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La Corée du Nord confirme un 3e essai nucléaire, Obama dénonce une provocation

Le Vif

La Corée du Nord a confirmé avoir procédé mardi à un troisième essai nucléaire, « avec succès », et a utilisé cette fois un engin miniaturisé, une opération qu’elle a présentée comme une réponse à « l’hostilité » des Etats-Unis.

« Un troisième essai nucléaire a été mené avec succès », a annoncé l’agence officielle KCNA. « Ce test nucléaire de haut niveau, avait, contrairement à ceux du passé, plus de puissance explosive et a utilisé un engin miniaturisé et plus léger », a précisé KCNA.

L’utilisation d’un engin miniaturisé est source d’inquiétude pour les puissances internationales, car elle laisse entendre que Pyongyang maîtrise désormais la délicate technologie permettant de fabriquer une bombe suffisamment petite pour être fixée sur une ogive. Jusqu’à présent, l’incertitude demeurait sur la capacité du régime communiste à développer une tête nucléaire pour missile à longue portée.

Si Pyongyang est effectivement parvenu à mettre au point une bombe miniaturisée, la donne serait radicalement changée. D’autant que le Nord a réussi début décembre à envoyer dans l’espace une fusée, progrès significatif dans sa technologie balistique.

« Le test nucléaire a été mené dans le cadre de mesures visant à protéger notre sécurité nationale et souveraineté contre l’hostilité incessante des Etats-Unis, qui ont violé le droit de notre république à mener des lancements pacifiques de satellite », a ajouté KCNA.

La secousse, dont la magnitude a été estimée entre 4,9 et 5,1, s’est produite à 11H57 heure locale (02H57 GMT) et son épicentre était dans la région de Kilju (nord-est), où se trouve le site de Punggye-ri utilisé pour les tests nucléaires. Séoul a estimé à entre six et sept kilotonnes la puissance de l’explosion dégagée.

La Corée du Nord a procédé à cet essai nucléaire malgré un « ferme avertissement » de son allié chinois, a par ailleurs indiqué lundi soir un diplomate à l’ONU.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a pour sa part condamné l’essai nucléaire nord-coréen qui est « profondément déstabilisateur », a annoncé mardi son porte-parole. « C’est une violation claire et grave des résolutions du Conseil de sécurité;  »

L’organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO) a quant à lui qualifié l’explosion comme identique aux précédents essais nucléaires nord-coréens et « une menace claire pour la paix et la sécurité internationale ».

Obama appelle à une action « crédible »

Le président américain Barack Obama a dénoncé mardi l’essai nucléaire « provocateur » mené par la Corée du Nord qui ne rend pas le pays « plus sûr » et appelé à une action internationale « rapide » et « crédible » de la communauté internationale. Londres souhaite également une « réponse forte » du Conseil de sécurité de l’ONU.

« Les Etats-Unis continueront également de prendre les mesures nécessaires pour se défendre ainsi que nos alliés. Nous allons renforcer l’étroite coordination avec nos alliés et partenaires », dit-il dans un communiqué.

« Ces provocations ne rendent pas la Corée du Nord plus sûre », dénonce M. Obama, répondant à Pyongyang qui a dit avoir procédé à un troisième essai nucléaire « avec succès » dont le but était de « protéger la sécurité nationale et (la) souveraineté » du pays « contre l’hostilité continue des Etats-Unis ».

« Loin d’atteindre le but affiché de devenir un pays fort et prospère, la Corée du Nord s’est au contraire de plus en plus isolée et a appauvri son peuple en recherchant à mauvais escient à se doter d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs », ajoute le président américain.

Selon lui, cet acte « hautement provocateur » effectué après le tir d’un missile balistique le 12 décembre mine la stabilité régionale et viole les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le Conseil se réunira en urgence mardi matin à 09H00 (14H00 GMT) pour examiner la manière de réagir à cet essai, selon un diplomate onusien. Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a également condamné le nouvel essai nucléaire, le qualifiant d' »extrêmement regrettable » et violant « une série de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU ».

L’alliance Pékin-Pyongyang sur le gril

Défi frontal à la communauté internationale, le nouvel essai nucléaire de la Corée du Nord va forcer une Chine au bord de l’humiliation à louvoyer plus que jamais entre sa solidarité avec son allié historique et les sanctions exigées à l’ONU, estiment les analystes.

Malgré de fermes avertissements de Pékin par voie de presse, et vraisemblablement entre les deux directions communistes, mais sans publicité, Pyongyang a procédé mardi « avec succès » à son troisième essai nucléaire, a annoncé l’agence officielle KCNA, alors que la Chine entière est à l’arrêt pour les fêtes du Nouvel an.

Aucune réaction officielle chinoise n’était encore rendue publique, mais Pékin avait prévenu Pyongyang via un éditorial de la presse officielle la semaine dernière qu’en cas de nouveau test, il devrait en « payer le prix fort », allant jusqu’à invoquer le mot tabou de « rupture » entre les deux alliés et la réduction de l’aide chinoise, vitale pour l’économie exsangue de la Corée du Nord.

Officiellement, la diplomatie chinoise s’est bornée jusque-là à souhaiter que « toutes les parties concernées conservent leur calme et restent mesurées ».

Au Conseil de sécurité de l’ONU convoqué mardi, Pékin devrait, comme en janvier, joindre sa voix au concert attendu de condamnations.

Mais au-delà des mots, et comme pour les deux précédents essais nucléaires et les tirs balistiques nord-coréens, la question va être de savoir jusqu’où la Chine est prête à aller dans les sanctions. « Je pense que la Chine est très en colère contre ce test », a déclaré mardi Stephanie Kleine-Ahlbrandt, directrice à Pékin pour l’Asie du Nord-Est de l’International Crisis Group.

Mais, tout en s’attendant à des « réactions plus fortes » que son prédécesseur Hu Jintao de la part du nouveau chef du PC chinois (PCC), Xi Jinping, cette analyste prévoit qu' »on ne saura pas nécessairement ce qu’il en est des mesures punitives de la Chine. Elles ne dissuaderont pas forcément la Corée du Nord, car la Chine n’est disposée à aller que jusqu’à un certain point ». « Leur préoccupation première, c’est la stabilité de la Corée du Nord », souligne-t-elle.

Indéfectible, le soutien chinois à Pyongyang, qui n’a pourtant jamais été mis à si rude épreuve, se fonde sur la hantise de Pékin de voir s’écrouler le régime de Kim Jong-Un sous l’effet de sanctions internationales draconiennes.

Un scénario dont la direction chinoise ne veut à aucun prix, car il se solderait par un renforcement de la présence militaire américaine dans la région dans le cadre d’une Corée réunifiée sous la bannière de Séoul.

La survie économique du régime, affecté de famines chroniques, est entre les mains de la Chine, notamment sur le plan énergétique. Après le tir d’un engin balistique en décembre par la Corée du Nord, la Chine n’avait voté les nouvelles sanctions en janvier qu’après une longue bataille pour en atténuer la portée.

De même, après le second essai nucléaire de Pyongyang en 2009. Et aucune sanction unilatérale chinoise n’a été rendue publique. En 2006, Pékin avait réduit ses fournitures de pétrole à Pyongyang deux mois après le tir d’un missile balistique et un mois avant son premier test nucléaire. Le geste n’avait été rendu public que des mois plus tard, au détour de révélations de chiffres du commerce bilatéral avec Pyongyang.

Wang Dong, expert chinois de l’Asie du Nord-Est à l’Université de Pékin, compare le comportement de la Corée du Nord avec Pékin à certains des alliés de Washington durant la guerre froide: « Vous aviez alors de petits pays alliés qui se comportaient de façon très dangereuse, agressive et provocatrice, au risque d’entraîner les Etats-Unis dans un conflit dont ils ne voulaient pas », a-t-il déclaré à l’AFP. « La Chine est dans un dilemme très similaire ».

Selon lui, Pékin répondra au défi de Pyongyang par des mesures limitées, peut-être en réduisant son aide financière, et sans en faire de publicité, pour éviter une humiliation publique à son allié. « La face est quelque chose qui doit absolument être pris en considération dans les relations internationales en Asie », rappelle M. Wang.

Mais devant l’intransigeance de Pyongyang, le soutien constant de la Chine à ce régime suscite désormais un vif débat parmi les analystes chinois, de plus en plus nombreux à considérer que la solidarité chinoise génère plus d’ennuis que d’avantages.

L’Iran désapprouve l’essai nord-coréen

L’Iran a désapprouvé mardi le troisième essai nucléaire effectué par la Corée du nord, estimant qu' »aucun pays » ne devait posséder d’arme atomique.

« Nous devons arriver au point où aucun pays ne possède d’arme nucléaire et où toutes les armes atomiques et de destruction massive sont détruites » a déclaré le porte-parole de la diplomatie iranienne, Ramin Mehmanparast.

« Dans le même temps, tous les pays doivent avoir le droit à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire », a ajouté M. Mehmanaparast lors d’une conférence de presse.

L’Iran, accusé par les Occidentaux de chercher à fabriquer l’arme atomique malgré ses dénégations, réclame un « mouvement général pour un désarmement nucléaire total » et appelle les grandes puissances nucléaires à « créer un climat dans lequel aucun pays ne cherchera à posséder des armes atomiques », a ajouté le porte-parole.

L’explosion détectée mardi était « d’une amplitude de 4,9 sur l’échelle de Richter », a par ailleurs précisé l’agence de contrôle des essais nucléaires CTBTO de l’Organisation des Nations Unies (ONU), basée à Vienne.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a pour sa part qualifié de « profondément regrettable » et de « une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité » des Nations unies le nouvel essai nucléaire de la Corée du Nord.

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