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L’Espagne prise de vertige face au référendum catalan

Le Vif

Mais comment a-t-on pu en arriver là ? La crise entre les indépendantistes catalans et le gouvernement espagnol atteint dimanche son paroxysme avec la tenue d’un référendum d’autodétermination interdit qui pourrait plonger l’Espagne dans un scénario aux conséquences incalculables.

Le défi lancé à l’Etat espagnol est sans précédent depuis presque 40 ans, estiment tous les dirigeants du pays.

Le 6 septembre, les indépendantistes ont convoqué le référendum malgré l’interdiction de la Cour constitutionnelle et sans véritable débat au parlement régional.

Depuis, ni les poursuites judiciaires ni les arrestations ou perquisitions n’ont dissuadé les séparatistes de cette riche région d’Espagne où vivent 16% des habitants du pays d’organiser le scrutin.

Aux lourdes amendes imposées aux organisateurs, ils opposent une quête militante. Quand on saisit leurs bulletins de vote, ils appellent les citoyens à en imprimer. Lorsque les sites internet sur le référendum sont bloqués, d’autres rouvrent à l’étranger.

Face à la démonstration de force d’un Etat qui déploie des milliers de policiers hébergés dans des ferrys à quai à Barcelone, les séparatistes ont recours à la dérision. Un des navires est décoré d’une peinture géante de Titi et Grosminet: la Catalogne devient le malin canari, poursuivi sans succès par le méchant chat Sylvestre.

Catexit

Les conséquences d’une sécession de la Catalogne, grande comme la Belgique et pesant 19% du PIB de l’Espagne, sont incalculables, comme celles du Brexit déclenché lui aussi par un référendum, en juin 2016.

« C’est comme le Brexit, aussi crétin », se désole, dans le train qui la mène à Barcelone, Beatriz Migens, 43 ans, Sévillane qui habite Madrid mais passe deux jours par semaine à Barcelone pour son travail.

« Si la Catalogne s’en allait, ce serait comme si on nous arrachait un membre (…) tout mon entourage est dépité par la situation, on ne parle que de ça », confie Rodrigo Marrero, un avocat des Canaries exerçant à Madrid.

« Cela fait trop longtemps que cela ne marche pas », rétorque Ferran Mascarell, qui représente l’exécutif catalan à Madrid.

Selon cet homme censé faire le lien entre « les deux sociétés », l’amertume des Catalans qui se sentaient méprisés par la capitale a tourné à la colère avec la crise économique et la remise en cause du « Statut » conférant de très larges compétences à la région, raboté en 2010 par la Cour constitutionnelle.

« C’est le fruit d’une révolte des classes moyennes contre l’Etat » central, affirme-t-il.

Mais les opposants des séparatistes, en particulier le parti Ciudadanos, soutiennent que la cause est moins noble. Selon eux, en incitant à la sécession, certains hommes politiques ont voulu détourner l’attention des Catalans des affaires de corruption et de leur mauvaise gestion.

La réalité est tout en nuances: la région a sa propre langue et culture mais sur ses 7,5 millions d’habitants, plus de la moitié viennent d’ailleurs ou sont enfants d’immigrés d’autres régions d’Espagne. Et sur l’indépendance, la Catalogne est divisée en parts presque égales… jusque dans les familles.

En revanche, plus de 70% des Catalans tiennent à ce que le débat soit tranché par le biais d’un référendum légal, selon des sondages.

Une question inenvisageable pour le chef du gouvernement Mariano Rajoy. Elle est contraire à la Constitution, répète-t-il.

Mariano Rajoy veut aussi sans doute éviter d’ouvrir une boîte de Pandore dans une Espagne fragile, une monarchie ultra-décentralisée où les régions ont des compétences très inégales.

Oeillets rouges

Pourtant, l’atteinte à l’image d’une Espagne qui se targuait de sortir de la crise et de s’être débarrassée des attentats des séparatistes basques de l’ETA est déjà importante.

Depuis le début du mois, l’Etat, ses juges, ses policiers, font face à des manifestants dans l’ensemble pacifiques munis d’oeillets rouges. Des pompiers, dockers, paysans ou lycéennes affichent leur unité autour de slogans comme « votarem » (nous voterons).

Madrid a cependant réussi sur un point essentiel: même si les Catalans arrivent à voter en masse dimanche, l’exécutif régional n’a pu organiser un scrutin qui satisfasse les critères de reconnaissance internationale: il n’a pas de recensement électoral, la commission électorale n’existe plus, elle a démissionné pour éviter des amendes, les partis du « non » à l’indépendance boycottent le scrutin.

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