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La condamnation des Pussy Riot place la Russie au centre de toutes les critiques

Les grandes capitales occidentales ont toutes condamné la décision de condamner à deux ans de camp les membres du groupe de punk Pussy Riot. L’opinion publique russe a l’air aussi réservé.

La Russie faisait face samedi à une volée de critiques après la condamnation la veille à deux ans de camp des trois jeunes femmes du groupe de punk rock russe Pussy Riot, une peine qui pourrait toutefois être adoucie en appel, selon certains observateurs. A l’étranger, la peine prononcée à l’encontre de Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, pour avoir chanté en février une « prière punk » anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, a aussitôt été jugée sévèrement.

De Washington à Berlin en passant par Paris ou Bruxelles, la sentence a été dénoncée comme étant « disproportionnée ». Le département d’Etat américain s’est dit « préoccupé » par « l’impact négatif sur la liberté d’expression en Russie ». Paris a également fustigé une sentence « particulièrement disproportionnée », notant toutefois que « la procédure n’est pas terminée, les voies de recours en Russie et à Strasbourg n’ayant pas été épuisées ».
Pour sa part, la chancelière allemande Angela Merkel a critiqué une peine de prison « démesurée » qui « n’est pas en harmonie avec les valeurs européennes d’Etat de droit et de démocratie pour lesquelles la Russie s’est prononcée en tant que membre du Conseil de l’Europe ». Londres a réagi à l’unisson des capitales européennes, estimant que « le verdict met en cause l’engagement de la Russie à protéger ces droits fondamentaux et les libertés ».

Moscou contre-attaque

Face à ce tollé, le ministère russe des Affaires étrangères a rétorqué samedi dans un communiqué que le code pénal en Allemagne prévoyait que « les délits effectués contre la religion et les opinions, y compris les actes de hooliganisme dans les lieux de prière, sont punis d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans ou d’une amende ». « L’article 189 du code pénal d’Autriche prévoit pour les actes de hooliganisme dans les église, offensant la morale une condamnation de prison allant jusqu’à six mois ou une amende pouvant atteindre 360 jours de salaire », ajoute la diplomatie russe.

« Deux ans, c’est vraiment beaucoup »

En Russie, les opinions sont partagées. « La peine qui divise la société: deux ans de camp », titre samedi le quotidien populaire Moskovski Komsomolets. Selon un sondage interactif effectué par la radio indépendante Echo de Moscou, 77% des auditeurs estiment qu' »il n’est pas possible d’être d’accord » avec la condamnation. « Deux ans, c’est vraiment beaucoup », écrit de son côté Komsomolskaïa Pravda, qui entrevoit toutefois une issue plus favorable pour les jeunes femmes dans le futur: « On a le sentiment que le tribunal de Moscou, après le pourvoi en cassation des avocats ne laissera qu’un an (de camp) et rendra la liberté à ces sottes, pour retrouver leurs enfants et leurs proches », ajoute toutefois le journal.

Portrait des Pussy Riot

Elles sont trois, elles sont Russes, elles sont punks – et elles viennent d’être condamnées à passer deux ans dans les camps. Les jeunes femmes membre du groupe Pussy Riot ont été déclarées coupables de hooliganisme ce vendredi après leur coup d’éclat anti-Poutine dans une cathédrale moscovite. Portraits-express.

Nadejda Tolokonnikova, la philosophe survoltée

A 22 ans, Nadejda Tolokonnikova est déjà mariée et mère d’une petite fille de 4 ans. Elle a aussi une belle carrière de militante derrière elle. Elle est membre, avec son époux, du groupe d’art contestataire Voïna (La guerre). En 2008, alors qu’elle allait bientôt accoucher, elle participe à une performance artistique dans un musée avec son mari en simulant une partouze. Leur but: protester contre l’élection de Medvedv à la présidence. L’an dernier, elle a aussi participé à la réalisation d’un dessin géant de phallus à sur un pont de Saint-Pétersbourg… face aux bureaux du FSB, l’ancien KGB. Cette étudiante en philo à la prestigieuse université d’Etat de Moscou est également engagée pour la cause des homosexuels, qui ont la vie dure en Russie. La jolie brune est dépeinte, selon The Guardian, comme le « cerveau » des Pussy Riot qui sont pour elle, « les élèves et les descendants des dissidents ».

Maria Alekhina, la grande gueule

Maria Alekhina, âgée de 24 ans, se distingue par son engagement dans la cause écolo. Membre de Greenpeace, elle a notamment activement participé à la défense du lac Baïkal en Sibérie et au mouvement de protestation contre la construction d’une autoroute entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Maria, qui élève seule un petit garçon de 5 ans, est également bénévole dans un hôpital psychiatrique pour enfants. Au sein des Pussy Riot, cette étudiante en journalisme férue de poésie, fait figure de porte-parole. Lors de son procès, elle s’est fait remarquer pour sa verve et a questionné de façon très approfondie les témoins, raconte The Guardian. Tandis que ses co-accusée plaidaient non-coupable, elle a déclaré à plusieurs reprises qu’elle ne comprenait pas les chefs d’accusation. Le 21 février dernier, la militante de religion orthodoxe a fait quelques génuflexions et signes de croix, en compagnie de ses acolytes avant d’entonner leur prière anti-Poutine. Autant d’éléments choquants pour de nombreux croyants.

Ekaterina Samoutsevitch, la doyenne

Elle aura fêté son trentième anniversaire en prison. A première vue, le parcours d’Ekaterina Samoutsevitch, laisse penser qu’elle est plus sage que ses amies. Diplômée de l’Institut de l’Energie de Moscou, elle a travaillé comme informaticienne en participant notamment à la mise au point de logiciels pour le sous-marin nucléaire Nerpa. En 2007, elle quitte son travail pour faire une école de photographie et de multimédia. Comme sa meilleure amie Nadejda, est membre du groupe Voïna. Elle a participé à tous les happenings du mouvement, du jet de cancrelats dans les locaux d’un tribunal à Moscou en 2010 en passant par les baisers aux policières dans le métro moscovite l’année suivante. Pas si sage, finalement.

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