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L’exercice risqué des sanctions économiques contre la Russie

Le Vif

Les sanctions économiques adoptées mardi par l’Union européenne contre la Russie, après des semaines de préparations discrètes, ont été conçues pour maximiser l’impact sur la Russie tout en limitant les répercussions en Europe. Elles n’en constituent pas moins un exercice risqué, car d’éventuelles mesures de rétorsion pourraient faire mal à l’économie européenne.

Les sanctions économiques ne sont pas sans précédent, ont rappelé mercredi des sources à la Commission européenne. Elles constituent l’un des instruments de la boîte à outil diplomatique de l’Union, déjà utilisé face à l’Iran et à la Syrie. Jamais, toutefois, elles n’ont été appliquées contre un partenaire économique de la taille de la Russie. « Nous nous avançons dans un nouveau territoire, rempli de risques », a indiqué un expert.

L’Europe mise sur un apaisement du conflit en Ukraine, qui permettrait de suspendre les sanctions rapidement. Les mesures restrictives concernent quatre catégories de produits: capitaux, armements, biens et services à double usage (civil et militaire) et technologies énergétiques. Ce denier point est le plus délicat, tant l’Europe, en particulier à l’est, dépend des exportations russes.

L’Union n’a donc interdit que la vente de technologies très spécifiques, nécessaires pour le développement à long terme de l’industrie énergétique russe dans trois sous-secteurs particuliers (l’Arctique, le forage en eaux profondes et le pétrole de schiste). Il n’est pas question d’interdire la vente de produits nécessaires à l’exploitation actuelle du pétrole et du gaz. En fait, aucune sanction ne vise le secteur du gaz.

En matière financière également, l’équilibre trouvé est assez subtil. Il est prévu que les banques publiques russes, y compris leur filiales, ne puissent lever des capitaux en Europe. Cette interdiction ne vaut pas pour les filiales enregistrées dans l’Union, mais celles-ci se verront interdire de transférer les fonds levés à la maison-mère.

Le prêt restera autorisé. L’interdiction du commerce des armes à l’import et à l’export est plus tranchée, même si, ici aussi, des subtilités ont été prévues. Les contrats déjà signés pourront être exécutés, ce qui enlève une épine du pied de la France, qui pourra livrer deux portes-hélicoptères Mistral. Les contrats de maintenance d’armements et de pièces détachées pourront en outre continuer d’être exécutés.

Le marché des biens et service à usage dual (civil et militaire), enfin, est potentiellement gigantesque, puisqu’il pèse environ 20 milliards d’euros entre la Russie et l’Union européenne. Il est prévu, ici, que seules les ventes à destination de clients militaires seront interdites. Les entreprises commercialisant de tels produits devront solliciter une autorisation avant de pouvoir conclure de nouveaux contrats. Les sociétés qui se risqueraient à enfreindre cet embargo aux multiples facettes s’exposent à des sanctions, dont le détail n’a pas été déterminé au niveau européen. Cette matière pénale relève en effet de la compétence exclusive des Etats membres.

Pensées pour limiter au maximum les effets négatifs en Europe, les restrictions économiques pèseront néanmoins sur l’économie, surtout si Moscou décide de répliquer par d’autres mesures. Tous les yeux se tournent vers les exportations de gaz, le talon d’Achille du continent. Les autorités européennes procèdent actuellement à des stress test visant à préparer plusieurs scénarios de rupture de l’approvisionnement. Les résultats seront connus début septembre.

Moscou dénonce les « sanctions antirusses » de l’UE et sa politique « dictée par Washington »

Le ministère russe des Affaires étrangères a accusé mercredi l’UE de mener « une politique dictée par Washington » et affirmé que les sanctions, qui touchent le secteur énergétique, allaient provoquer une hausse des prix sur le marché de l’énergie en Europe. Les sanctions annoncées par l’Union européenne vont « inéluctablement avoir pour résultat une hausse des prix sur le marché de l’énergie en Europe », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères.

« Mettre des obstacles à la coopération avec la Russie dans le domaine énergétique » constitue « une mesure irréfléchie et irresponsable », a estimé le ministère dans un communiqué. Le ministère a également critiqué de manière inhabituellement sévère la politique de l’UE. « La politique de l’UE ne se fonde plus aujourd’hui sur des faits vérifiés, mais elle est dictée par Washington », déclare-t-il, en estimant que ces « sanctions antirusses » témoignent « de l’incapacité de l’UE à jouer un rôle autonome dans les affaires mondiales ».

Moscou évoque des conséquences concrètes pour les USA

Les « sanctions antirusses illégitimes » prises par les Etats-Unis et leur politique « destructive et à courte vue » auront pour Washington des conséquences « très concrètes », a déclaré mercredi le ministère russe des Affaires étrangères. « Les conséquences pour Washington de cette politique destructive et à courte vue vont être très concrètes », a assuré le ministère dans une première réaction aux sanctions annoncées la veille par Washington. Le ministère, qui dénonce dans un communiqué « les sanctions antirusses tirées par les cheveux et illégitimes » de Washington ne fait en revanche aucune allusion aux sanctions décrétées par l’Union européenne le même jour. Washington tente ainsi « d’échapper à ses responsabilités dans le développement tragique de la situation en Ukraine », poursuit la diplomatie russe. Le ministère accuse également les Etats-Unis de vouloir punir Moscou pour « sa politique indépendante et perturbante pour Washington ». Washington et Bruxelles ont annoncé mardi de nouvelles sanctions contre Moscou en raison de son implication dans la guerre en Ukraine. Ces sanctions sont les plus importantes décrétées contre la Russie depuis la fin de la Guerre froide.

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