« La France a peut-être déniché en François Fillon le meilleur rempart contre l’extrême droite »

François Fillon, vainqueur du premier tour de la primaire de la droite et du centre, incarne probablement le rempart le plus sérieux contre l’extrême droite et Marine Le Pen. Le programme de l’ex-Premier ministre peut certes inquiéter, mais cette stratégie semble la plus efficace, pour barrer, au printemps prochain, la route aux extrémistes.

L’air de rien, la primaire de la droite et du centre en France a déjoué tous les pronostics alarmants que l’on formule aujourd’hui à propos de la démocratie occidentale. La défiance à l’égard de la classe politique ? Les succès d’audience des débats télévisés entre les sept candidats et la forte participation lors du premier tour ont illustré l’engouement pour ce mode de sélection qui s’installe comme un plus – à droite, à gauche, chez les écologistes – sur la scène politique française. En comparaison, les batailles d’appareils et l’absence de concurrence ringardisent la gauche radicale et l’extrême droite.

La tentation populiste ? La bonne – à défaut de haute – tenue de la campagne pour la primaire, singulièrement lors des joutes télévisées, a démontré non seulement que la confrontation politique peut se passer des slogans, des anathèmes et des injures – une leçon adressée aux Américains – mais aussi que l’expression de convictions peut encore faire bouger les lignes. C’est sans doute parce ce qu’il s’y était le mieux préparé que François Fillon a finalement émergé. A contrario, le candidat aux accents les plus populistes parmi les favoris, Nicolas Sarkozy, n’a pas réussi, faute de propositions crédibles de changement, à convaincre au-delà de son réservoir d’aficionados.

Le discours post-vérité ? Cette stratégie, si éhontément développée par Donald Trump au point d’inquiéter jusqu’à son propre camp, érige le mensonge délibéré en argument de séduction électorale. Or, s’il y a un candidat à la primaire de la droite française qui a bâti sa réputation sur un discours de vérité quant aux efforts qu’il demandera à ses concitoyens une fois élu, c’est bien le vainqueur du premier round, François Fillon. Et Alain Juppé, son dauphin, n’est pas connu pour faire dans la gaudriole programmatique.

Ces bonnes nouvelles de France rassurent quelque peu sur l’avenir de la démocratie après la gueule de bois post-présidentielle américaine. D’autant que, si une nouvelle surprise ne scelle pas l’issue du second tour de la primaire ce dimanche 27 novembre, la France a peut-être déniché en François Fillon, plus qu’en Alain Juppé et en Nicolas Sarkozy, le meilleur rempart contre l’extrême droite et Marine le Pen. On peut certes s’inquiéter de son programme économique thatchérien et de sa proximité avec les radicaux catholiques de la Manif pour tous. Mais là réside sans doute la stratégie la plus efficace pour barrer, au printemps prochain, la route aux extrémistes.

Avec la répétition d’un duel Sarkozy-Hollande, la France, à l’image des Etats-Unis, se dirigeait plus vers un vote de rejet que vers un vote d’espoir. L’émergence de  » nouvelles  » personnalités change le paradigme de la campagne : François Fillon, Emmanuel Macron, même si l’un et l’autre devront justifier l’incohérence entre leur passé gouvernemental et leur prétention au renouveau, voire Manuel Valls, si François Hollande a la sagesse de renoncer… Dans une récente chronique, le philosophe Roger-Pol Droit met en exergue l’accélération de la volatilité électorale dans le temps (on se décide de plus en plus au dernier moment) comme dans le choix (on change plus aisément de candidat). Il l’explique par le constat que  » ce sont de plus en plus des émotions, des impressions immédiates, des images frappantes qui emportent in extremis la décision des électeurs. Par conséquent, ce ne sont plus prioritairement les programmes qui comptent. D’autant que le rejet prédomine sur l’adhésion « . Et si les Français démentaient aussi cette prédiction le 7 mai 2017 ?