Incendie au camp de Grande-Synthe, dans la nuit du 10 avril 2017 © Belga Image

L’incendie du camp de migrants de Grande-Synthe, un incident prévisible

Les autorités françaises organisaient mardi dans l’urgence l’accueil de 1.400 migrants après l’incendie qui a ravagé le plus grand camp en France, à Grande-Synthe (nord), à la suite d’une rixe intercommunautaire.

Seuls environ 70 chalets en bois sur les 300 que comptait cette enceinte sont encore debout mais c’est le camp dans son ensemble qui a été rendu inutilisable et a donc été fermé. La totalité du camp a été évacuée dans la nuit. Quelque 400 à 500 migrants ont été hébergés dans trois gymnases. « Le reste s’est caché dans la nature », s’est désolé Christian Salomé, de l’association L’Auberge des migrants, très active dans ce camp situé au bord de la Manche, en face des côtes anglaises que les migrants rêvent de rejoindre.

Des membres des forces de l’ordre ont été envoyés en renfort dans la région « afin de prévenir les troubles à l’ordre public », d’après un communiqué des ministres de l’Intérieur et du Logement qui ont prévu de se rendre sur place dans la journée. Selon le préfet et les récits de migrants, les multiples feux allumés dans le camp lundi, qui ont ensuite embrasé les chalets de bois, ont pour origine de violentes bagarres entre Kurdes d’Irak et Afghans, malgré d’importants renforts de police. Treize personnes ont été blessées, a souligné le procureur de Dunkerque, dont quatre par arme blanche.

« La surpopulation » du camp depuis le démantèlement de la « Jungle » de Calais fin octobre, « a créé des difficultés » à l’origine du drame, de l’aveu du maire de Grande-Synthe, évoquant la fermeture de ce grand bidonville par les autorités françaises. « Les tensions au sein du camp ont augmenté après le démantèlement de Calais du fait de sa surpopulation », a de même déclaré à l’AFP Pierre Henry, le directeur général de l’association France Terre d’asile.

Pour le préfet du Nord, Michel Lalande, la priorité des autorités est désormais de « mettre à l’abri les migrants qui errent sur les grands axes routiers de cette région en direction de Calais ou Paris » et de « consolider un accueil d’urgence ». Il s’agit, a-t-il dit à la presse, de « les rassurer et les conduire vers des lieux de répit », d’opérer « une mise à l’abri sur plusieurs jours qui ne pénalise pas les habitants de cette ville ».

Des tensions depuis des semaines

Pour l’ONG Médecins du Monde, dont les équipes sont mobilisées sur place, « l’incendie de la nuit passée est la conséquence des actions d’un gouvernement qui ne cherche pas de solution durable ». Il y a moins d’un mois, elle avait averti que la situation se dégradait. « Notre lettre mentionnait notamment que 30 personnes avaient déjà été envoyées à l’hôpital suite à une intoxication au monoxyde de carbone, que certains occupants du camp devaient dormir dans les cuisines par manque de place ou que la sécurité des femmes et des enfants n’étaient plus assurée », rappelle Stéphane Heymans, directeur des opérations de Médecins du Monde.

Des cas de gale, des infections respiratoires, des affections cutanées et des piqûres de puces avait été observés. Il était pourtant prévisible que le démantèlement de la ‘Jungle’ de Calais allait entraîner la création de camps plus petits et informels. « Notre appel à de meilleures conditions sanitaires, à plus de sécurité et à une réorganisation suivait celui de la ville. Mais il est resté lettre morte », regrette Médecins du Monde. « On veut souligner la réactivité de la municipalité de Grande-Synthe (qui a mobilisé trois gymnases, NDLR). Et nous devons une fois encore constater que l’Etat français ne fait rien de ce qu’il devrait faire pour empêcher que la situation n’empire. »

Les prétendants à l’Elysée réagissent

En pleine campagne présidentielle, l’incendie de Grande-Synthe, un camp longtemps considéré par certains comme un modèle, a suscité de vives réactions des différents candidats. C’est « le signe du grand chaos migratoire qui bouscule notre pays depuis des années. (…) Ce chaos doit cesser », a martelé la candidate d’extrême-droite Marine Le Pen. « L’ensemble des campements de migrants seront démantelés après mon élection si les Français m’élisent à la tête de l’Etat », a assuré celle qui arrive en tête des intentions de vote au 1er tour avec le centriste Emmanuel Macron.

« Il va bien falloir reprendre la discussion avec la Grande-Bretagne sur la situation qui nous est faite d’être en quelque sorte les gardes-frontières de ce pays », a estimé Richard Ferrand, secrétaire général du mouvement de M. Macron, « En Marche! »

Pour François Fillon, le candidat conservateur, cet incendie démontre que « la construction de camps n’est pas la solution, parce qu’elle amène sans cesse de nouvelles vagues de migrants et que la seule solution, c’est le contrôle aux frontières ».

Le maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême qui avait fait bâtir le camp en dur malgré l’opposition des autorités de l’Etat, a renvoyé dos à dos tous les prétendants à l’Elysée: « chaque candidat, qu’il le veuille ou non, doit intégrer le problème de la prise en charge de la migration en France », a-t-il dit mardi.

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