Mohammed Ben Salman, à 32 ans, tente de changer l'image de l'Arabie saoudite. © AFP

L’offensive de charme du prince héritier saoudien à l’étranger

Le Vif

Mohammed ben Salmane a entamé il y a un mois sa première tournée à l’étranger en tant que prince héritier d’Arabie saoudite. Portrait.

Jeudi, l’Elysée a indiqué que le prince héritier dînerait avec le président Emmanuel Macron, afin de nouer un « nouveau partenariat stratégique franco-saoudien ».

Nommé prince héritier en juin 2017 par son père le roi Salmane, « MBS » a engagé de vastes réformes dans le cadre d’un plan appelé « Vision 2030 » visant à bâtir une économie moins dépendante du pétrole.

L’ascension fulgurante du prince Mohammed ben Salmane depuis 2015 en Arabie saoudite a été marquée par une volonté de réformes derrière laquelle se cache une main de fer.

Son père, le roi Salmane, 82 ans, le suit sur quasiment tous les dossiers et, à 32 ans, celui qu’on surnomme MBS est sans aucun doute l’homme fort du royaume.

Le prince héritier s’est donné pour missions de restructurer l’économie, trop dépendante du pétrole, et de réformer en profondeur la société, dominée par un fort conservatisme et une vision rigoriste de l’islam.

Il n’a pas hésité à ordonner des centaines d’arrestations dans les milieux religieux, intellectuels, économiques et même au sein de la famille royale, des mesures qualifiées de « modernisation de l’autoritarisme » par Stéphane Lacroix, spécialiste de l’Arabie saoudite.

Né le 31 août 1985, l’homme à la barbe noire et à la calvitie naissante assure travailler 16 heures par jour et dit que sa mère l’a élevé de façon stricte.

« C’est une machine intellectuelle, il est vraiment dans la stratégie », dit un responsable occidental. Il est « parfois impulsif » et, quand il évoque ses projets, « il s’enflamme », ajoute-t-il sous couvert de l’anonymat. Réformateur pressé, il n’est pas partisan de la polygamie en vigueur dans son pays.

Mohammed ben Salmane a déjà ouvert plusieurs chantiers de réformes qui constituent le plus grand bouleversement culturel et économique de l’histoire moderne de cette pétromonarchie du Golfe où la moitié des 31 millions d’habitants a moins de 25 ans.

Il a promis une Arabie « modérée et tolérante », en rupture avec l’image d’un pays longtemps considéré comme l’exportateur d’un islam radical.

– « Pouvoir extraordinaire » –

Cette vision réformiste a connu un début de concrétisation: les femmes ont obtenu l’autorisation de conduire à partir de juin 2018. Des Saoudiennes ont célébré la fête nationale mêlées aux hommes et elles ont pu assister à des matches de football. L’accent a aussi été mis sur le divertissement avec les premiers concerts occidentaux et l’ouverture prochaine de salles de cinéma. Le prince a montré qu’il pouvait agir brutalement contre ceux qui lui résistent, notent des experts.

Le 21 juin 2017, il a écarté, avec l’aide de son père, un cousin, le prince Mohammed ben Nayef, puissant ministre de l’Intérieur, pour prendre sa place comme héritier du trône.

En novembre 2017, après la création d’une « commission anticorruption » dont il a pris la tête, quelque 200 personnalités (princes, ministres, ex-ministres, hommes d’affaires) ont été arrêtées dans une purge sans précédent. En septembre 2017, des rafles avaient visé des religieux antiaméricains, ainsi que des intellectuels.

Mohammed ben Salmane a réussi à s’octroyer « un pouvoir et une influence extraordinaires en très peu de temps », a relevé Frederic Wehrey de l’institut Carnegie Endowment for International Peace à Washington.

Avant d’être nommé prince héritier, il était vice-prince héritier depuis 2015 et, à ce titre, il avait parrainé le plan « Vision 2030 » visant à diversifier l’économie.

Ce programme, annoncé en plein marasme économique, a transgressé un tabou en proposant de vendre en bourse 5% du géant pétrolier d’Etat Aramco et de créer un fonds souverain de 2.000 milliards de dollars, le plus important du monde.

Il a entamé il y a un mois sa première tournée à l’étranger que voici résumé en quelques dates clés:

– Escorte d’avions en Egypte –

Le 4 mars, Mohammed ben Salmane est accueilli par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi à l’aéroport du Caire. Des avions de combat avaient escorté l’appareil de la délégation saoudienne à son entrée dans l’espace aérien égyptien.

Le lendemain, l’Arabie saoudite et l’Egypte créent un fonds conjoint de 10 milliards de dollars pour développer une méga-ville dans le sud du Sinaï, selon une source gouvernementale saoudienne.

« L’Arabie saoudite représente le premier investisseur arabe en Egypte », affirme le porte-parole de la présidence égyptienne.

Le Caire et Ryad font partie d’un bloc de pays qui boycottent le Qatar depuis juin 2017, accusant l’émirat de liens avec des groupes extrémistes – ce que Doha dément – et de se rapprocher de l’Iran, grand rival de Ryad.

– Londres: la reine et des manifestations –

Le 7 mars, « MBS » entame par un déjeuner avec la reine Elizabeth II au palais de Buckingham une visite de trois jours au Royaume-Uni. Il a des discussions avec la Première ministre Theresa May sur les relations économiques, la défense ainsi que les réformes sociétales et économiques entamées par le régime saoudien, de l’autorisation de conduire pour les femmes à celle des cinémas.

La Première ministre fait aussi part de sa « profonde préoccupation concernant la situation humanitaire au Yémen », qui suscite aussi des protestations d’associations.

Les combats entre rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, et forces gouvernementales, appuyées par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, ont fait près de 10.000 morts et mis le Yémen au bord de la famine.

Le 9, le groupe de défense britannique BAE Systems annonce que Londres a signé avec Ryad un protocole d’accord pour l’achat par les Saoudiens de 48 avions de combat Eurofighter Typhoon.

– ‘Grande amitié’ avec Trump –

Le 20 mars, Donald Trump loue à la Maison Blanche sa « grande amitié » avec le jeune prince héritier, qui entame une tournée de près de trois semaines à travers les Etats-Unis.

« La relation n’a probablement jamais été aussi bonne » (…). « L’Arabie saoudite est un pays très riche et vous allez j’espère donner une part de cette richesse aux Etats-Unis sous la forme d’emplois et d’achats du meilleur matériel militaire qui soit au monde », lance le président américain.

Le même jour, le Sénat américain rejette une résolution visant à arrêter l’assistance militaire à la coalition menée par Ryad contre les Houthis au Yémen.

Le 23, l’administration américaine annonce avoir donné son feu vert pour des contrats d’armement pour un montant total de plus d’un milliard de dollars avec l’Arabie saoudite.

Le 2 avril, dans un entretien publié par la revue américaine The Atlantic, le prince héritier estime que les Israéliens ont le « droit » d’avoir leur propre Etat-nation comme les Palestiniens, établissant ainsi un nouveau signe de rapprochement avec Israël.

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