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La Chine riposte à la surtaxe européenne de ses panneaux solaires

Le Vif

La Commission européenne a décidé mardi à l’unanimité d’imposer des surtaxes anti-dumping provisoires et progressives aux panneaux solaires chinois, a annoncé le commissaire européen au commerce, Karel De Gucht. Il espère que des négociations avec Pékin permettront d’éviter l’escalade.

La Commission accuse les producteurs chinois d’inonder le marché de panneaux excédentaires vendus à prix soldé. Elle estime que les panneaux photovoltaïques chinois se taillent désormais 80% du marché européen, où ils seraient vendus à un prix de 88% inférieur au prix juste.

« Ils produisent simplement de trop », a lancé M. De Gucht lors d’une conférence de presse, estimant que l’offre chinoise représentait une fois et demi la demande mondiale. Ce dumping menacerait au moins 25.000 emplois en Europe.

Concrètement, la Commission a opté pour des mesures graduelles. A partir du 6 juin, des taxes de 11,8% seront imposées. Elles seront multipliées par quatre (à 47,6%) deux mois plus tard, à moins qu’un accord intervienne. Pour éviter l’escalade, les producteurs chinois sont invités à offrir des engagements sur leurs prix et sur les quantités exportées en Europe.

En cas de désaccord persistant, les surtaxes seront réexaminées par les Etats membres de l’UE après une période de 6 mois (soit le 6 décembre). Il s’agira alors d’approuver un régime « définitif » de droits anti-dumping, pour une période de cinq ans.

La décision risque de susciter la controverse. Une grande partie de l’industrie européenne, notamment les secteurs chimique et aéronautique, craint en effet les représailles chinoises. Tout le secteur des installateurs de panneaux veut également continuer de profiter des panneaux solaires bon marché. Ces craintes ont trouvé un écho dans de nombreuses capitales, où l’on se montre très prudent vis-à-vis de la Chine.

La menace ne semble pas effrayer le commissaire De Gucht. « Je ne pense pas que les politiques européennes devraient être inspirées par la peur », a-t-il souligné.

Il s’est également défendu de tout protectionnisme. Cette accusation « est fausse et trompeuse », a-t-il affirmé. « Même si, à première vue, une offre peu chère et abondante (de panneaux solaires) peut sembler attrayante », elle risque de « détruire l’industrie » européenne, a-t-il prévenu.

La Chine lance une enquête sur les vins européens

Pour riposter, la Chine a annoncé mercredi lancer une enquête antidumping sur les vins importés de l’Union européenne. « Le gouvernement chinois a lancé une procédure antidumping et anti-subventions visant les vins de l’Union européenne », a indiqué dans un communiqué le ministère chinois du Commerce.

Pékin a déjà répliqué par des mesures visant des produits européens après que l’Europe eut décidé d’enquêtes ou de taxes visant des sociétés ou des produits chinois.

Quelques heures plus tôt, l’agence de presse officielle Chine nouvelle avait prévenu que les taxes « punitives » annoncées par l’Union européenne n’étaient « pas susceptibles d’inciter à une réponse amicale de la Chine ».

La décision de la Commission européenne risque de faire « dérailler » les relations commerciales entre la Chine et l’Union européenne, a même affirmé l’agence d’Etat.

Ecolo : « un premier pas dans la bonne direction »

La décision de la Commission européenne d’imposer des surtaxes anti-dumping sur les panneaux solaires chinois est un premier pas dans la bonne direction, même s’il est tardif, réagit mardi soir la co-présidente d’Ecolo Emily Hoyos dans un communiqué.

« Face au libre échange des bas salaires et de la pollution, il était urgent que l’Europe se décide à protéger son industrie et ses travailleurs de la concurrence déloyale des pays qui bradent les standards sociaux et environnementaux internationaux », estime-t-elle.

Ce premier pas timide de la Commission devra être rapidement élargi à d’autres produits européens également sous pression de pays low cost, poursuit la co-présidente d’Ecolo. Son parti avait déposé il y a plusieurs mois des résolutions aux parlement fédéral, bruxellois et wallon demandant l’instauration de droits de douane sociaux et environnementaux aux frontières de l’Europe.

La Commission européenne fait une « grave erreur » avec la Chine, selon Berlin

Le ministre allemand de l’Economie, Philipp Rösler, a qualifié de « grave erreur » la décision de la Commission européenne de taxer provisoirement les importations de panneaux solaires chinois.

« L’Allemagne a toujours clairement dit que nous, le gouvernement, privilégions le dialogue et non la confrontation », a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision allemande ARD.

L’objectif devrait être « d’empêcher dans tous les cas une guerre commerciale, qui s’étendrait à bien davantage de secteurs que le seul secteur du photovoltaïque », a-t-il ajouté.

En recevant à Berlin fin mai le Premier ministre chinois Li Keqiang, la chancelière allemande Angela Merkel avait déclaré vouloir faire « tout pour trouver une solution par la discussion ». « Les opposants à des taxes douanières ont eu deux années pour trouver une solution au problème », a réagi le vice-président du groupe parlementaire d’opposition social-démocrate, Ulrich Kelber, sur le site internet du quotidien économique Handelsblatt.

Le responsable SPD se réjouit au contraire de la décision de Bruxelles, estimant « qu’elle devait réagir » au « dumping » de la Chine. L’Allemagne compte quelque 10.000 entreprises dans le secteur solaire, qui emploient au total 120.000 personnes. Mais sur ce nombre, seules 350 sont des producteurs de panneaux, les autres sont plutôt des revendeurs ou des installateurs qui profitent des panneaux chinois bon marché.

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