Cameron Harris © Capture d'écran New York Times

L’incroyable histoire de l’étudiant qui a gagné 1000 dollars de l’heure en mentant sur Clinton

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

À quelques heures de l’investiture du 45e président des États-Unis, le New York Times fait le portrait de Cameron Harris, un étudiant qui s’est rendu riche en répandant des histoires fausses sur Hillary Clinton durant la campagne électorale.

Fraichement diplômé et fauché, Cameron Harris s’est engouffré dans la brèche lorsqu’à la fin de l’été, il a entendu Donald Trump se plaindre que l’élection était truquée, sans donner plus de détails.

En septembre, quelques semaines après les déclarations de Trump, Harris s’est assis à la table de sa cuisine pour inventer les détails que Trump n’avait pas voulu donner dans cette prétendue affaire de tricherie. Il a commencé par écrire un titre : « EXCLUSIVITÉ : Des dizaines de milliers de bulletins de vote frauduleux estampillés Clinton découverts dans un entrepôt dans l’Ohio ». Cela avait du sens puisque c’est dans ce même état que Trump avait déclaré que l’élection était truquée.

Harris avait alors fait le pari que puisque les partisans de Trump se méfiaient des médias traditionnels, ils cliqueraient sans aucun doute sur son article inventé de toutes pièces. Selon lui, les gens étaient prédisposés à penser que Clinton ne pouvait gagner qu’en trichant.

Harris créa alors l’auteur de cette découverte : Randall Prince, un électricien de la région de Columbus. Un Monsieur Tout Le Monde, partisan de Trump, était entré dans une pièce abandonnée d’un entrepôt et avait trébuché sur des boités remplies de bulletins de vote au nom de Clinton. « Personne ne va dans cette pièce. Elle est généralement utilisée pour stocker temporairement du matériel de plomberie », aurait affirmé Prince.

Pour ajouter plus de véracité à son « article », Harris a fait une rapide recherche dans Google image avec les mots-clés « urne électorale » et a trouvé une photo d’un homme chauve se tenant derrière une pile de boîtes noires sur lesquelles il était écrit : « ballot box ». Il s’agissait d’une photo provenant d’un journal anglais, mais cela ferait l’affaire. Harris n’avait plus qu’à ajouter une légende à l’image et le tour était joué. Pour ajouter un peu de suspens, il évoque à la fin de l’article l’arrivée imminente de nouvelles informations.

L'incroyable histoire de l'étudiant qui a gagné 1000 dollars de l'heure en mentant sur Clinton
© Capture d’écran

Le 30 septembre, il publie son histoire et l’envolée est spectaculaire. L’article est partagé par une demi-douzaine de pages Facebook que Harris avait créées pour l’occasion. Il a ensuite été commenté par des milliers de personnes indignées par cette révélation. Selon le site CrowdTangle, qui suit les audiences du web, il aurait été partagé plus de 6 millions de fois.

Le lendemain, le conseil électoral de Franklin County, dans l’Ohio, a annoncé qu’il avait enquêté sur ces révélations et qu’elles semblaient fausses. Quelques jours plus tard, le secrétaire d’État de l’Ohio a lui-même publié un démenti de cette histoire.

C’est un journaliste qui a découvert qu’un étudiant de 23 ans se cachait derrière le site ChritianTimesNewsPaper.com sur lequel a été publiée l’histoire. Il s’agit d’un nom de domaine abandonné, racheté pour 5 dollars par Cameron Harris. D’abord méfiant, le jeune homme a finalement accepté de témoigner pour expliquer pourquoi il avait fait cela. Selon ses propres calculs, cette histoire lui aurait rapporté 1000 dollars de l’heure en revenus publicitaires sur le web.

En quelques jours, l’histoire qu’il a mis 15 minutes à concocter lui avait déjà rapporté 5000 dollars. En tout, cela lui a rapporté 22.000 dollars durant toute la campagne grâce aux revenus publicitaires qu’il a pu engendrer. De l’argent qu’il a dépensé pour rembourser son prêt étudiant, payer son loyer et acheter une voiture. Car son but n’était que l’argent et pas la politique, affirme-t-il.

Bien qu’il ait voté pour Trump (le premier choix de Harris c’était porté sur Marco Rubio), il affirme qu’il aurait pu compromettre Trump et encourager Clinton si cette méthode avait été lucrative. Mais les partisans de Trump étaient beaucoup plus fervents que ceux de Clinton.

Il aurait pu gagner beaucoup plus d’argent s’il avait revendu à temps son nom de domaine qui valait, juste avant les élections, plus de 100.000 euros. Quelques jours après l’élection, son site a été dénoncé pour avoir publié de fausses informations. Google a annoncé qu’il retirait la publicité des sites de rumeurs et le site de Harris a perdu toute sa valeur.

Mais pour lui, l’histoire ne s’arrête pas là, car il a réussi à recueillir 24.000 adresses mails dont il ne sait pas encore quoi faire.

Lorsqu’on lui demande s’il ressent une quelconque culpabilité pour ce qu’il a fait, l’étudiant répond que la politique est toujours faite d’exagérations et de demi-vérités et estime que son histoire n’a pas vraiment pesé dans la balance.

Pourtant, dans son discours d’adieu à Chicago, le président Obama a estimé que le phénomène des fausses informations était suffisamment significatif pour le mentionner comme une menace pour la démocratie. « De plus en plus, a-t-il dit, nous devenons si repliés sur nous-mêmes que nous nous mettons à n’accepter des informations, qu’elles soient vraies ou non, que si elles correspondent à nos opinions, au lieu de fonder nos opinions sur les preuves qui existent ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire