Un supporter de Beji Caid Essebsi © Reuters

« L’exemple tunisien, meilleure parade à la crise migratoire »

Le Vif

La transition démocratique réussie en Tunisie représente la meilleure parade à la crise migratoire, a estimé jeudi la présidente du comité Nobel norvégien avant de remettre le prix de la paix à quatre acteurs de la société civile tunisienne.

« Nous vivons une époque de turbulences. En Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Europe, des millions de personnes fuient la guerre, l’oppression, la souffrance et la terreur », a dit Kaci Kullmann Five devant les représentants du quartette pour le dialogue national tunisien, primé cette année pour son rôle décisif dans la transition démocratique du pays maghrébin.

« Si chaque pays avait agi comme la Tunisie l’a fait et préparé le terrain au dialogue, à la tolérance, la démocratie et l’égalité des droits, bien moins de personnes auraient été forcées de fuir », a-t-elle ajouté. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), plus de 886.000 migrants, pour l’essentiel des réfugiés syriens, ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l’Europe en 2015. Le flux a sensiblement ralenti en novembre en raison des conditions climatiques et de la lutte contre les passeurs en Turquie.

Composé du puissant syndicat UGTT, de l’organisation patronale Utica, de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et de l’Ordre des avocats, le quartette a contribué à sauver la fragile démocratisation de la Tunisie en 2013 en organisant un long et difficile « dialogue national » entre islamistes du parti Ennahda et leurs opposants. « La Tunisie a montré au monde que des mouvements politiques islamistes et laïques peuvent négocier ensemble pour trouver des solutions dans les meilleurs intérêts du pays, s’ils en ont la volonté », a souligné Mme Kullmann Five.

Les lauréats du Nobel de la paix dénoncent le terrorisme, de Tunis à Paris

Le quartette pour le dialogue national tunisien a appelé la communauté internationale à faire « une priorité absolue » de la lutte contre le terrorisme qui frappe partout, de Tunis à Paris. « Aujourd’hui, nous avons grandement besoin d’un dialogue entre les civilisations et d’une coexistence pacifique dans le respect de la diversité et de la différence », a déclaré Houcine Abassi, secrétaire général du syndicat UGTT, une des composantes du quartette. « Aujourd’hui, nous avons besoin de faire de la lutte contre le terrorisme une priorité absolue », a-t-il dit. Dans un Hôtel de ville d’Oslo fleuri mais placé sous haute sécurité pour faire face à une éventuelle menace jihadiste, M. Abassi a dénoncé les « actes terroristes barbares et haineux » perpétrés ces derniers mois en Tunisie et à travers le monde, de Paris à Beyrouth et de Charm el-Sheikh à Bamako.

Avec l’organisation patronale Utica, l’Ordre national des avocats et la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, l’UGTT forme un quartette crédité d’avoir sauvé la fragile transition démocratique de la Tunisie en 2013 en organisant un long et difficile « dialogue national » entre le parti islamiste Ennahda et ses opposants. « Le prix de la paix de cette année est vraiment un prix pour la paix sur fond de troubles et de guerre », a fait valoir la présidente du comité Nobel norvégien, Kaci Kullmann Five.

Tour à tour, les représentants des quatre organisations ont brandi le diplôme et la médaille Nobel devant un parterre de personnalités, dont le roi Harald de Norvège et les membres du gouvernement norvégien, les applaudissant debout. « Tunis », a crié quelqu’un dans l’assistance.

Au milieu du tumulte du printemps arabe –qui a germé sur ses terres–, la Tunisie est un modèle de réussite dont les autres États devraient s’inspirer, selon le comité Nobel. A force de compromis entre formations au départ diamétralement opposées, le pays s’est doté d’une nouvelle Constitution et a organisé des élections libres alors que la Libye voisine, la Syrie, le Yémen et l’Égypte sombraient dans la guerre, le chaos ou la répression.

Démocratisation fragile

Mais le processus de démocratisation reste fragile face à la menace jihadiste. Après un attentat-suicide contre un autobus de la sécurité présidentielle qui a fait 12 morts le 24 novembre, les autorités ont instauré un couvre-feu nocturne à Tunis, fermé temporairement la frontière avec la Libye et, pour la deuxième fois cette année, instauré l’état d’urgence. « On est très inquiets parce que, chaque fois qu’il y a un acte terroriste, plusieurs voix s’élèvent (…) pour dire que s’il y a du terrorisme, il faut mettre les droits de l’Homme de côté », a déclaré le président de la LTDH, Abdessatar Ben Moussa, dans un entretien avec l’AFP juste avant la cérémonie. « Le meilleur moyen de combattre le terrorisme, c’est de respecter les droits de l’Homme », a-t-il dit, faisant écho à des inquiétudes déjà exprimées par Amnesty International la semaine dernière.

Avant l’attentat du 24 novembre revendiqué par le groupe État islamique, deux autres attaques majeures avaient endeuillé le pays: la première avait fait 22 morts en mars au musée du Bardo à Tunis et la deuxième avait tué 38 touristes en juin près de Sousse (centre-est). La Tunisie est par ailleurs l’un des plus gros fournisseurs de combattants étrangers aux mouvements jihadistes, un groupe de travail de l’ONU estimant à environ 5.500 le nombre de ses ressortissants partis pour la Syrie, l’Irak ou la Libye. Sur le front économique, le pays maghrébin souffre considérablement des violences jihadistes. Le tourisme représentait jusque-là environ 7% du PIB national et quelque 400.000 emplois directs et indirects mais le secteur est à l’arrêt depuis l’attentat de Sousse. A la fin octobre, la baisse des nuitées a atteint plus de 60% sur un an, selon des chiffres officiels.

Le Nobel consiste en une médaille d’or, un diplôme et un chèque de 8 millions de couronnes suédoises (un peu plus de 863.000 euros). Les prix dans les autres disciplines (littérature, chimie, médecine, physique, économie) devaient être également remis dans la journée à Stockholm.

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