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L’horreur d’une attaque contre un hôpital, comme si vous y étiez

Le Vif

Les docteurs et les infirmières s’activent autour d’un patient avec une jambe fracturée lorsque, soudain, une explosion retentit et des cris de panique s’élèvent dans la salle plongée dans l’obscurité. Et si le patient, c’était vous ?

C’est ce type d’expérience que l’organisation Médecins sans Frontières (MSF) propose de vivre grâce à un film de réalité virtuelle (RV) en 360°. Le groupe humanitaire espère ainsi sensibiliser les politiciens et les militaires aux dangers que représentent les attaques visant des installations hospitalières et le personnel médical dans des zones de conflit comme en Syrie, au Yémen ou en Afghanistan.

« Ce genre d’outil, le 360°, peut être très, très intéressant pour sensibiliser et passer des messages forts dans des formations à destination par exemple des pilotes de chasse », explique François Delfosse, qui dirige un projet de MSF sur les attaques d’hôpitaux et la protection des missions médicales.

Lorsque vous enfilez le casque de réalité virtuelle et les écouteurs, vous vous retrouvez au beau milieu d’une unité de traumatologie en pleine effervescence, avec sous vos yeux votre jambe cassée, dans l’attente qu’un docteur s’occupe de vous.

Quand l’explosion retentit, vous êtes bloqué dans l’obscurité, incapable de bouger alors que des gens couverts de sang défilent en hurlant et qu’un médecin appuie frénétiquement sur la poitrine d’une personne allongée sur le sol à côté de votre lit.

Si vous tournez la tête, vous pouvez voir d’autres personnes courir, dont un vieil homme au visage couvert de sang et de poussière qui porte un bébé sans vie.

– Impuissance –

« Il y avait ce sentiment d’impuissance », explique Irène Raciti, de la Croix Rouge, qui s’est portée volontaire pour tester le film de MSF.

Assise seule dans un espace isolé, casque et les écouteurs, Raciti tourne la tête dans toutes les directions, suffoque à certains moments et serre ses mains nerveusement.

« J’étais blessée, donc je ne pouvais pas bouger et les gens couraient autour de moi, demandaient de l’aide et j’étais impuissante », confie-t-elle à l’AFP après cette expérience.

La présentation du film devant des politiciens et des décideurs débutera en août.

« La demande de MSF était de créer une expérience traumatisante », explique Romain Girard, réalisateur du film, qui ne dure que deux minutes et demie environ, mais qui semble durer plus longtemps lorsqu’on a le casque sur la tête.

Le film a été créé à Genève mais s’inspire des images des médias et des caméras de surveillance montrant des attaques réelles sur des hôpitaux, dont le bombardement américain sur un hôpital de MSF à Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan en octobre 2015, qui avait fait 42 morts, dont 14 parmi le personnel du groupe humanitaire.

« On ne voit pas les bombes tomber, mais on voit le choc, on voit la panique, on voit la détresse des gens, et c’était vraiment ça qui était intéressant de remettre en perspective au travers du film », dit M. Girard. « Tout d’un coup, les patients et le personnel médical se transforment en une espèce de fantômes qui errent comme ça dans des couloirs où tout est éteint, avec de la fumée et de la poussière, et c’est vraiment l’angle qu’on a choisi d’avoir pour la scène ».

– Victimes indirectes –

MSF rappelle que pour chaque travailleur médical tué ou blessé dans ces attaques, beaucoup d’autres personnes se retrouvent privées de soins et meurent ou souffrent de cette situation.

Après le bombardement de Kunduz par exemple, un million de personnes dans le nord-est de l’Afghanistan n’ont toujours pas accès à une unité de chirurgie de qualité, selon MSF.

« L’impact sur la population civile est lui-même extrêmement élevé », souligne M. Delfosse. « Les gens meurent tout simplement par faute de soins, ce qui crée un nombre considérable de victimes directes ou indirectes dans ces zones de conflit. La négation de l’accès aux soins est inadmissible ».

MSF espère que le film en RV contribuera à ouvrir les yeux des responsables sur les conséquences dévastatrices des attaques visant des installations médicales.

« Je me dis secrètement que certaines personnes pourraient changer d’avis un jour en se disant que ‘j’ai vécu une expérience et peut-être que si j’oriente différemment la décision que je prends maintenant, je pouvais sauver des vies' », confie Romain Girard.

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