Arrivé au Congo en 1997, Dan Gertler est considéré comme le grand argentier de Kabila. © Simon Dawson/getty images

La fortune de Kabila est-elle menacée ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Les flux financiers vers Dubaï sont mieux surveillés. Des hommes d’affaires liés au régime ont été épinglés par Washington et Londres. De quoi inquiéter le clan du président, qui a amassé une immense fortune ?

Du règne de Mobutu à celui de Joseph Kabila, le pouvoir et l’argent ont toujours fait bon ménage au Congo. Selon nos sources dans le milieu des affaires à Kinshasa, le président sortant, qui a annoncé son intention de ne pas briguer un troisième mandat, serait surtout préoccupé, aujourd’hui, par le sort, une fois qu’il aura quitté le pouvoir, de sa fortune et des intérêts financiers de son clan.

La dernière enquête de l’agence Bloomberg, fondée sur des entretiens et des documents judiciaires, signale que l’empire familial a acquis des centaines de millions de dollars. Il serait présent dans le capital de quelque 70 entreprises. Il contrôlerait des permis d’exploitation d’or, de diamant, de cuivre, de cobalt et autres minerais, posséderait des dizaines de milliers d’hectares de terres, et s’étendrait aux secteurs douanier, pharmaceutique, bancaire, pétrolier, agricole, de la construction de routes, de l’hôtellerie, des boîtes de nuit. Si le nom de Joseph Kabila n’apparaît que dans deux sociétés, ceux de ses proches et de ses frères et soeurs – Zoé et Jaynet en tête -se retrouvent dans plusieurs groupes.

Régulation des flux

L’argent étant  » le nerf de la guerre « , la rente permet au régime de verrouiller le système politique, de contrôler l’appareil sécuritaire, de financer la répression des opposants, d’acheter des alliances politiques, de susciter des dissidences au sein des partis d’opposition…  » Toutefois, les décisions arbitraires du pouvoir en matière d’accès aux métaux stratégiques congolais ont fini par indisposer certains investisseurs anglo-saxons et chinois, glisse un patron d’entreprise présent de longue date au Congo. Des deals ont été remis en cause et les sources de revenus ont été de plus en plus concentrées dans quelques mains. Pas étonnant dès lors que le régime ait perdu certains de ses soutiens !  »

Un businessman actif en Afrique centrale signale que Kabila a beaucoup investi en Tanzanie.  » Mais les mesures internationales de vigilance accrue sur les flux financiers dont l’origine ou la destination pourrait être délictueuse sont une source d’embarras pour le président congolais, assure-t-il. Sous pression américaine, Dubaï accepte désormais d’échanger des informations. Ce n’est plus une place forte sûre pour un autocrate enrichi. Des enquêtes consacrées aux blanchiments d’argent présumés sur le marché de l’immobilier de l’émirat, où l’anonymat et le secret ont jusqu’ici été la règle, défraient la chronique.  »

Dan Gertler sanctionné

Par ailleurs, les Etats-Unis ont infligé, en décembre dernier, une sanction économique à l’homme d’affaires israélien controversé Dan Gertler, étroitement lié au président Kabila, dont il est le grand argentier. De même, la justice américaine et l’autorité anticorruption britannique visent les activités congolaises du géant suisse du négoce Glencore, dirigé par le milliardaire sud-africain Ivan Glasenberg.

Commentaire d’un homme d’affaires à Kinshasa :  » Kabila doit se dire que si Washington et Londres s’en prennent, dans le cadre de lois anticorruption et antiblanchiment d’argent, à d’aussi gros poissons liés à son régime, lui-même n’est pas à l’abri d’une mise en cause.  » A-t-il accepté de renoncer à se représenter à l’élection présidentielle en échange d’une garantie d’impunité ?  » C’est une hypothèse plausible, répond notre source. Seule certitude : ses  » amis  » politiques congolais, eux, perdront beaucoup en cas d’effondrement du régime.  »

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