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L’enfer des prisonnières irakiennes

Stagiaire Le Vif

Le dernier rapport de l’ONG Human Rights Watch met en lumière l’urgence d’une réforme de la justice pénale en Irak. Les conditions d’emprisonnement y sont terribles, surtout pour les femmes.

En Irak, des milliers de femmes sont détenues illégalement dans les prisons irakiennes où elles sont nombreuses à subir des tortures et des mauvais traitements. Elles peuvent rester des mois, voire des années en prison, sans qu’aucun chef d’accusation ne soit retenu contre elles, avant de comparaître devant un juge.

Human Rights Watch est allé à la rencontre de ces détenues, de leurs familles, de leurs avocats, et de prestataires de services médicaux dans les prisons, et a livré un bilan de la situation dans un rapport de 105 pages intitulé « ‘No One Is Safe’: Abuses of Women in Iraq’s Criminal Justice System »(« ‘Personne n’est en sécurité’: Abus à l’encontre de femmes dans le cadre du système de justice pénale en Irak »). Le rapport est accessible sur le site de Human Rights Watch.

La situation sur le terrain est désastreuse. Parmi les 27 femmes qui ont pu être interrogées, beaucoup ont affirmé avoir été rouées de coups, frappées sur la plante des pieds, suspendues la tête en bas, soumises à des électrochocs et menacées de violences sexuelles ou violées par les forces de sécurité pendant leur interrogatoire, parfois en présence de leurs proches.

L’une des prisonnières est arrivée en béquilles à son rendez-vous avec Human Rights Watch au centre des condamnés à mort de Bagdad. Elle a expliqué avoir été battue, soumise à des électrochocs et à d’autres sévices qui l’ont rendue définitivement infirme. Son témoignage a été confirmé dans un rapport médical et le tribunal de première instance a rejeté les chefs d’accusation retenus contre elle. Malgré cela, elle sera exécutée quelques mois plus tard, en septembre 2013.

Hommes et femmes pâtissent des manquements de la justice pénale irakienne, mais les femmes y sont encore plus vulnérables à cause de leur statut de membres de seconde classe dans la société. Selon Human Rights Watch, les femmes sont régulièrement visées, non seulement pour des crimes dont elles sont accusées, mais aussi dans le but de harceler des membres masculins de leur famille ou de leur communauté.

D’après des détenues, leurs familles et leurs avocats, les forces de sécurité effectuent de véritables rafles parmi la population féminine. Les femmes sont arrêtées et emprisonnées en raison de leurs liens avec des hommes soupçonnés de terrorisme ou de leur appartenance à une tribu ou à un courant religieux. Une fois arrêtées, elles sont souvent interrogées sur les activités de leurs proches de sexe masculin plutôt que sur les crimes dont elles sont elles-mêmes accusées. Sous la torture, elles finissent par dire ce que les forces de sécurités veulent entendre et signer des dépositions qu’elles ne sont pas autorisées à lire.

Et souvent, les juges refusent d’ouvrir une enquête sur leurs allégations de mauvais traitements, les avocats refusent de s’occuper de leur dossier s’il est trop sensible sur le plan politique et les menaces encourageant les représentants de la justice en ce sens ne sont pas rares. En outre, il est fréquent que les ordres de remise en liberté ne soient pas respectés et que les détenues restent en prison au-delà de leur peine.

En janvier 2013, le Premier ministre, Nouri al-Maliki, avait promis une réforme du système pénal, en commençant par libérer les détenues ayant bénéficié d’un ordre de remise en liberté, mais force est de constater qu’un an plus tard la situation reste inchangée : le système, rongé par la corruption, continue à fonder ses verdicts de culpabilité sur des aveux obtenus par la torture et les procédures pénales ne sont toujours pas conformes aux normes internationales.

ONG, analystes et diplomates sont de plus en plus nombreux à rapporter des allégations de maltraitance et, selon Human Rights Watch, il est impératif que les autorités irakiennes reconnaissent la gravité de la situation, enquêtent sur les allégations de torture et de mauvais traitements qui lui sont rapportées, poursuivent en justice les responsables d’abus et rejettent les aveux obtenus par la force.

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