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L’UE accentue la pression sur la Hongrie, Orban rejette des « préjugés »

Le Vif

La Commission européenne a haussé le ton mercredi face à la Hongrie en ouvrant une procédure d’infraction contre sa loi sur les universités étrangères, l’une des initiatives qui font craindre à Bruxelles une dérive autoritaire du gouvernement de Viktor Orban.

Quelques heures après cette annonce, le Premier ministre hongrois est venu se défendre en personne à Bruxelles, rejetant les « préjugés » à l’égard de son pays et qualifiant d' »absurde » l’idée d’une menace pesant sur l’Université d’Europe centrale (CEU), fondée en Hongrie par le milliardaire américain George Soros.

Dans un discours devant les eurodéputés, M. Orban s’en est pris à l’homme d’affaires d’origine hongroise, sa bête noire, l’accusant d' »attaquer la Hongrie » et d’avoir « détruit des millions de vies d’Européens » par la spéculation financière. Il a reproché à Bruxelles de l’accueillir « à bras ouverts ».

M. Soros doit être reçu jeudi par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui a estimé mercredi que le droit européen était bafoué par la nouvelle loi hongroise sur les universités étrangères, perçue comme une attaque contre la réputée CEU.

« Nous avons décidé de lancer des mesures légales sur la loi sur les universités en envoyant une lettre de mise en demeure au gouvernement hongrois », a indiqué Valdis Dombrovskis, l’un des vice-présidents de l’exécutif européen, lors d’une conférence de presse.

Cette lettre constitue la première étape des procédures d’infraction européennes, qui peuvent aboutir à une saisine de la Cour de justice de l’UE et le cas échéant à de lourdes sanctions financières quand un pays ne respecte pas un arrêt de cette Cour. Les autorités hongroises disposent désormais d’un mois pour répondre formellement sur le plan juridique.

‘Contre-vérités’

La loi visée, ainsi qu’un projet de renforcement du contrôle sur les ONG en Hongrie, ont soulevé une forte inquiétude en Europe. Elles ont aussi déclenché le plus important mouvement de protestation dans le pays contre le gouvernement Orban depuis son élection en 2010, avec de nombreuses manifestations dans la capitale.

Mi-avril, la Commission avait estimé qu’il n’existait pour l’heure « pas de menace systémique pour l’Etat de droit en Hongrie », excluant de déclencher à ce stade la même procédure que celle visant Varsovie et ses réformes contestées de la justice constitutionnelle, qui peut aboutir à une suspension des droits de vote d’un pays au sein de l’UE.

Mais elle avait aussi indiqué qu’elle envisageait des procédures d’infraction, plus courantes. C’est désormais chose faite pour la loi sur les universités, et d’autres procédures pourraient suivre dans plusieurs autres domaines.

« La nouvelle loi sur l’asile adoptée fin mars a soulevé de sérieux doutes sur sa compatibilité avec le droit européen », a souligné mercredi devant le Parlement européen le premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, en référence à un texte prévoyant la détention systématique des migrants en Hongrie.

M. Timmermans a également cité le projet de loi sur les ONG et la législation concernant la protection des femmes enceintes qui travaillent.

Le responsable européen a aussi déploré les « contre-vérités » énumérées dans une consultation « Stop-Bruxelles » que les autorités hongroises ont récemment adressée à tous les foyers du pays, pour recueillir leur avis sur la manière de s’opposer aux institutions européennes.

‘Privilèges’

M. Orban s’est de son côté défendu pied à pied devant le Parlement européen. « Cette allégation n’est absolument pas fondée, c’est absurde », a-t-il notamment réagi face aux critiques de la loi sur les universités.

« C’est comme si on accusait quelqu’un de meurtre et que la victime était toujours vivante », a-t-il poursuivi, assurant que cette loi, visant « à mettre fin aux privilèges » de certaines universités, s’appliquait à tous les établissements étrangers en Hongrie, sans cibler celui fondé par M. Soros.

La nouvelle législation prévoit notamment de priver de licence les instituts d’enseignement étrangers qui ne disposent pas de campus dans leur pays d’origine.

« La Hongrie et le gouvernement hongrois sont tout à fait engagés dans l’UE, ceci est indéniable », s’est défendu le Premier ministre hongrois, dont l’attitude provocatrice envers Bruxelles embarrasse sa famille politique, le Parti populaire européen (PPE, droite). Le Fidesz, la formation de M. Orban, en est membre.

Mais « nous sommes mécontents quant au fonctionnement de l’UE », a-t-il dit, expliquant que toutes ses critiques visaient à « corriger les erreurs » de l’Union.

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