La future mosquée géante d’Alger suscite la controverse

Le Vif

Face à sa superbe baie, Alger construit l’une des plus grandes mosquées au monde, un projet controversé censé couronner le règne du président Bouteflika et servir de rempart contre l’extrémisme.

Avec un minaret haut de 265 m, le plus élevé au monde, Djamaa El Djazair va taquiner le toit d’Alger, la colline de Bouzaréah qui culmine à 365 m.

Mais, pour l’instant, ce sont les grues qui dominent l’immense chantier de 40 hectares qui borde la voie rapide reliant Alger à l’aéroport.

Elles mènent une course contre la montre pour que la mosquée puisse ouvrir début 2017 malgré le scepticisme de nombreux experts.

Une fois terminée, la salle de prière de 20.000 m2 pourra accueillir jusqu’à 120.000 fidèles, ce qui en fera, selon ses concepteurs, le troisième lieu de culte musulman le plus important au monde derrière les immenses mosquées de La Mecque et de Médine en Arabie Saoudite.

Le site comprendra également une bibliothèque d’un million d’ouvrages, une salle de conférences, une Maison du Coran, un musée d’art et d’histoire islamique et un centre de recherche sur l’histoire de l’Algérie.

Ce vaste complexe sera enchâssé entre la Promenade des Sablettes, futur haut lieu touristique, et des quartiers populaires qui ont fourni des légions de jeunes aux groupes armés islamistes ayant plongé le pays dans la guerre civile au cours des années 1990.

‘islam modéré’

« Certains nous accusent d’avoir érigé un temple pour les intégristes », s’indigne Ahmed Madani, conseiller du ministre de l’Habitat, le maître d’ouvrage. « Au contraire, ce sont les islamistes qui sont hostiles à ce projet » qui constitue un « lieu emblématique de l’islam modéré en Algérie et va prémunir contre toutes les formes d’extrémisme », ajoute-il.

Selon lui, « l’idée de construire une mosquée emblématique de la culture algérienne et de la période d’après l’indépendance, trotte dans la tête des dirigeants algériens depuis 1962 ».

Mais, selon lui, le « rêve a commencé à se transformer en réalité » après l’arrivée à la tête de l’Etat d’Abdelaziz Bouteflika, connu comme un homme pieux, captivé par le soufisme et l’art et la civilisation musulmane.

L’Algérie compte déjà plus de 30.000 mosquées de proximité dans les quartiers et les villages.

Djamaa El Djazaîr « ne sera pas uniquement un lieu de culte. Elle sera un lieu où les liens entre la foi, la culture et la science seront renforcés avec sa bibliothèque ultra-moderne et la Maison du Coran ouverte à quelques 300 étudiants », souligne encore M. Madani.

Coût ‘faramineux’

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Pourtant, la « mosquée Bouteflika » comme elle est surnommée ne suscite pas que des louanges. Son coût initial de 1,2 milliard d’euros est jugé « faramineux » en période de disette budgétaire et de raréfaction des devises. Un tel montant permettrait de construire de nombreux hôpitaux dans un pays en manque d’infrastructures de santé, jugent des internautes.

Ce prix risque encore d’augmenter si les délais ne sont pas respectés.

Lancé en mai 2012 en plein boom pétrolier et confié à une société chinoise, le chantier doit être livré début 2017, affirme le ministre de l’Habitat, Abdeladjid Tebboune, qui se rend sur les lieux une fois par semaine.

Cet objectif est « intenable » pour de nombreux experts interrogés par l’AFP. Car « le gros oeuvre est loin d’être terminé » et « les finitions prendront encore beaucoup de temps », estime un architecte, en citant les installations techniques, les revêtements des murs, les sculptures, les décorations et les calligraphies.

La mosquée sera en outre dotée de panneaux solaires et d’un système de récupération des eaux de pluie servant aux sanitaires et à l’arrosage des jardins.

Des experts s’inquiètent par ailleurs des risques liés à d’éventuels tremblements de terre dans une zone fortement exposée.

Le Pr Abdelakrim Chelghoum, expert en génie parasismique, a ainsi mis en garde les autorités sur le risque d’effondrement de l’édifice en cas de séisme majeur.

Il affirme que les études réalisées par un bureau d’études allemand sous-estiment la menace pour un ouvrage d’une telle importance, en particulier pour le minaret et la salle de prière de 150 mètres de côté sans poteaux intermédiaires.

Ces critiques sont balayées par les autorités. La mosquée « a été construite selon un système antisismique en mesure d’absorber de fortes secousses telluriques », assure M. Madani. « Il s’agit d’amortisseurs sismiques capables d’abaisser la magnitude d’un séisme de 9 à 3,5 » sur l’échelle de Richter.

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