financière » inscrit dans la loi fondamentale le taux unique de 16% de l’impôt sur le revenu, ainsi que le niveau des retraites

– Création d’un Conseil budgétaire de trois membres nommés par le Premier ministre, qui aura le pouvoir d’opposer son veto au projet de budget.

– Banque centrale: l’influence du gouvernement est renforcée. Son président ne pourra plus choisir ses trois adjoints qui seront désignés par le Premier ministre. L’actuel président de la Banque centrale, Andras Simor, est le dernier à faire de la résistance d’ailleurs…

– Le Conseil monétaire passe de sept à neuf membres. Les deux membres extérieurs supplémentaires seront nommés par le Parlement, comme c’est le cas pour quatre autres.

– Le forint devient constitutionnellement la devise nationale. Conséquence: une adhésion à l’euro de la Hongrie, objectif de Budapest à l’horizon 2020, nécessitera au Parlement une majorité des deux tiers.

– La TVA (taxe à la valeur ajoutée) est augmentée de 25 à 27%, le taux le plus élevé de l’UE.

Société

– La Constitution décrète que l’embryon est un être humain dès le début de la grossesse.

– La Constitution stipule que le mariage ne peut avoir lieu qu’entre un homme et une femme, excluant les mariages homosexuels.
Une loi rend les sans-abri éventuellement passibles de peines de prison.

Médias publics

– Radio-télévision et agence de presse MTI sont regroupés en une seule entité supervisée par un Conseil des médias dirigé par une proche du Premier ministre Viktor Orban. L’unique radio d’opposition Klubradio s’est vu retirer sa fréquence

LeVif.be avec Belga

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