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La Grèce a enfin un gouvernement, et maintenant ?

Un accord a été trouvé pour former un gouvernement de coalition. Celui-ci va devoir en urgence négocier avec la troïka et tenter de redresser une économie moribonde.

Ouf. Après plus d’un mois de blocage politique, la Grèce a enfin un gouvernement. Le pays va enfin pouvoir reprendre les négociations avec ses créanciers et surtout, tenter de redresser une situation économique particulièrement dégradée. La presse nationale parle déjà d’une journée historique, notant qu’il s’est rarement passé autant d’événements en Grèce en si peu de temps. L’Expansion fait le point sur la nouvelle équipe et les principaux enjeux auxquels elle sera confrontée.

Quelle est la composition du nouveau gouvernement ?

Le chef du parti conservateur grec Nouvelle Démocratie, Antonis Samaras, 61 ans, est devenu mercredi Premier ministre en Grèce, après avoir obtenu le soutien de deux autres partis, les socialistes du Pasok et la gauche modérée du Dimar, qui lui permet de revendiquer 179 voix sur 300 au parlement grec. Issu de la grande bourgeoisie, affichant une allure rigide, mais cédant à des bouffées de nationalisme, il a prêté mercredi serment devant le président de la République, Carolos Papoulias et les dignitaires orthodoxes. « Avec l’aide de Dieu, nous allons tout faire pour sortir le pays de la crise », a-t-il dit sur le perron du palais présidentiel.

L’actuel président de la Banque nationale de Grèce (BNG) Vassilis Rapanos est pressenti pour devenir ministre des Finances, selon la télévision publique Net. A 65 ans, cet économiste de formation est un vieux routier de la gestion du pays au côté des équipes socialistes, et a dirigé le Conseil des experts du ministère de l’Economie et des Finances au moment de l’entrée de la Grèce dans l’euro, en 2001.

On ne connaît pas encore, la composition du reste de l’équipe. La presse grecque évoque la nomination de 15 à 17 ministres. Deux nouveaux ministères seraient créés : l’un pour le tourisme, l’autre pour la marine marchande. Ils faisaient partie jusqu’à présent, du ministère du développement. Celui-ci continue quand même d’exister sous la houlette de Yiannis Stournaras.

Le chef du Dimar Fotis Kouvelis, a confirmé que ses 17 députés voteront la confiance, mais sans participer à l’équipe. M. Vénizélos a lui aussi exclu de rentrer dans le cabinet ou d’y dépêcher des cadres politiques de premier plan.

Première bataille: obtenir un allègement de la rigueur

Le dirigeant socialiste Evangélos Vénizelos promet déjà une « grande bataille » lors du sommet européen des 28 et 29 juin pour adoucir les mesures de rigueur imposées par la troika des bailleurs de fonds: UE, BCE et FMI. La Grèce a signé un mémorandum qui décrit ces conditions par le menu afin de bénéficier d’une nouvelle aide de 130 milliards d’euros et de l’effacement de 107 milliards de dettes.

Vu l’état de délabrement de l’économie grecque, une renégociation du plan de rigueur est indispensable. Depuis le début de l’austérité début 2010, l’économie s’est contractée de 11%. Trois fois plus que ce qui était espéré. L’érosion des recettes fiscale qui en découle rend impossible la poursuite des objectifs budgétaire. Il faut donc renégocier. Reste à savoir dans quel climat.
Les leaders des trois principaux partis ont déjà affirmé qu’ils refuseront de nouvelles réductions des salaires, et qu’ils réclameront l’allègement d’une taxe controversée sur l’immobilier ainsi que des mesures pour soutenir les ménages endettés.

De leur côté, les Européens ont pour l’instant simplement entrouvert la porte à un possible prolongement de deux ans, jusqu’à fin 2016, du délai donné au pays pour atteindre l’équilibre budgétaire. De même, un étalement pourrait être envisagé jusqu’à 2016 d’un nouveau train d’économies de 11,6 milliards d’euros prévus d’ici fin 2014. Mais l’Europe et le FMI veulent auparavant juger les retards pris par le pays à tenir ses engagements depuis qu’il est entré, début avril, dans un processus électoral qui a fait se succéder deux élections en un mois et demi. Ceci augure d’une arrivée dès juillet dans la capitale grecque des représentants de la troika chargés d’enregistrer aussi bien les progrès que les dérapages des comptes publics.

Les négociations entre la Grèce et ses créanciers dépendront des conclusions de ces émissaires. Une chose est sûre, la Grèce a plus d’alliés qu’auparavant. Le secrétaire d’État allemand aux Finances, Steffan Kampeter, a ainsi estimé qu’il ne fallait pas pressurer Athènes outre mesure. Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, lui a emboité le pas jugeant qu’un aménagement du calendrier des réformes constituait « sans doute une solution » pour la Grèce. Mais il reste des irréductibles. Un porte-parole du gouvernement allemand a déclaré récemment que ce n’était pas le moment d’accorder une quelconque remise à la Grèce et que le calendrier convenu devait rester en l’état.

La Grèce est-elle tirée d’affaire ?


Certainement pas. Le gouvernement ne doit pas seulement redonner de l’air à l’économie en renégociant le pacte de rigueur. Il doit aussi trouver un nouveau modèle économique pour le pays. En effet, la Grèce ne sortira pas de l’ornière en collectant plus d’impôts. L’évasion fiscale n’est qu’un des nombreux problèmes de la Grèce, explique le journaliste blogueur Nick Malkoutzis. La productivité du pays est très insuffisante. Les entreprises publiques ne gagnent pas d’argent, ce qui les rend difficiles à vendre. Enfin, la Grèce est incapable d’exporter à grande échelle, ce qui fait qu’elle dépend énormément des importations.
Augmenter les recettes fiscales ne résoudra pas ces problèmes. Le débat sur la Grèce continue de se focaliser – à tort – sur la fraude des contribuables. Mais comme le note l’agence Fitch, la Grèce risque toujours de sortir de la zone euro, même si la probabilité d’un tel scénario a diminué. Elle pourrait même, selon le journal Kathimerini, devenir le premier pays à passer du statut de pays développé à pays émergent.

Par Sébastien Julian

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