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L’insupportable attente des réfugiés syriens à la frontière turque

Le Vif

La nouvelle vague de l’exode s’est arrêtée à la frontière turque. Dans le froid pinçant et le dénuement, des dizaines de milliers de Syriens qui ont fui les combats autour d’Alep y attendent un feu vert pour enfin trouver refuge en Turquie.

Seule une poignée d’entre eux a été autorisée à franchir le poste turc d’Oncupinar. Mohamad Rahma est de ces heureux. Aveugle depuis un bombardement qui a visé la ville d’Azaz, à quelques kilomètres de là, cet adolescent a pu passer pour se faire soigner. Son père qui l’accompagne raconte le chaos qui règne côté syrien.

« Nous avons faim et froid. Les gens dorment dans la rue », dit Ahmad. « Nous vivons dehors parce que nous n’avons aucun endroit où nous pouvons nous installer ».

Environ 30.000 réfugiés, pour l’essentiel des femmes et des enfants chargés de baluchons où ils ont entassé à la hâte quelques rares effets personnels, se pressent désormais dans la localité frontalière syrienne de Bab al-Salama.

Dans l’urgence, des ONG ont tenté d’organiser leur arrivée dans les quelques camps déjà installés dans la région d’Azaz, rapidement submergés.

« Ces civils ont peur d’être massacrés », explique Kerem Kinik, le vice-président du Croissant-rouge turc en évoquant les frappes aériennes massives de l’aviation russe et les attaques des troupes du régime du président syrien Bachar al-Assad.

« La peur se propage très vite dans la population », ajoute-t-il.

« Nous sommes confrontés à la situation la plus terrible de cette tragédie syrienne », renchérit Mohamed Wajih Juma. En charge des questions de santé au sein de l’opposition syrienne en exil, il a quitté son quartier général de la ville turque de Gaziantep, plus au nord, pour prendre le pouls de la situation.

« Nous parlons ici de dizaines de milliers de personnes qui quittent leur pays. Même dans les pires moments de ces cinq dernières années, ces gens ont réussi à rester chez eux (à Alep) », poursuit-il, « mais les bombardements russes ont brisé leur détermination ».

Camps de fortune

Chaque jour, les camions de la Fondation pour l’aide humanitaire (IHH), une ONG islamique proche du gouvernement du président turc Recep Tayyip Erdogan, et le Croissant-rouge turc franchissent la frontière pour venir en aide déplacés d’Alep.

Ils y distribuent tentes, couvertures, eau ou rations alimentaires. « Depuis le 5 février, nous avons livré environ 2.000 tentes et 6.000 couvertures, ainsi que de la nourriture », se réjouit le responsable du Croissant-rouge.

Comme le gouvernement turc n’a pas encore donné son feu vert à l’entrée des réfugiés sur son sol, les ONG turques, syriennes et internationales ont d’abord élargi les capacités d’accueil des huit camps existants autour d’Azaz.

IHH affirme même en avoir dressé un tout nouveau, d’une capacité de 10.000 places.

« Nos opérations ont pour vocation de prendre soin des gens à l’intérieur du territoire syrien », explique Serkan Nergis, un porte-parole d’IHH, « nous fournissons chaque jour de la nourriture à 20.000 Syriens ».

Malgré ces efforts, leur situation est toujours jugée très, très précaire. En visite lundi à Ankara, la chancelière allemande Angela Merkel s’en est dite « horrifiée ».

Côté turc, devant la barrière toujours abaissée du poste-frontière d’Oncupinar, certains ont même commencé à faire la queue dans le sens inverse, pour entrer en Syrie. Avec la ferme intention d’y venir en aide à leurs proches bloqués.

« La situation là-bas est vraiment trop mauvaise », lâche Necati Yildiz, un Turc dont la fille, mariée à un Syrien, est bloquée à un jet de pierre avec ses trois enfants. « Ils souffrent du froid, et nous attendons désespérément ici », enrage-t-il.

Jusqu’à présent, il n’a pas été autorisé à entrer en Syrie. Dans ce sens-là comme dans l’autre, la frontière est toujours fermée.

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